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Algérie : Cette étude française révèle comment le Maroc aurait « volé » le couscous…

Julie K.
12 Min de lecture

Le couscous fait l’objet d’une nouvelle controverse. Un ministre algérien affirme que sa recette aurait été volée par le Maroc, revendiquant son origine algérienne. Cette accusation s’appuie sur une étude ancienne et soulève des questions sur une appropriation culturelle présumée. Ce que révèle cette polémique dépasse la simple histoire d’un plat.

L’Accusation Algérienne : Un « Vol Culturel » Du Couscous Attribué Au Maroc

La récente sortie du ministre algérien de la Communication, Mohamed Meziane, a ravivé un débat ancien autour de l’origine du couscous. Lors d’une intervention devant le Parlement algérien, il a affirmé sans détour que ce plat emblématique, largement apprécié dans tout le Maghreb, aurait été « volé » par le Maroc. Selon lui, « tous les anciens historiens disent que le couscous est apparu pour la première fois en Algérie ». Cette déclaration s’appuie sur une étude française ancienne, évoquée de manière imprécise, réalisée « au début du siècle dernier », sans que le ministre ne fournisse davantage de références ou de sources précises.

Ce différend culinaire ne peut être dissocié du contexte géopolitique et historique qui lie les deux pays. Depuis plusieurs décennies, les relations entre l’Algérie et le Maroc sont marquées par une tension persistante, notamment en raison du conflit autour du Sahara occidental. Mohamed Meziane inscrit ainsi son accusation dans une perspective plus large d’« appropriation culturelle » dont il accuse le Maroc, particulièrement visible dans les années 1990, période de grande instabilité en Algérie connue sous le nom de la décennie noire. Cette période de violences et de troubles politiques aurait, selon lui, facilité une forme de prédation culturelle par le voisin marocain.

Dans son discours, le ministre ne limite pas son propos au seul domaine culinaire. Il évoque également le patrimoine architectural et artistique algérien, estimant que le Maroc en aurait profité pour s’approprier des éléments essentiels de cette identité culturelle. Le couscous, présenté comme un « produit national », est ainsi au cœur d’un contentieux symbolique plus vaste. Mohamed Meziane dénonce une injustice culturelle : « Ce produit national a été injustement attribué au voisin occidental », insiste-t-il, soulignant l’enjeu identitaire que représente ce plat pour l’Algérie.

Cette prise de position publique intervient dans un climat régional déjà tendu, où les questions d’identité et de souveraineté culturelle restent sensibles. La polémique suscite des réactions diverses, notamment sur les réseaux sociaux, où la vidéo du discours ministériel a rapidement circulé, alimentant débats et moqueries. Pourtant, derrière cette controverse, se dessine une réalité plus complexe, où histoire, culture et politique s’entremêlent étroitement, posant la question de la légitimité et de la reconnaissance autour d’un patrimoine commun.

Fondements Historiques : Une Origine Berbère Au Cœur Des Querelles

La controverse autour de l’origine du couscous ne peut être pleinement comprise sans revenir à ses racines historiques et culturelles profondes. Ce plat, aujourd’hui au centre d’une querelle diplomatique, trouve en réalité son origine chez les peuples amazighs, plus communément appelés Berbères, qui peuplaient les zones semi-arides d’Afrique du Nord depuis l’Antiquité. Les premières traces documentées de cette préparation remontent à plusieurs siècles, attestant d’une tradition culinaire ancienne et largement partagée.

Le couscous, appelé aussi Seksu ou Ta’am dans certaines régions, est le fruit d’une technique spécifique : le roulage minutieux de la semoule de blé dur, associé à une cuisson à la vapeur dans un ustensile traditionnel, le couscoussier. Cette méthode a été perfectionnée par les communautés berbères, qui ont su adapter ce plat aux ressources locales et aux goûts variés des différents territoires. De fait, le couscous ne se présente pas sous une forme unique, mais se décline en une multitude de variantes régionales, intégrant légumes, légumineuses, viandes diverses ou même des versions sucrées. Cette diversité témoigne de l’adaptabilité et de la richesse de ce patrimoine culinaire partagé au Maghreb.

Cette pluralité a d’ailleurs été reconnue officiellement par l’Unesco en décembre 2020, lorsque le couscous a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette inscription est le fruit d’une candidature conjointe portée par quatre pays : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie. Ce choix souligne que le couscous ne peut être revendiqué exclusivement par un seul État, mais représente un héritage commun, fruit d’échanges et d’influences multiples à travers les siècles.

Au-delà de l’Afrique du Nord, le couscous a également marqué les esprits en Europe. Dès le XVIe siècle, le « coscosson » apparaît dans l’œuvre de François Rabelais, tandis qu’Alexandre Dumas en parle dans son « Grand dictionnaire de cuisine » en 1873. Ces références littéraires attestent de la place ancienne de ce plat dans la gastronomie et la culture française, bien avant les tensions actuelles.

