Une couleur que l’œil humain ne devrait jamais voir existe pourtant… et seuls 5 privilégiés l’ont observée. Des chercheurs de Berkeley viennent de déjouer les lois de la perception grâce à la technique Oz, un procédé activant des cellules rétiniennes spécifiques. Leur découverte : le Olo, un bleu-vert si saturé qu’il défie l’imagination. Mais comment cette innovation pourrait-elle bouleverser notre rapport aux couleurs ? L’étude publiée dans Science Advances laisse entrevoir des applications bien au-delà du simple exploit scientifique.
Olo : la couleur « interdite » que seuls 5 humains ont contemplée
Une teinte bleu-vert d’une intensité jamais observée vient d’entrer dans l’histoire des sciences. Baptisé Olo, ce nouveau pigment défie les limites biologiques de l’œil humain : seuls cinq individus, sélectionnés par l’équipe de Berkeley, ont réussi à le percevoir lors d’expérimentations secrètes.
Les chercheurs décrivent une saturation si extrême qu’elle crée un effet visuel inédit, impossible à obtenir avec les combinaisons naturelles de cônes rétiniens. « L’objectif est de permettre un contrôle programmable de chaque photorécepteur », explique James Fong, co-auteur de l’étude dans Science Advances.
Cette prouesse repose sur la technologie Oz, qui isole spécifiquement les cônes sensibles au bleu (S) pour contourner leur chevauchement habituel avec les verts (M) et rouges (L). Résultat ? Une perception pure d’Olo, sans interférence chromatique. Les témoins décrivent une expérience quasi « hallucinatoire », entre fascination et vertige.
Un mystère persiste cependant : comment traduire en image numérique cette couleur que 99,99999% de l’humanité ne verra jamais ? Les laboratoires gardent jalousement leurs données, alimentant les spéculations sur cette révolution perceptive.
La méthode Oz : comment ils ont trompé nos cônes rétiniens
Derrière la découverte d’Olo se cache une innovation chirurgicale : le dispositif Oz, mis au point par les scientifiques de l’Université de Californie à Berkeley. Cette technologie agit comme un « chef d’orchestre neuronal » en stimulant de manière isolée les cônes S, responsables de la perception du bleu, évitant ainsi leur interaction naturelle avec les cônes verts (M) et rouges (L).
« L’activation ciblée permet de contourner les limites biologiques », résume James Fong. Concrètement, des impulsions lumineuses calibrées à 1200 nm excitent sélectivement certaines cellules photoréceptrices, créant une réponse rétinienne « pure » impossible lors d’une stimulation naturelle. Les participants décrivent une sensation visuelle comparable à un « bleu électrique traversé d’éclairs verts ».
Contrairement aux lunettes pour daltoniens qui filtrent les longueurs d’onde, Oz reprogramme littéralement la perception en temps réel. Les chercheurs insistent sur l’aspect réversible et sans danger de la technique, bien que son usage prolongé reste à étudier. Une avancée qui ouvre surtout la voie à des applications cliniques inédites, bien au-delà de la simple expérience sensorielle.
Daltonisme et tétrachromatisme : vers une révolution ophtalmologique
La technique Oz ne se limite pas à créer des couleurs fantômes. Son véritable potentiel réside dans la correction des troubles visuels. Les chercheurs envisagent d’adapter leur découverte pour aider les 300 millions de daltoniens mondiaux à percevoir des teintes jusqu’alors invisibles.
« Il est possible qu’une personne daltonienne apprenne à voir la nouvelle dimension de la couleur », affirme James Fong. Le procédé permettrait de compenser les défaillances des cônes défectueux en stimulant artificiellement ceux fonctionnels. Une piste radicalement différente des solutions actuelles basées sur des filtres colorés.
L’équipe explore aussi l’effet inverse : apaiser l’hypersensibilité des tétrachromates, ces rares individus percevant jusqu’à 100 fois plus de nuances. En modulant l’activité de leurs quatre types de cônes, Oz pourrait réguler leur saturation excessive, source de migraines chroniques chez certains.
Ce double objectif – soigner les déficits et modérer les surcapacités – positionne la technologie à la frontière entre médecine réparatrice et optimisation sensorielle. Un équilibre délicat qui suscite déjà des débats éthiques, tout en ouvrant un champ inédit de possibilités thérapeutiques.
Une nouvelle ère pour la perception humaine ?
La découverte d’Olo ouvre un débat fondamental : jusqu’où peut-on repousser les limites biologiques de notre vision ? Les travaux publiés dans Science Advances suggèrent que le spectre visible n’est qu’une fraction de ce que la technologie pourrait révéler. « Vive la science ! », s’enthousiasment les chercheurs, conscients de franchir un cap historique.
L’équipe planche déjà sur la stimulation simultanée de plusieurs types de cônes, visant à créer des couleurs composites inaccessibles naturellement. Ces expérimentations pourraient à terme enrichir notre palette visuelle de millions de nuances supplémentaires, transformant radicalement des domaines comme l’art numérique ou la réalité virtuelle.
Mais cette quête soulève des questions cruciales : doit-on considérer Oz comme un outil thérapeutique ou une porte vers l’augmentation sensorielle ? Si la correction du daltonisme fait consensus, l’idée d’offrir une perception « surhumaine » divise déjà la communauté scientifique. Une chose est sûre : la frontière entre vision naturelle et artificielle vient de s’estomper un peu plus.