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Camargue : le documentaire à succès qui a fait fuir 8000 flamants roses… la production condamnée

Julie K.
6 Min de lecture

Un documentaire célébré par 1,5 million de spectateurs cache une sombre réalité environnementale. En Camargue, le tournage d’un film à succès a déclenché une cascade d’événements aux conséquences irréversibles pour une espèce protégée. Alors que la production pensait immortaliser la nature, elle signe l’une des plus graves perturbations écologiques de la décargue. Comment une œuvre inspirante a-t-elle pu conduire à une sanction judiciaire historique ? Le verdict réserve des révélations qui ébranlent l’industrie du cinéma.

Un succès cinématographique aux conséquences inattendues

1,5 million de spectateurs ont applaudi Donne-moi des ailes, le film écologique de Nicolas Vanier sorti en 2018. Un triomphe pour Radar Film, la société de production qui a pourtant commis l’impensable pendant le tournage en Camargue gardoise.

Pourtant ce documentaire inspirant, tourné au cœur d’une zone Natura 2000, a causé des dommages irréparables. Le site abritait alors le seul lieu de nidification des flamants roses en France, un sanctuaire écologique fragile.

Les chiffres donnent le vertige : 520 œufs détruits, soit 11,5% de la reproduction annuelle nationale de l’espèce protégée. Une hécatombe survenue sous les caméras de ceux qui voulaient célébrer la nature. Le tribunal correctionnel de Nîmes rendra d’ailleurs son jugement dans les Cahiers du Cinéma, mélange inédit de culture et de justice environnementale.

La justice sanctionne les pratiques de Radar Film

Le tribunal correctionnel de Nîmes prononce une amende de 50 000 euros contre la société de production, jugée responsable de la destruction d’œufs d’une espèce protégée. À cela s’ajoutent 2 000 euros pour « perturbation volontaire » et « atteinte à la conservation » des flamants roses, selon les termes du jugement.

Pourtant, le parquet avait initialement réclamé une sanction bien plus lourde : entre 80 000 et 100 000 euros. Les magistrats avaient dénoncé lors de l’audience de mars la « méconnaissance » des enjeux écologiques par Radar Film. Une critique qui résonne étrangement pour un film dont le message affiché célébrait la protection de la nature.

Le verdict, qui devra figurer dans les Cahiers du Cinéma, crée un précédent juridique. Il accorde aussi 10 000 euros de dommages moraux à six ONG et 2 000 euros à l’association Robin des Bois pour préjudice écologique. Des montants loin des 400 000 euros initialement réclamés, mais qui marquent un tournant dans la responsabilisation des productions audiovisuelles.

Le survol fatal qui a paniqué 8 000 flamants

Tout se joue les 6 et 7 juin 2018, en pleine période de couvaison. Deux ULM de la production survolent à basse altitude une colonie de 8 000 flamants roses, déclenchant un mouvement de panique massif. Les oiseaux effarouchés s’envolent en urgence, piétinant leurs propres nids dans la précipitation.

Cette séquence aérienne, censée capturer la beauté des paysages camarguais, se transforme en cauchemar écologique. 520 œufs sont abandonnés ou détruits, équivalant à 11,5 % de la reproduction annuelle française de l’espèce. Un chiffre d’autant plus alarmant que les flamants roses ne nichent que sur ce seul site hexagonal.

L’ironie est cruelle : le film qui voulait sensibiliser à la protection environnementale devient lui-même facteur de destruction. Les images spectaculares des ULM, initialement prévues pour émerveiller, restent aujourd’hui les preuves accablantes d’une perturbation évitable.

Un avertissement pour l’industrie du cinéma

Simon Popy, président de France Nature Environnement Occitanie Méditerranée, qualifie l’amende de 50 000 euros d’« un peu légère », mais y voit un message clair pour les producteurs de films animaliers. « Il faut écouter les gestionnaires d’espaces naturels quand ils vous disent qu’il y a des sites qu’il ne faut pas fréquenter », insiste-t-il, pointant l’urgence de respecter les périodes sensibles pour la faune.

Radar Film avait pourtant tenté de rejeter toute responsabilité, imputant l’incident à son prestataire en charge des ULM. Une défense rejetée par la justice, malgré le non-lieu accordé au réalisateur Nicolas Vanier, au pilote et au directeur de la photographie après six années d’instruction.

Ce verdict crée un précédent : désormais, les tournages en zones protégées devront concilier ambition artistique et vigilance écologique. Un équilibre délicat, alors que les drones et ULM sont devenus des outils incontournables pour les documentaristes.