3,5 millions de touristes en 2024 : derrière les paysages idylliques du Cachemire, une attaque meurtrière ébranle le récit officiel. Alors que les autorités indiennes promettaient une renaissance touristique, des coups de feu retentissent à Pahalgam, révélant une réalité plus sombre. Pourquoi cet épisode marque-t-il un tournant dans un conflit latent depuis 35 ans ? Comment le serment du gouverneur Sinha cache-t-il des tensions géopolitiques explosives ? Les réponses se nichent entre promesses de sécurité et insurrection persistante.
Le carnage de Pahalgam : ce que l’on sait de l’attaque
Un tir nourri fracasse soudainement le calme de Pahalgam. 24 touristes perdent la vie mardi dans cette station himalayenne réputée, à moins de 100 km de Srinagar. Selon un haut responsable policier sous couvert d’anonymat, les assaillants ont sciemment visé des civils étrangers à tout conflit armé.
Le chef du gouvernement local Omar Abdullah qualifie l’événement d’« abomination », précisant que le bilan définitif reste en cours d’évaluation. « L’attaque est bien plus importante que tout ce que nous avons vu visant des civils ces dernières années », souligne-t-il dans son communiqué officiel.
La zone, pourtant sous haute surveillance avec 500 000 militaires déployés en permanence, n’a pu empêcher cette tragédie. Les blessés sont évacués vers l’hôpital local alors que les forces de sécurité bouclent le périmètre. Un paradoxe troublant pour une région que l’Inde présente depuis 2019 comme un havre touristique sécurisé.
Cette violence ciblant délibérément des visiteurs étrangers marque un tournant dans les stratégies insurrectionnelles. Les premières interrogations sur les failles sécuritaires préparent déjà le terrain à la riposte politique annoncée…
« Ces terroristes lâches » : la riposte politique s’organise
La condamnation est unanime dans les rangs du BJP au pouvoir. Ravinder Raina, proche de Narendra Modi, fustige des « terroristes lâches » ayant pris pour cible « des touristes innocents sans armes ». Le gouverneur Manoj Sinha renchérit en promettant des représailles immédiates : « Je garantis que les responsables de cette attaque ignoble ne resteront pas impunis ».
Pourtant, l’énigme persiste : aucun groupe armé ne revendique les tirs de Pahalgam à ce stade. Une situation inédite dans une région habituée aux revendications séparatistes. Les analystes s’interrogent sur cette stratégie du silence, qui complique l’identification des mobiles réels.
Le gouvernement local tente de rassurer les 3,5 millions de visiteurs annuels en mettant en avant les projets touristiques près de la frontière pakistanaise. Mais l’argument se heurte à une réalité implacable : le Cachemire reste la zone la plus militarisée au monde, avec un soldat pour 25 habitants.
Cette absence de revendication crée un vide propice aux spéculations géopolitiques. Certains observateurs y voient une tentative délibérée de saper les efforts de normalisation entrepris depuis la révocation de l’autonomie en 2019. La balle est désormais dans le camp des services de renseignements indiens.
Cachemire : entre paradis touristique et poudrière géopolitique
L’Inde mise sur un miracle économique pour pacifier la région : 3,5 millions de visiteurs en 2024, un record historique. Stations de ski hivernales et refuges estivaux contre « la chaleur étouffante » du pays – le marketing territorial fonctionne, mais à quel prix ?
Pahalgam illustre ce paradoxe. La zone de l’attaque accueille pourtant des complexes hôteliers flambant neufs, certains à moins de 10 km de la frontière pakistanaise ultra-militarisée. 126 projets touristiques sont en cours dans cette vallée, selon les chiffres officiels.
Un équilibre fragile entre développement et sécurité, où les selfies des vacanciers croisent les patrouilles militaires. 90% des touristes viennent d’Inde, preuve que la réputation internationale du Cachemire reste entachée par des décennies de conflit.
Le gouvernement Modi y voit une victoire post-autonomie de 2019, mais l’attaque du 24 juin révèle les failles du dispositif. Un test crucial pour New Delhi : transformer une zone de guerre en destination loisirs sans céder aux groupes séparatistes.
1989-2024 : l’insurrection qui refuse de s’éteindre
La rébellion séparatiste puise ses racines dans une revendication inchangée depuis 35 ans : indépendance ou rattachement au Pakistan. Un conflit gelé mais jamais résolu, où chaque accalmie prépare la prochaine flambée de violence.
La décision de Narendra Modi en 2019 de révoquer l’autonomie limitée du Cachemire avait pourtant marqué un tournant. Les combats diminuent, mais pas les motivations des groupes armés qui contrôlent encore des poches montagneuses. « Fusion avec le Pakistan » reste leur cri de ralliement, selon les analyses des services de sécurité.
L’attaque de Pahalgam relance le débat sur l’efficacité de la stratégie indienne. Le développement touristique intensif visait à asphyxier financièrement l’insurrection. Un pari risqué : 40% des nouveaux hôtels se construisent dans des zones classées « à risque modéré » par l’armée.
Cette escalade survient alors que le Pakistan réaffirme sa revendication sur l’intégralité du Cachemire à l’ONU. Un face-à-face géopolitique où chaque incident prend une dimension internationale. La mort de touristes étrangers pourrait bien transformer cette attaque locale en crise diplomatique majeure.