L’empire Disney, connu pour ses contes de fées et ses happy endings, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une sombre affaire qui pourrait ternir son image de marque. Un drame survenu dans l’un de ses restaurants en Floride a coûté la vie à une médecin new-yorkaise, victime d’une réaction allergique fatale. Mais c’est la réponse juridique du géant du divertissement qui suscite aujourd’hui l’indignation.
Dans une manœuvre aussi inattendue que controversée, Disney tente de se soustraire à sa responsabilité en invoquant… l’abonnement Disney+ de la victime. Cette stratégie de défense, jugée « ridicule » par les avocats de la famille endeuillée, soulève de nombreuses questions sur l’éthique des grandes entreprises et la protection des consommateurs. Plongée dans une affaire qui pourrait faire jurisprudence et bouleverser les pratiques de l’industrie du divertissement.
Un repas qui tourne au cauchemar
Le 5 octobre 2023, le Dr Kanokporn Tangsuan, une spécialiste en médecine familiale de 42 ans travaillant à l’hôpital Langone de l’Université de New York, dîne en compagnie de son mari Jeffrey Piccolo et de sa belle-mère au Raglan Road Irish Pub and Restaurant, situé à Disney Springs, Lake Buena Vista, en Floride. Consciente de ses allergies aux produits laitiers et aux noix, la médecin prend soin d’en informer le personnel du restaurant à plusieurs reprises.
Malgré les assurances répétées du serveur, qui affirme avoir consulté le chef, que le repas sera « sans aucun doute » exempt d’allergènes, le drame se produit. Environ 45 minutes après avoir consommé son repas, le Dr Tangsuan est victime d’une violente réaction allergique. Elle s’effondre dans le magasin Planet Hollywood voisin. Malgré l’administration rapide de son EpiPen et l’intervention des secours, la médecin décède peu après son transfert à l’hôpital, victime d’une anaphylaxie aiguë.
Disney sur le banc des accusés
Face à ce drame « totalement évitable » selon les termes de la plainte, Jeffrey Piccolo, le mari de la victime, a décidé de poursuivre en justice à la fois le restaurant et la Walt Disney Company. Il accuse le géant du divertissement de ne pas avoir « éduqué, formé et/ou instruit ses employés » pour garantir la sécurité alimentaire des clients souffrant d’allergies. La plainte souligne également que Disney exerce « le contrôle sur le menu des aliments offerts, l’embauche et/ou la formation du personnel de service et les politiques et procédures concernant les allergies alimentaires » dans les restaurants de Disney Springs.
La famille réclame 50 000 dollars de dommages et intérêts, une somme qui peut paraître modeste au regard du préjudice subi, mais qui pourrait surtout servir à faire jurisprudence et à contraindre Disney à revoir ses protocoles de sécurité alimentaire. Cette affaire met en lumière les risques encourus par les personnes souffrant d’allergies, même dans des établissements réputés pour leur rigueur.
L’anaphylaxie est une réaction allergique grave et potentiellement mortelle qui peut survenir en quelques minutes après l’exposition à un allergène. Elle peut provoquer un gonflement des voies respiratoires, une chute de la tension artérielle et un choc. L’utilisation rapide d’adrénaline (via un auto-injecteur comme l’EpiPen) est cruciale pour sauver la vie du patient.
La défense Disney+ : une stratégie juridique controversée
Face à ces accusations, la réponse de Disney a de quoi surprendre. Le géant du divertissement a en effet demandé au tribunal de rejeter la plainte pour décès par négligence en s’appuyant sur… l’abonnement Disney+ souscrit par Jeffrey Piccolo en 2019, ainsi que sur l’achat de billets pour le parc à thème Epcot en 2023. Selon l’entreprise, ces transactions auraient impliqué l’acceptation par Piccolo de résoudre tout différend par arbitrage plutôt que par un processus judiciaire formel.
Cette stratégie de défense, qualifiée de « ridicule » par les avocats de Piccolo, soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques. Les représentants de la famille accusent Disney d’avoir « enterré » cet accord dans les conditions générales, une pratique de plus en plus contestée dans le monde numérique. Cette manœuvre pourrait se retourner contre Disney en termes d’image, l’entreprise semblant privilégier ses intérêts financiers au détriment de la sécurité de ses clients.
Un test pour l’industrie du divertissement
Cette affaire va bien au-delà du cas particulier du Dr Tangsuan. Elle pourrait en effet devenir un véritable test pour la responsabilité des géants du divertissement en matière de sécurité alimentaire. Si la justice donne raison à Disney, cela pourrait créer un précédent inquiétant, permettant aux grandes entreprises d’utiliser leurs services numériques comme bouclier juridique contre toute forme de poursuite.
À l’inverse, une décision en faveur de la famille Piccolo pourrait contraindre l’industrie à revoir en profondeur ses protocoles de gestion des allergies alimentaires. Cela pourrait notamment se traduire par une formation plus poussée du personnel, des contrôles plus stricts sur la composition des plats, et une meilleure information des clients sur les risques potentiels.
L’arbitrage est une méthode de résolution des conflits alternative aux tribunaux, souvent privilégiée par les entreprises. Bien que présenté comme plus rapide et moins coûteux, il est critiqué pour son manque de transparence et le déséquilibre qu’il peut créer entre les parties. De nombreux consommateurs acceptent ces clauses sans en réaliser les implications, ce qui soulève des questions sur leur équité.
Vers un renforcement des protocoles allergènes ?
Au-delà des enjeux juridiques, cette tragédie met en lumière la nécessité d’un renforcement des protocoles de gestion des allergies dans la restauration, y compris dans les établissements les plus prestigieux. Le cas du Dr Tangsuan souligne les lacunes potentielles dans la formation du personnel et la communication avec les clients souffrant d’allergies, même lorsque ceux-ci prennent soin d’informer le restaurant de leur condition.
Cette affaire pourrait ainsi conduire à l’adoption de nouvelles normes dans l’industrie, telles que la mise en place de cuisines dédiées aux préparations sans allergènes, l’utilisation systématique d’étiquettes sur les plats, ou encore la présence obligatoire d’un responsable formé spécifiquement à la gestion des allergies alimentaires dans chaque établissement. Quelle que soit l’issue du procès, il est clair que cette tragédie aura des répercussions durables sur la manière dont les restaurants, et plus largement l’industrie du divertissement, gèrent la sécurité alimentaire de leurs clients.