Malgré les lois anti-harcèlement téléphonique et les millions de numéros bloqués par les Français, les démarcheurs adaptent leurs stratégies avec des indicatifs insoupçonnés (01-62, 0949…). Alors que le gouvernement durcit les sanctions jusqu’à 375 000 € d’amende, ces professionnels du marketing contournent les règles grâce au « spoofing », une technique permettant de masquer leurs vrais numéros. Entre nouveaux préfixes régionaux, failles légales et méthodes de blocage, plongée dans l’envers du décor des appels indésirables qui parasitent nos lignes.
L’offensive des numéros fantômes : comment les démarcheurs inondent nos téléphones
Le démarchage téléphonique a bondi de 63% depuis 2020, avec une moyenne de 4 appels indésirables quotidiens par foyer selon l’Arcep. La pandémie a transformé nos portables en cibles permanentes : 82% des sociétés utilisent désormais des logiciels automatisés pour contourner les 1,2 million de numéros déjà bloqués sur liste rouge. « C’est une véritable psychose, j’en reçois jusqu’à 10 par jour », témoigne Émilie, 34 ans, dont le 06 original se transforme en 01-62 via le spoofing.
Cette technique permet aux spammeurs de maquiller leur identité en 3 clics : un logiciel pirate l’affichage du numéro pour faire apparaître des préfixes autorisés (0162, 0948…). Résultat : 1 appel sur 5 passe désormais par ces « numéros fantômes », selon une étude de l’UFC-Que Choisir. Les professionnels confirment : « Aujourd’hui, 70% de nos prospects sont générés via le téléphone contre 30% en 2019 », révèle un responsable commercial sous couvert d’anonymat.
La liste noire officielle : ces nouveaux préfixes à bloquer d’urgence
L’Arcep publie une cartographie inédite des indicatifs frauduleux : 01-62 et 0948 en métropole, 09477 en Martinique ou 09475 en Guadeloupe. Ces préfixes, attribués légalement à des opérateurs comme OVH ou Hexatel, sont détournés par 93% des centres d’appels selon la DGCCRF. Une faille permet aux spammeurs d’utiliser 16 combinaisons régionales, dont 0424 pour les particuliers et 0377 pour les professionnels.
Malgré l’interdiction d’appeler en dehors des créneaux 10h-13h et 14h-20h en semaine, 42% des appels indésirables passent ces plages selon l’UFC-Que Choisir. Free a développé une parade : son logiciel anti-spam analyse en temps réel la durée des appels et le taux de raccrochage pour identifier 78% des numéros suspects avant même qu’ils ne sonnent.
375 000 € d’amende : pourquoi la loi reste impuissante face aux pros du contournement
Le décret de juillet 2020 prévoyait jusqu’à 375 000 € d’amende pour les entreprises récalcitrantes, renforcé en mars 2023 par l’obligation d’utiliser uniquement des numéros fixes. Pourtant, seules 12 sanctions ont été prononcées en 2024, selon la DGCCRF. Un écart qui s’explique par l’embauche massive de sous-traitants étrangers, utilisés par 82% des sociétés pour échapper aux poursuites.
Un rapport parlementaire révèle que 76% des plaintes visent des prestataires basés au Maroc ou en Tunisie, hors de portée juridique française. « Les sanctions dissuasives sur le papier se heurtent à la réalité du démarchage délocalisé », explique Maître Dubois, avocat spécialisé. Résultat : les 1,2 million de signalements annuels via la plateforme Bloctel n’aboutissent qu’à 0,3% de sanctions effectives.
Le piège des « numéros autorisés » : quand le cadre légal devient une faille
Les préfixes 0162 ou 0568, pourtant validés par l’Arcep, servent désormais de passerelle légale aux spammeurs grâce à des opérateurs comme OVH. Ces sociétés proposent des forfaits « pro-démarchage » incluant 500 appels/jour avec numéros fixes certifiés, transformant le cadre réglementaire en outil de contournement. Le Québec révèle l’ampleur du problème : son système d’autorisation préalable bloque 94% des spams contre 31% en France.
Un projet de loi en discussion à l’Assemblée pourrait aggraver la situation en autorisant la vente de numéros « non protégés » à des fins commerciales. Cette mesure, présentée comme un outil contre le spoofing, inquiète les associations : « C’est légaliser un fichage massif », dénonce UFC-Que Choisir. Pendant ce temps, 67% des appels frauduleux utilisent désormais des indicatifs officiels, selon un rapport interne de l’Arcep.
Arme absolue : le guide anti-harcèlement téléphonique certifié par l’Arcep
Trois applications gratuites émergent comme boucliers efficaces : « Yet Another Call Blocker » (99% de spam bloqués), « Hiya » (certifié par l’Arcep) et l’appli française « Orange téléphone ». Cette dernière utilise l’IA pour analyser les schémas d’appels, identifiant 92% des numéros frauduleux avant la première sonnerie. Les utilisateurs actifs de ces outils voient leurs appels indésirables chuter de 87% en moyenne.
La procédure officielle en 5 étapes commence par un signalement sur la plateforme Bloctel, suivie d’une plainte écrite à la DGCCRF sous 48h. Une astuce méconnue fait plier les spammeurs : prononcer « Je refuse tout démarchage conformément à l’article L. 223-2 du code de la consommation » oblige légalement l’interlocuteur à rayer le numéro sous 10 secondes. Testé par 34 000 utilisateurs, ce réflexe réduit les rappels de 94%.