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15 % des Français ne boivent plus une goutte : les ventes de spiritueux traditionnels en chute libre depuis 4 ans

La consommation de spiritueux recule en France pour la quatrième année consécutive. Ce phénomène touche tous les réseaux de distribution et s’accompagne d’un recul notable à l’exportation. Pourquoi cet élément change-t-il profondément les dynamiques du secteur ? Ce que révèle cette tendance mérite une attention particulière.

La Chute Des Ventes De Spiritueux En France: Un Phénomène Persistant

Après avoir évoqué les grandes lignes de la consommation d’alcool en France, il apparaît clairement que le recul des achats de spiritueux s’inscrit dans une dynamique durable. En 2024, le secteur enregistre une nouvelle baisse de 2,6% en volume, confirmant une tendance amorcée depuis plusieurs années. Cette diminution touche l’ensemble des circuits de distribution, des grandes surfaces aux cavistes, en passant par les cafés et les boutiques duty free, comme le souligne la Fédération française des spiritueux (FFS) à partir des données des Douanes.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les grandes et moyennes surfaces ont écoulé 247 millions de litres de spiritueux, soit un recul de 3,8% par rapport à 2023. Cette baisse s’inscrit dans la continuité, avec une quatrième année consécutive de diminution des ventes sur ce segment. En valeur, la tendance est également au repli, avec un chiffre d’affaires de 4,9 milliards d’euros, en baisse de 3,6% — une première depuis 2018. Ces données traduisent un changement notable dans les comportements d’achat des Français.

Une analyse plus fine des catégories d’alcools révèle des disparités. Les traditionnels whiskys et anisés, qui représentent plus de la moitié des ventes en supermarché, poursuivent leur recul. À l’inverse, les alcools blancs dits « festifs » résistent mieux à cette érosion, offrant un contraste intéressant dans les préférences des consommateurs. Par ailleurs, les rhums et le cognac continuent de perdre du terrain, ce dernier étant délaissé depuis plusieurs années par une partie du public français.

Cette baisse touche aussi le secteur de la restauration et des cafés, où les ventes ont chuté de 2% en volume, avec 20,8 millions de litres écoulés. Cette situation est d’autant plus marquée que le rebond post-Covid n’a pas été au rendez-vous en 2024. La Fédération française des spiritueux évoque notamment un contexte météorologique défavorable, qui pourrait avoir pesé sur la fréquentation et la consommation dans ces établissements. Paradoxalement, certains produits comme le spritz enregistrent une croissance significative, avec une hausse de 32% en valeur, témoignant d’une évolution des goûts et pratiques de consommation.

Ainsi, derrière ces chiffres se dessine un phénomène persistant qui questionne l’avenir d’un secteur longtemps ancré dans les habitudes françaises. Le recul des ventes de spiritueux illustre une mutation profonde des comportements, qui ne se limite pas à un simple cycle conjoncturel. Cette évolution invite à une réflexion plus large sur les facteurs à l’origine de ce changement et prépare le terrain pour une analyse sociologique des nouvelles normes de consommation.

15% Des Français Boudent L’alcool: Un Changement Sociétal Marqué

Ce recul général des ventes s’accompagne d’une transformation plus profonde des comportements de consommation, qui dépasse le simple cadre économique pour toucher à des évolutions sociales et culturelles. La Fédération française des spiritueux souligne ainsi l’émergence d’un phénomène inédit : 15% des Français se déclarent désormais comme des non-consommateurs absolus d’alcool. Ces individus ne boivent « ni chez eux, ni dans un cadre de convivialité », et ils l’assument publiquement, ce qui marque un tournant dans les normes sociales autour de l’alcool.

Thomas Gauthier, porte-parole de la filière, insiste sur le caractère transversal de ce mouvement : « Que ce soient les consommations moyennes, les consommations des hommes, des femmes, des plus âgés, des plus jeunes, les consommations modérées ou les consommations excessives, tous les indicateurs sont à la baisse. » Cette baisse généralisée traduit une évolution des mentalités qui ne se limite pas à certaines catégories de la population, mais s’inscrit dans un changement sociétal plus large.

Les raisons de ce désintérêt progressif pour les spiritueux sont multiples. Elles peuvent être liées à une prise de conscience accrue des risques sanitaires associés à la consommation d’alcool, mais aussi à une modification des modes de vie et des attentes vis-à-vis des moments de convivialité. L’alcool, autrefois considéré comme un élément central des rassemblements sociaux, perd progressivement cette place, au profit d’alternatives plus modérées ou sans alcool.

Cette mutation affecte également les pratiques liées à la consommation, avec une diminution notable des occasions où l’alcool est présent. Le fait que ces non-consommateurs affichent leur choix sans réserve contribue à modifier les représentations collectives et à déstigmatiser l’abstinence. En ce sens, le secteur des spiritueux fait face à un défi d’adaptation majeur, dans un contexte où les repères traditionnels évoluent.

Par ailleurs, cette tendance à la baisse ne concerne pas uniquement les jeunes générations, souvent associées à des comportements plus sobres, mais aussi les publics plus âgés, ce qui souligne l’ampleur et la profondeur du phénomène. Cette transformation invite à s’interroger sur la manière dont le secteur pourra répondre à ces nouvelles attentes, tout en maintenant sa vitalité économique.

