Un ado de 15 ans révolutionne la lutte contre le cancer de la peau. Lauréat du prestigieux concours 3M et élu par le Time, Heman Bekele imagine un savon contre le mélanome. Derrière ce projet né d’un souvenir d’enfance en Éthiopie, la science décrypte un mécanisme partagé avec les méduses. Mais pourquoi les chercheurs parlent-ils déjà d’une « idée qui pourrait tout changer » sans en révéler le secret ?
Un génie de 15 ans récompensé par le Time
Heman Bekele entre dans l’histoire à peine adolescent. Ce jeune Américano-Éthiopien de 15 ans décroche en 2023 le prestigieux Challenge 3M des jeunes scientifiques grâce à son projet de savon contre le mélanome. Une innovation qui lui vaut d’être sacré enfant de l’année 2024 par le Time, faisant de lui l’un des plus jeunes lauréats de ce titre.
Derrière ce prodige se cache un parcours marqué par ses origines. Arrivé aux États-Unis à 4 ans, le collégien puise son inspiration dans les souvenirs d’ouvriers éthiopiens travaillant sans protection sous un soleil brûlant. « L’un des souvenirs qu’il a gardé de son pays natal est celui d’ouvriers travaillant des heures au soleil », précise l’article scientifique.
Si le mélanome ne représente que 10% des cancers cutanés en France, il reste le plus redoutable. Un paradoxe qui donne toute sa légitimité au combat de ce lycéen visionnaire, déjà comparé aux plus grands innovateurs en dermatologie.
L’imiquimod : une molécule aux surprises multiples
La clé du savon révolutionnaire réside dans l’imiquimod, une molécule aux applications insoupçonnées. Présente à 5% dans la crème Aldara pour traiter verrues génitales et carcinomes, cette substance cache une histoire étonnante. Découverte par 3M dans les années 1980 pour combattre l’herpès, elle révèle des propriétés anticancéreuses totalement imprévues.
En 2004, la FDA valide son usage contre le carcinome basocellulaire, cancer de la peau le plus répandu. Une ironie de l’histoire : c’est la même entreprise 3M – organisatrice du concours remporté par Heman Bekele – qui commercialisait jadis ce traitement.
Mais le vrai tour de force de la molécule se niche dans son pouvoir immunostimulant. Une étude de 2015 prouve qu’appliquée sur le site d’un vaccin antigrippal, elle booste l’immunité contre le virus. « L’imiquimod est bien connu pour stimuler l’immunité spécialisée dans la lutte contre les virus », souligne l’article scientifique. Une polyvalence qui ouvre des perspectives bien au-delà de la dermatologie.
Le mécanisme révolutionnaire du TLR7
Au cœur de l’innovation se niche un récepteur méconnu : le TLR7. Cette sentinelle immunitaire, héritée de l’évolution des méduses il y a 500 millions d’années, devient l’arme secrète contre le cancer. En détectant l’imiquimod – dont la structure mime l’ARN viral –, ce garde-corps cellulaire déclenche une cascade d’interférons, molécules tueuses de cellules anormales.
« Lorsqu’il détecte de l’ARN viral ou de l’imiquimod, le TLR7 s’active et déclenche la libération par les cellules saines et immunitaires de molécules antivirales appelées interférons », explique l’étude. Un mécanisme si vital qu’en 2020, des mutations du TLR7 ont été associées aux formes graves de Covid-19.
Fait surprenant : ce système de défense existe aussi chez les méduses. Une parenté évolutive qui explique pourquoi le TLR7 est présent dans toutes les cellules humaines, des neurones aux macrophages. Une universalité précieuse pour cibler les tumeurs cutanées sans affecter les tissus sains.
Un espoir prometteur… mais pas de solution miracle
Le projet de Heman Bekele devra franchir un marathon scientifique avant d’atteindre les pharmacies. Le jeune prodige lui-même évoque un délai de 10 ans pour les tests cliniques, le brevet et l’approbation de la FDA. Un calendrier qui contraste avec l’enthousiasme médiatique, mais rappelle la rigueur nécessaire en cancérologie.
Dans l’épiderme, les cellules de Langherans – découvertes en 1868 – jouent un rôle clé. Ces macrophages, activés par l’imiquimod, migrent vers les ganglions lymphatiques pour mobiliser les lymphocytes T. Un processus naturel que le savon cherche à optimiser, sans garantie de succès immédiat.
« La meilleure façon de lutter contre ce cancer reste la prévention », tempère l’article. Chapeaux, vêtements amples et crème solaire demeurent les boucliers anti-UV les plus efficaces. Un rappel salutaire alors que le mélanome cause 1 800 décès par an en France, malgré son faible taux d’incidence.