1500€ d’amende au risque du fournil : chaque 1ᵉʳ mai, des boulangeries bravent l’interdit malgré la loi. Entre « volonté de travailler » et contrôle strict du Code du travail, un combat silencieux oppose artisans et administration. Mais pourquoi la ministre elle-même soutient cette rébellion, tandis qu’une réforme législative s’esquisse en coulisses ?
Une loi contraignante pour la profession
Le 1ᵉʳ mai sonne comme un casse-tête juridique pour les boulangeries françaises. La loi interdit strictement aux employeurs du secteur de faire travailler leurs salariés ce jour férié, sous peine d’amendes allant jusqu’à 750 € par salarié et 1 500 € pour un apprenti. En Vendée, cinq établissements ont déjà écopé de sanctions en 2024 après des contrôles de l’Inspection du travail.
Cette réglementation crée une situation paradoxale. « Le patron peut ouvrir à condition qu’aucun salarié ne soit présent », résume Dominique Anract, président de la Confédération des boulangers. Une subtilité légale qui équivaut de facto à une obligation de fermeture pour nombre de commerces, sauf à risquer des poursuites judiciaires. Un cadre contesté par la profession, alors que certaines enseignes maintiennent malgré tout leurs fournils allumés.
Un casse-tête juridique au fournil
La loi prévoit des exceptions méconnues pour les boulangeries jugées « indispensables à la continuité de la vie sociale ». Celles approvisionnant hôpitaux, prisons ou EHPAD peuvent théoriquement ouvrir, tout comme les commerces uniques dans leur commune. « Il pourrait en être de même s’il n’y a qu’une seule boulangerie-pâtisserie au sein de la commune », précise la Confédération nationale.
Mais ce critère d’« essentiel » reste sujet à interprétation. La réglementation floue oblige les professionnels à un véritable exercice d’équilibre : seuls les gérants ou membres de leur famille non salariés peuvent officier ce jour-là. Une situation qualifiée d’« ubuesque » par la profession, qui exige une clarification légale pour être reconnue comme commerce de première nécessité.
La révolte des fournils
Malgré les mises en garde de leur propre confédération, des artisans passent à l’acte. « On est prêt à prendre le risque. Il faut défendre notre métier », lance Clément Buisson, boulanger dans le 16ᵉ arrondissement de Paris. Une position partagée par nombre de professionnels qui ouvrent leurs portes chaque 1ᵉʳ mai, défiant ouvertement les sanctions financières.
La profession réclame surtout une reconnaissance officielle comme commerce essentiel, argumentant que les boulangeries répondent à un besoin vital. « Évidemment, il y a un intérêt à ce que la boulangerie soit reconnue ainsi », insiste Dominique Anract. Un combat qui s’appuie sur le volontariat des salariés – rémunérés double selon la loi – mais se heurte à un cadre juridique jugé inadapté.
Un bras de fer législatif
La ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet apporte son soutien aux boulangers contestataires. « Cela fait partie de la culture française, ce sont des métiers importants », affirme-t-elle sur BFMTV, tout en rappelant son impuissance face aux contrôles de l’Inspection du travail. Un paradoxe institutionnel qui maintient la profession en suspens.
Le gouvernement reconnaît pourtant l’impasse juridique. « Seule la loi pourra défaire cette complexité », concède la ministre, soulignant la nécessité d’une réforme parlementaire. Des discussions sont en cours entre la Confédération des boulangers et le ministère, mais les amendements tardent à venir. En attendant, chaque 1ᵉʳ mai ravive ce combat entre tradition et réglementation.