Accident d’un intrus dans une piscine privée : les enjeux juridiques pour les propriétaires

Laura P.
6 Min de lecture

Un après-midi d’été paisible à Toulouse s’est transformé en cauchemar juridique pour une copropriété. Un homme s’est introduit illégalement dans une résidence pour profiter de la piscine, mais sa baignade clandestine a viré au drame lorsqu’il s’est gravement blessé, devenant tétraplégique. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais elle prend une tournure inattendue : l’intrus décide de poursuivre la copropriété en justice pour négligence.

Cette affaire soulève de nombreuses questions sur les responsabilités légales des propriétaires face aux intrusions. Elle met en lumière un paradoxe juridique troublant : même en cas d’occupation illégale, les propriétaires peuvent être tenus responsables des accidents survenus sur leur terrain. Ce cas d’école ouvre la porte à un débat complexe sur les droits et devoirs des propriétaires, en particulier ceux possédant des piscines privées.

Le casse-tête juridique des propriétaires

L’action en justice intentée par le squatteur de Toulouse repose sur une interprétation stricte de l’article 1244 du Code civil. Ce texte stipule que « le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction ». En d’autres termes, même si une personne s’introduit illégalement dans une propriété, le propriétaire peut être tenu pour responsable des accidents qui surviennent en raison d’un défaut d’entretien.

Cette interprétation de la loi s’inscrit dans un contexte juridique plus large où les propriétaires doivent assurer le bon état de leur bien, même en cas d’occupation illégale. Une décision antérieure du Conseil constitutionnel avait déjà fait grand bruit en affirmant que même en cas de squat, un logement doit être entretenu. Cette jurisprudence a suscité un vif débat jusqu’à l’Assemblée nationale, exacerbant les craintes des propriétaires.

Les piscines privées sous haute surveillance

Pour les plus de trois millions de propriétaires de piscines en France, cette jurisprudence crée une véritable zone grise juridique. Lorsqu’un incident survient dans une propriété squattée, la charge de la preuve incombe souvent au propriétaire. Comme le souligne Me Romain Rossi-Landi, avocat en droit immobilier, chaque situation doit être évaluée au cas par cas.

Pour échapper à cette obligation d’indemniser un intrus blessé, le propriétaire devra démontrer que son bien était en bon état avant l’intrusion ou qu’il a été empêché par le squatteur de remplir son obligation d’entretien. Cette situation place les propriétaires dans une position délicate, les obligeant à une vigilance constante et à une documentation méticuleuse de l’état de leur propriété.

Le squat en chiffres
Selon les dernières données du ministère de l’Intérieur espagnol, le squat a diminué de 5,43% au niveau national entre janvier et juillet 2022 par rapport à la même période en 2021. Cependant, certaines régions comme la Communauté valencienne ont connu une augmentation significative de 23,66%. Ces chiffres soulignent l’ampleur du phénomène et son impact sur les propriétaires.

Se protéger : le nouveau défi des propriétaires

Face à cette situation complexe, les propriétaires doivent redoubler de vigilance. Conserver des preuves tangibles de l’état de leur bien, telles que des photos ou des factures de travaux, pourrait s’avérer crucial en cas de contentieux. De plus, en étant proactifs dans l’entretien de leurs biens, même en cas de squat, ils minimisent les risques de se voir reprocher une négligence.

Il est également recommandé aux propriétaires de piscines privées de renforcer leurs mesures de sécurité. L’installation de clôtures, de systèmes d’alarme ou de couvertures de sécurité peut non seulement prévenir les accidents, mais aussi démontrer la diligence du propriétaire en cas de litige. Une assurance spécifique couvrant les risques liés aux intrusions peut également offrir une protection supplémentaire.

La loi « anti-squat » : une avancée limitée

La récente loi « anti-squat » a introduit des mesures pour faciliter l’expulsion des squatteurs, mais elle ne décharge pas les propriétaires de leur responsabilité en matière d’entretien. En cas de litige, comme celui de Toulouse, la question clé sera de savoir si le propriétaire peut prouver que son bien était en bon état avant l’intrusion.

Cette législation, bien qu’elle représente une avancée pour les droits des propriétaires, laisse encore des zones d’ombre concernant leur responsabilité en cas d’accident. Elle souligne la nécessité d’une réflexion plus approfondie sur l’équilibre entre la protection de la propriété privée et la sécurité des personnes, même en situation d’intrusion illégale.

La « technique de la pizza »
Une tactique utilisée par certains squatteurs consiste à commander une pizza à l’adresse du bien visé avant d’y pénétrer. Le ticket de commande sert ensuite de « preuve » de résidence pour éviter une expulsion immédiate. Cette technique, apparue en Catalogne en 2018, s’est depuis répandue dans d’autres régions, compliquant davantage la tâche des propriétaires et des autorités.