Ainsi, la montée des non-consommateurs absolus traduit un changement sociétal significatif, qui redessine les contours de la consommation d’alcool en France et complexifie la situation d’un secteur déjà fragilisé. Cette évolution s’inscrit dans un contexte global où la dynamique commerciale est également affectée par des facteurs extérieurs, notamment à l’international.

Les Exportations En Berne: Un Double Défi Pour Le Secteur

Alors que la consommation intérieure marque un net recul, le secteur des spiritueux doit également faire face à une dégradation significative de ses performances à l’export, un marché qui représente près de la moitié de sa valeur économique. Le bilan est préoccupant : après une chute de 12% en valeur en 2023, les exportations poursuivent leur déclin avec un recul de 6,5% en 2024. Sur les quatre premiers mois de l’année, la tendance se maintient à -7,5%, comme le souligne Thomas Gauthier, porte-parole de la Fédération française des spiritueux.

Cette contraction s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, où les différends commerciaux avec des partenaires majeurs comme la Chine et les États-Unis pèsent lourdement sur les perspectives du secteur. Ces litiges, qui concernent notamment des droits de douane et des barrières réglementaires, compliquent l’accès aux marchés internationaux et fragilisent la compétitivité des spiritueux français, reconnus mondialement pour leur qualité.

L’importance de l’exportation dans la filière est telle que ce recul constitue un double défi. Il s’agit non seulement d’une perte directe de chiffre d’affaires, mais aussi d’une menace sur la pérennité des filières de production, qui dépendent largement des débouchés à l’étranger. Le cognac, par exemple, emblématique de l’industrie française, voit son marché traditionnel s’éroder, accentuant une tendance déjà perceptible depuis plusieurs années.

Au-delà des chiffres, cette situation interroge sur la capacité du secteur à s’adapter à un environnement international de plus en plus complexe. Les tensions commerciales obligent les acteurs à repenser leurs stratégies d’exportation, à diversifier leurs marchés et à innover pour maintenir leur attractivité. Toutefois, ces efforts sont freinés par une incertitude persistante quant aux décisions politiques et réglementaires à venir.

Dans ce contexte, la demande de stabilité formulée par la filière apparaît comme un appel à un cadre clair et prévisible, indispensable pour naviguer dans cette période d’instabilité. Sans un soutien adapté, les risques de dégradation supplémentaire des performances à l’export pourraient se traduire par des conséquences économiques lourdes, tant pour les entreprises que pour les territoires liés à cette industrie.

Cette situation souligne combien le secteur des spiritueux est aujourd’hui à la croisée des chemins, confronté à des enjeux à la fois internes, liés aux évolutions sociétales, et externes, liés aux dynamiques commerciales internationales. La manière dont il saura gérer ces défis déterminera en grande partie son avenir.

Appel À La Stabilité: Les Demandes Pressantes Du Secteur Aux Pouvoirs Publics

Dans la continuité des difficultés rencontrées tant sur le marché intérieur que sur le plan international, le secteur des spiritueux se tourne désormais vers les pouvoirs publics avec une requête claire : la stabilité fiscale et réglementaire. Cette demande s’inscrit dans un contexte économique national marqué par une forte incertitude, alors que le gouvernement cherche à boucler un budget contraint et à arbitrer entre de nombreuses priorités.

Les professionnels du secteur soulignent que cette stabilité est un prérequis essentiel pour préserver la compétitivité de la filière face à des concurrents étrangers souvent soutenus par des politiques publiques plus favorables. En effet, les fluctuations des taxes et les changements fréquents dans la réglementation alourdissent les coûts et complexifient la gestion des entreprises, déjà fragilisées par la baisse des volumes vendus et la contraction des exportations.

Thomas Gauthier, porte-parole de la Fédération française des spiritueux, insiste sur ce point en rappelant que « dans un environnement international tendu, où les litiges commerciaux s’ajoutent à la baisse de la demande, il est impératif que l’État offre un cadre prévisible ». Cette prévisibilité est d’autant plus cruciale que les décisions gouvernementales à venir, notamment en matière fiscale, pourraient avoir un impact direct sur la capacité du secteur à maintenir ses marges et à investir dans l’innovation.

Au-delà des aspects financiers, la stabilité réclamée concerne également la simplification des normes et la clarification des règles qui encadrent la production et la distribution des spiritueux. Le secteur met en garde contre les risques d’une surenchère réglementaire qui pourrait pénaliser davantage une industrie déjà confrontée à des défis structurels importants.

Cette demande traduit une volonté de dialogue renforcé entre les acteurs économiques et les décideurs publics, afin de construire des solutions adaptées aux enjeux actuels. L’enjeu est double : il s’agit non seulement de soutenir un secteur emblématique de l’économie française, mais aussi de préserver les emplois et les savoir-faire liés à une tradition reconnue mondialement.

Dans ce contexte, la capacité des pouvoirs publics à répondre à ces attentes sera un facteur déterminant pour la résilience du secteur. Elle conditionnera aussi la manière dont celui-ci pourra envisager son adaptation face aux évolutions sociétales et commerciales qui redessinent le paysage de la consommation d’alcool en France.

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