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Attaque à Nantes : les 57 coups de couteau et la fascination pour Hitler du lycéen « solitaire » révélés

Julie K.
6 Min de lecture

57 coups de couteau et un geste héroïque stoppant la folie meurtrière : le drame du lycée nantais révèle le profil troublant d’un adolescent de 16 ans. Entre fascination nazie, écrits suicidaires et signalements ignorés, son parcours interroge les failles d’un système. Alors que les hommages se multiplient, un débat national émerge : comment concilier sécurité scolaire et prise en charge de la détresse adolescente ? Ce que les expertises psychiatriques et le « manifeste » de l’assaillant vont maintenant devoir éclaircir.

L’attaque au couteau et sa maîtrise héroïque

Tout commence par un mail inquiétant envoyé à 12h15 aux 2 000 élèves du lycée catholique nantais. Intitulé « L’action immunitaire », ce manifeste de 13 pages décrit une vision apocalyptique de la société. L’auteur, Justin P., y évoque « un écocide globalisé » et prône « la résistance par l’action », sans mentionner de projet d’attaque.

À 12h30, le lycéen de 16 ans passe à l’acte. Après s’être scarifié le front dans les toilettes, il pénètre dans une salle de classe et poignarde 57 fois une élève de 15 ans. « Sans parler, il s’en prend immédiatement et exclusivement à elle », précise le procureur Antoine Leroy. La violence du geste, confirmée par l’autopsie, dépasse tout scénario imaginable.

Un technicien informatique intervient alors qu’il attaque trois autres élèves au hasard. « Il lui assène un coup de chaise dans le dos et sur le crâne », relate le magistrat. Une course-poursuite s’engage avant que le jeune ne soit piégé dans un sas. Deux armes sont récupérées : un couteau de chasse et un canif. La rapidité d’action du salarié évite un bilan plus lourd.

Le profil troublant du lycéen de 16 ans

Justin P. fascine autant qu’il inquiète depuis son passage à l’acte. « Un jeune décrit par tout le monde comme étant extrêmement solitaire », insiste le procureur Leroy. Ses camarades décrivent un adolescent sans ami, dont la photo de profil sur les réseaux affichait un logo SS et qui esquissait parfois des saluts nazis « pour rigoler ».

La veille des vacances de Pâques, le sous-directeur du lycée convoque sa mère après des signalements répétés. Déjà inquiète, celle-ci l’avait fait rencontrer six fois des éducateurs de la Maison des adolescents de Nantes. En vain. Dans les toilettes de l’établissement, il grave ce jour-là des phrases glaçantes : « Il souhaitait qu’on lui tranche la gorge ».

Son histoire familiale complète le tableau. Élevé par une mère divorcée avec qui il entretient « d’excellentes relations », il voit peu son père. Une configuration qui, selon les experts consultés, pourrait expliquer en partie son isolement mais ne suffit pas à comprendre sa radicalisation silencieuse.

Débats nationaux : sécurité vs santé mentale

La réponse politique au drame oppose deux visions. François Bayrou plaide pour des portiques de sécurité à 100 000€ l’unité, tandis que Manon Aubry (LFI) dénonce une « course à l’échalote » : « Il va y avoir des attroupements devant les établissements, cibles potentielles ». Un dilemme chiffré : 1 000 fouilles ont permis de saisir 100 armes depuis septembre.

Face à ces mesures, les experts tirent la sonnette d’alarme. « Le tout-sécuritaire est un fantasme », assène Johanna Dagorn, ex-membre de la délégation ministérielle contre les violences scolaires. Philippe Vienne, sociologue, insiste sur « ce qui construit les incidents » plutôt que leur répression.

Le véritable enjeu réside peut-être ailleurs. Avec 1 psychologue pour 1 500 élèves, l’Union syndicale lycéenne dénonce un abandon : « Les jeunesses vont de moins en moins bien ». Un constat partagé par l’APEL qui relie explicitement l’attaque à la « souffrance psychique des jeunes », trop souvent ignorée.

Conséquences immédiates et hommages

Le lycée Notre-Dame-de-Toutes-Aides reste fermé ce vendredi, une cellule psychologique étant déployée pour les élèves et le personnel. « Une personne souriante, qui ne cherchait pas les problèmes », se souvient une camarade de classe de la victime, dont l’identité reste protégée à la demande des élèves.

À 15h30, un rassemblement sobre réunit élèves et enseignants en blanc, déposant une dizaine de roses devant l’établissement. Le comité des élèves impose une consigne stricte : « Ne pas divulguer son nom de famille ni déposer de photo ». À l’extérieur, des Nantais anonymes se joignent au recueillement spontané.

L’avenir judiciaire de Justin P. reste suspendu aux expertises psychiatriques. Hospitalisé d’urgence, son discernement pendant l’attaque déterminera sa responsabilité pénale. Deux scénarios se profilent : un non-lieu pour trouble mental ou un procès tenant compte de ses « tendances suicidaires » préexistantes.