78.000 euros d’amende pour une journée de travail datant de 2021 : un boulanger comparaît aujourd’hui pour une affaire qu’il croyait close. Son cas relance le débat sur un flou juridique pénalisant les artisans, alors que fast-foods et hôtels restent ouverts le 1ᵉʳ mai. Comment expliquer cette incohérence réglementaire ? L’article révèle les dessous d’une polémique qui secoue la profession.
Une convocation surprise 4 ans après les faits
Jean-François Bandet, gérant des boulangeries Bo&Mie, reçoit en avril 2025 une convocation policière pour un dossier remontant au 1ᵉʳ mai 2021. Quatre ans après les faits, le patron risque 78.000 euros d’amende pour avoir ouvert son commerce ce jour férié, alors qu’il pensait l’affaire classée.
L’artisan découvre avec stupéfaction les motifs de sa comparution : « en qualité de mis en cause pour des faits de non-respect des règles du 1ᵉʳ mai ». Un courrier de l’inspection du travail, reçu fin 2021 pendant le troisième confinement Covid, l’avait pourtant déjà alerté sur ce risque. Mais la sanction lui paraît inique : « 99% des boulangeries étaient ouvertes », souligne-t-il, dénonçant une procédure « disproportionnée ».
Le décalage temporel ajoute à l’absurdité du cas. Alors que la France sortait à peine des restrictions sanitaires en 2021, cette ouverture – avec salariés payés double – semblait alors anodine. Aujourd’hui, l’affaire resurgit par un simple recommandé, plongeant le professionnel dans l’incompréhension. « Pourquoi ça tombe sur nous ? Pourquoi taper aussi fort ? », interroge-t-il avant son audition au commissariat.
La colère d’un professionnel face aux contradictions
La législation interdit strictement le travail des salariés de boulangeries le 1ᵉʳ mai, jour férié considéré comme « non essentiel ». Une règle que Jean-François Bandet dit avoir méconnue en 2021, mais dont il conteste aujourd’hui le double standard. « Permettre à un fast-food d’ouvrir en plein Paris […] et dire qu’un artisan boulanger n’a pas le droit, je ne vois pas la cohérence », lance-t-il devant les caméras de TF1.
Son argumentaire s’appuie sur un constat simple : restaurants et hôtels bénéficient d’exemptions régulières, alors que les boulangeries artisanales – pourtant vitales en périodes de confinement – se voient sanctionnées. Le professionnel revendique un assouplissement des règles : « Soit tout le monde ferme, soit tout le monde ouvre », résume-t-il, pointant l’inégalité de traitement entre secteurs.
Cette position trouve un écho chez ses employés. Jade, vendeuse habituée à travailler les jours fériés, déplore une perte de revenus : « C’est une journée de ‘perdue’ où on n’est pas payé double ». Un paradoxe alors que les salariés de Bo&Mie avaient été rémunérés en double lors du 1ᵉʳ mai 2021, conformément à la pratique habituelle de l’enseigne.
Un flou juridique historique aux conséquences concrètes
Le cadre légal reste marqué par un jugement de 2006 qui a bouleversé les pratiques. La Cour de cassation avait alors invalidé les dérogations automatiques pour les boulangeries, exigeant une justification précise du travail le 1ᵉʳ mai. Seuls les patrons peuvent désormais officier ce jour-là, excluant les salariés malgré les roulements dominicalux.
Cette ambiguïté persiste jusqu’en 2024, où une rafale de contrôles frappe cinq boulangeries vendéennes. Chaque employé présent ce 1ᵉʳ mai expose son employeur à une amende de 750 euros – une mesure dissuasive qui alerte la Confédération nationale de la boulangerie. L’organisation appelle désormais à fermer ce jour-là, tout en poussant pour une loi clarifiant les dérogations.
Un projet de réforme est à l’étude, soutenu par une alliance inédite : boulangers et fleuristes unissent leurs voix. Ces derniers contestent l’interdiction similaire pesant sur leurs salariés lors de la fête du muguet. Une mobilisation sectorielle qui révèle l’urgence d’adapter un texte vieux de près de vingt ans.
Les travailleurs pris en étau entre règlementation et revenus
L’interdiction du travail le 1ᵉʳ mai crée un dilemme économique pour les salariés volontaires. Jade, vendeuse chez Bo&Mie, souligne le manque à gagner : « Ça me pénalise […] c’est une journée de ‘perdue’ où on n’est pas payé double ». Un paradoxe alors que certains secteurs comme l’hôtellerie autorisent ces heures majorées sans restriction.
La controverse dépasse le seul cas des boulangeries. Fleuristes et artisans dénoncent ensemble une réglementation anachronique, particulièrement criante le jour de la fête du muguet. Leur mobilisation commune pousse à une remise à plat législative, avec un projet de loi visant à autoriser les dérogations sous conditions.
Cette alliance inédite révèle l’urgence d’adapter le droit du travail aux réalités économiques. Alors que le texte est en examen, les professionnels espèrent voir disparaître ce qu’ils considèrent comme une discrimination sectorielle, héritée d’une jurisprudence devenue inapplicable.