3,2 milliards promis pour reconstruire Mayotte après Chido, mais pourquoi les Mahorais restent-ils sceptiques ? Quatre mois après le cyclone qui a coûté 3,5 milliards de dégâts et 40 vies, Macron déploie un plan inédit mêlant fonds européens et restrictions migratoires. Entre promesses de relogement et campagne vaccinale qui patine, une question subsiste : comment l’Élysée compte-t-il rattraper le retard face à une population exaspérée, dans ce territoire où l’extrême droite a raflé 59% des voix ? Les révélations sur les clauses secrètes du texte vont surprendre.
Le plan XXL de Macron pour Mayotte : 3,2 milliards sur 6 ans et un calendrier serré
3,2 milliards d’euros étalés jusqu’en 2031 : l’Élysée dévoile un dispositif financier hors norme pour relancer l’archipel dévasté par Chido. Le package, présenté comme « révisable régulièrement », combine fonds nationaux, aides européennes et financements internationaux encore à sécuriser.
Le projet de loi de « refondation », promis avant l’été, cible quatre priorités : l’immigration clandestine, l’habitat illégal, l’insécurité et la relance économique. Un défi colossal dans un territoire où le chômage frôlait 37% avant le cyclone et où les minima sociaux représentent la moitié de ceux de la métropole.
« Mayotte a un avenir dans cette région si nous y mettons les moyens », assène Emmanuel Macron devant les élus locaux. Le président mise sur une zone franche à 100% et des abattements fiscaux totaux pour attirer les investisseurs, tandis que le texte prévoit déjà le durcissement des conditions d’obtention des titres de séjour.
Le calendrier affiche une urgence politique : le Conseil des ministres doit valider le texte dans la soirée, en visioconférence depuis l’avion présidentiel. Une course contre la montre pour tenir l’engagement d’un vote parlementaire d’ici juillet, alors que les habitations précaires réapparaissent plus vite que les reconstructions.
Sur le terrain, la colère monte : « On a toujours pas été relogé »
Quatre mois après le cyclone, le bilan de la reconstruction laisse amertume et scepticisme. Malgré la loi d’urgence de février facilitant les travaux, les habitations en tôle réapparaissent aussi vite qu’elles ont été détruites. « On a toujours pas été relogé, pourtant je leur ai envoyé tous les papiers », lance une habitante de Tsingoni lors de la visite présidentielle.
Les assurances et banques sont dans le collimateur. Emmanuel Macron les somme de s’« tenir aux textes » sans « compliquer les choses pour ne jamais payer », alors que les prêts à taux zéro tardent à se concrétiser. Un travailleur du BTP enfonce le clou : « On est à la traîne par rapport à ce que vous avez fait pour La Réunion », comparant l’élan post-Chido à la gestion du cyclone Garance.
L’urgence sanitaire ajoute au malaise. La campagne de vaccination contre le chikungunya, maladie transmise par les moustiques, ne débute que ce mardi. Un retard qui crispe les professionnels de santé du centre hospitalier de Mamoudzou, où une infirmière réclame « plus de moyens, plus de personnel, et dans la durée ».
L’immigration clandestine et l’aéroport fantôme : les dossiers qui fâchent
Contrôles renforcés dans le canal du Mozambique : le président mise sur des vedettes d’interception et promet un « changement profond d’ici un an » pour endiguer l’immigration comorienne. Une annonce qui résonne dans ce département où Marine Le Pen avait recueilli 59% des voix au second tour de 2022.
Le dossier aéroportuaire révèle un revers technique embarrassant. Abandonnant la piste longue de Petite Terre promise en 2019, jugée irréalisable, Macron relocalise le projet sur Grande Terre. Une solution alternative qui reporte de plusieurs années l’arrivée des gros porteurs, essentiels pour le développement économique.
Ces sujets sensibles s’ajoutent aux mesures controversées du texte : durcissement des conditions de séjour, extension de l’aide au retour volontaire et « saisies d’armes facilitées » dans un contexte d’insécurité croissante. Autant de pistes qui risquent d’enflammer les tensions sociales déjà palpables sur l’archipel.
La bombe sociale du texte : RSA doublé et zone franche à 100%
Le projet de loi prévoit une révolution sociale : aligner les minima sociaux mahorais sur ceux de la métropole d’ici 2031. Un engagement explosif dans ce département où le RSA s’élève aujourd’hui à 50% de son montant hexagonal, et où le niveau de vie reste sept fois inférieur.
Pour relancer l’économie, Mayotte deviendra une zone franche globale avec des abattements fiscaux totaux sur six ans. Une mesure choc destinée à attirer les entreprises, alors que le chômage culminait à 37% avant le passage de Chido.
Le texte autorise aussi des évacuations accélérées des bidonvilles et des saisies d’armes simplifiées, répondant à l’insécurité chronique. Des élus locaux réclament même l’interdiction pure des constructions illégales dans la loi. Un équilibre délicat entre urgence sociale et contrôle migratoire, qui pourrait redessiner le visage de l’archipel.