Ainsi, si la revendication algérienne met en avant une origine spécifique, l’histoire démontre que le couscous est avant tout un patrimoine berbère partagé, riche de ses multiples expressions régionales. C’est cette complexité historique et culturelle qui rend délicate toute tentative d’appropriation exclusive, posant la question de la reconnaissance d’un héritage commun plutôt que d’une origine unilatérale.

Réactions Croisées : Entre Diplomatie Et Ironie Populaire

La reconnaissance par l’Unesco du couscous comme patrimoine culturel immatériel partagé n’a pas suffi à apaiser les tensions entre l’Algérie et le Maroc. En réponse aux accusations portées par le ministre algérien Mohamed Meziane, les autorités marocaines ont fermement rejeté l’idée d’un « vol » culturel. Elles insistent sur la dimension collective de ce patrimoine, rappelant que la candidature conjointe de quatre pays souligne précisément la pluralité des origines du couscous.

Sur le plan diplomatique, cette polémique s’inscrit dans un contexte déjà marqué par des différends anciens et persistants, notamment autour du Sahara occidental. Le couscous devient ainsi un symbole supplémentaire dans une rivalité où chaque camp cherche à affirmer son identité et son patrimoine. Cette bataille culinaire dépasse les simples frontières gastronomiques pour toucher à des enjeux de souveraineté culturelle.

Parallèlement, cette controverse a suscité une vague de réactions sur les réseaux sociaux, particulièrement en Algérie. La vidéo dans laquelle Mohamed Meziane affirme que « tous les anciens historiens disent que le couscous est apparu pour la première fois en Algérie » a été largement partagée, alimentant un mélange d’ironie et de débats passionnés. Certains internautes y voient un épisode presque comique, tandis que d’autres y perçoivent une revendication légitime, révélatrice des tensions sous-jacentes entre les deux pays.

Cette viralité témoigne de l’importance symbolique du couscous, qui dépasse sa simple fonction de plat traditionnel pour incarner une part essentielle de l’identité maghrébine. Il s’impose comme un marqueur culturel sensible, capable de raviver des antagonismes historiques tout en suscitant une forme de fierté populaire.

En ce sens, le couscous illustre parfaitement comment un élément de la vie quotidienne peut devenir un objet de discorde diplomatique, mais aussi un vecteur de mémoire collective. Cette dualité souligne la complexité des relations entre héritage partagé et revendications nationales, un équilibre fragile qui se joue au cœur même des traditions culinaires.

Dès lors, comment concilier ces héritages multiples sans attiser les divisions ? Cette question reste au centre des débats, alors que le couscous continue de réunir autant qu’il divise, dans un espace culturel où l’histoire et la politique s’entrelacent étroitement.

Couscous, Miroir D’Une Identité Partagée Et D’Une Rivalité Persistante

Au-delà des controverses diplomatiques et des débats enflammés sur les réseaux sociaux, le couscous demeure avant tout un symbole culinaire d’une identité partagée entre les pays du Maghreb. Son inscription conjointe par l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en décembre 2020 illustre précisément cette réalité plurielle. Cette reconnaissance officielle souligne que le couscous dépasse toute appropriation exclusive pour s’inscrire dans une mémoire collective commune.

En France, cette dimension culturelle trouve un écho particulier. Le couscous est devenu le plat préféré des Français, un fait attesté par plusieurs enquêtes gastronomiques récentes. Cette popularité témoigne d’un véritable pont culinaire entre l’Europe et l’Afrique du Nord, fruit de l’histoire migratoire et des échanges culturels. Alexandre Dumas écrivait déjà en 1873 à son sujet dans son « Grand dictionnaire de cuisine », rappelant que ce mets avait conquis les palais bien avant les tensions politiques actuelles.

Cette omniprésence du couscous sur la table française révèle aussi un paradoxe : alors que le plat est célébré comme un patrimoine commun, il constitue aussi un terrain sensible où s’expriment des rivalités identitaires. La question de l’« appropriation culturelle » évoquée par le ministre algérien Mohamed Meziane traduit cette tension entre partage et désir d’exclusivité. Comment valoriser une tradition collective sans la réduire à une simple compétition nationale ?

Le couscous, avec ses multiples variantes régionales, incarne cette richesse partagée. Chaque pays maghrébin y apporte sa touche, qu’il s’agisse des ingrédients, des modes de cuisson ou des accompagnements. Cette diversité témoigne d’une histoire complexe où les influences se croisent et s’enrichissent mutuellement, loin des frontières politiques.

Ainsi, ce plat emblématique reste un miroir de la complexité des relations entre les pays du Maghreb. Il illustre comment la cuisine peut être à la fois un lien puissant entre les peuples et un marqueur d’affirmation identitaire, parfois conflictuel. Cette dualité invite à réfléchir sur les moyens de préserver un héritage commun tout en respectant les singularités nationales, un défi qui dépasse largement la simple question gastronomique.