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3,2 milliards pour Mayotte : la promesse inédite de Macron après le cyclone Chido…

Julie K.
9 Min de lecture

3,2 milliards promis pour Mayotte, mais pourquoi ce plan de refondation divise-t-il autant ? Quatre mois après le cyclone Chido qui a coûté 3,5 milliards de dégâts et 40 vies, Emmanuel Macron déploie une enveloppe historique… avec des clauses de revoyure encore mystérieuses. Alors que les habitants dénoncent des retards dans les aides et des logements en tôle réapparus « aussi vite qu’effacés », le Président assure que « les choses changeront profondément d’ici un an ». Mais derrière les annonces sur la vaccination anti-chikungunya et l’abandon de l’aéroport de Petite Terre se cachent des mesures sécuritaires qui pourraient tout faire basculer.

Le plan choc de 3,2 milliards : ce que contient la « refondation » de Macron

Emmanuel Macron dévoile une enveloppe historique de 3,2 milliards d’euros étalée entre 2025 et 2031 pour relancer Mayotte. Un montant présenté comme « régulièrement passé en revue » grâce à des clauses de revoyure, mais dont le calendrire reste encore flou. Le projet de loi, promis pour adoption « d’ici l’été », cible quatre chantiers prioritaires : immigration clandestine, habitat illégal, insécurité et relance économique.

Le financement prévoit une combinaison inédite de fonds nationaux, de crédits européens et de contributions internationales. « Ce plan n’est pas qu’une question d’argent », insiste l’Élysée, alors que le cyclone Chido a causé 3,5 milliards de dégâts en décembre. Manuel Valls, ministre des Outre-mer présent sur place, rappelle que « la mobilisation doit être totale », mais sans préciser les engagements concrets des bailleurs étrangers.

Dans les cartons présidentiels, un volet sécuritaire prévoit l’extension des aides au retour volontaire et la lutte contre les bidonvilles. À Tsingoni, où 40% des habitations ont été détruites, Macron assure que les prêts à taux zéro arrivent « enfin ». Une promesse déjà formulée après le passage du cyclone, alors que les logements précaires se reconstituent aussi vite qu’effacés.

« Mayotte a un avenir dans cette région si nous y mettons les moyens », lance le président devant les élus locaux. Une formule choc qui cache mal l’abandon du projet d’aéroport de Petite Terre, jugé techniquement irréalisable. Reste un objectif ambitieux : faire de l’archipel une zone franche avec des abattements fiscaux à 100%, quand le RSA y est aujourd’hui deux fois moins élevé qu’en métropole.

Sur le terrain, l’urgence persiste : eau, santé et reconstruction en panne

Quatre mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, les promesses peinent à se concrétiser. Alors qu’Emmanuel Macron annonce le démarrage de la vaccination contre le chikungunya dès mardi, les habitants de Tsingoni rappellent une réalité plus sombre : « On a toujours pas été relogé, pourtant je leur ai envoyé tous les papiers », lance une femme devant le président.

Les prêts à taux zéro tardent à produire leurs effets, malgré l’assurance présidentielle qu’ils sont « en train d’arriver ». Dans l’ouest de l’île, les habitations en tôle réapparaissent aussi vite que détruites, un phénomène que le projet de loi veut endiguer par l’interdiction des bidonvilles. « Mais vous êtes sérieux ? », aurait réagi une élue locale face aux lenteurs administratives.

Le revirement sur l’aéroport de Petite Terre symbolise ces contradictions. Promis en 2019 pour désenclaver l’île, le projet est finalement abandonné pour « raisons techniques », au profit d’une nouvelle structure sur Grande Terre. Une décision qui laisse perplexe alors que les dommages du cyclone s’élèvent à 3,5 milliards d’euros, selon les estimations officielles.

Au centre hospitalier de Mamoudzou, le personnel alerte : « Il nous faut plus de moyens, plus de personnel, et dans la durée ». Un cri d’alarme qui résonne avec le taux de chômage à 37% et un niveau de vie sept fois inférieur à la métropole, des chiffres rappelés avec insistance par les élus locaux durant la visite présidentielle.

« On est à la traîne » : la colère des Mahorais face à l’État

Les sourires protocolaires de la visite présidentielle peinent à masquer l’exaspération croissante. « Le moral n’est pas tellement bon », lance une habitante à Macron, sous les chants traditionnels de Tsingoni. Un autre témoignage fuse : « On a toujours pas été relogé », dénonce une femme dont le dossier complet traîne depuis des mois chez les assureurs. Des mots qui résonnent dans cette commune où 60% des infrastructures restent endommagées.

La comparaison avec La Réunion devient un leitmotiv douloureux. « Vous avez débloqué des fonds en 48h pour eux après le cyclone Garance. Nous, on attend depuis quatre mois ! », assène un travailleur du BTP. Un constat partagé par les élus locaux qui réclament l’inscription dans la loi de l’interdiction pure et simple des bidonvilles, face à la reconstruction anarchique.

À l’hôpital de Mamoudzou, le personnel soignant joint le geste à la parole. « Plus de moyens, plus de personnel, et dans la durée », exige une infirmière devant le chef de l’État. Une urgence d’autant plus criante que le territoire enregistre un taux de chômage de 37% et un niveau de vie sept fois inférieur à la métropole, des chiffres brandis comme un rappel à l’ordre par les maires présents.

Le volet sécuritaire : le pari risqué de Macron face aux bidonvilles et à l’immigration

Le projet de loi dévoile son arsenal le plus controversé avec un durcissement des conditions d’obtention du titre de séjour et une extension de l’aide au retour volontaire. Emmanuel Macron promet que sur la question migratoire, « d’ici un an, les choses auront profondément changé », notamment face aux arrivées depuis les Comores voisines. Un engagement formulé après une visite symbolique à bord d’une vedette d’interception dans le canal du Mozambique.

Le texte prévoit des mesures radicales contre l’habitat insalubre : évacuations accélérées et destruction des bidonvilles, alors que 60% des logements détruits par Chido n’ont pas été reconstruits. Les saisies d’armes seront facilitées dans ce département où les violences ont augmenté de 18% depuis le cyclone. « C’est une question de dignité et de sécurité publique », justifie un conseiller présidentiel.

La « convergence sociale » promise cache une réalité accablante : avec un RSA à 50% du niveau métropolitain et un niveau de vie sept fois inférieur, Mayotte devient zone franche globale. Les abattements fiscaux à 100% visent à relancer une économie exsangue, où le chômage touche 37% de la population active. Un défi colossal alors que seuls 12% des fonds d’urgence de février ont été débloqués.

Le Conseil des ministres spécial, présidé en visioconférence depuis l’avion présidentiel, doit entériner le texte dans la nuit. Une course contre la montre politique, dans un territoire où Marine Le Pen avait obtenu 59% des voix en 2022. Reste à savoir si ces mesures suffiront à désamorcer la colère croissante, entre urgences sociales et tensions sécuritaires.