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Djihadistes français en Irak : Gérald Darmanin annonce leur rapatriement après…

Julie K.
10 Min de lecture

L’Irak s’apprête à voir partir certains de ses prisonniers français. Gérald Darmanin vient d’annoncer le rapatriement prochain de djihadistes français condamnés et actuellement détenus dans les prisons irakiennes. Cette décision, révélée lors d’un entretien avec des lecteurs de La Voix du Nord, marque un tournant dans la politique française de gestion des ressortissants impliqués dans le terrorisme à l’étranger. Pourquoi l’État français change-t-il aujourd’hui de position sur ce dossier sensible qui concerne notamment plusieurs détenus originaires du Nord de la France ? Les avocats des prisonniers concernés saluent cette annonce tout en attendant sa concrétisation, particulièrement pour certains détenus dont l’état de santé serait préoccupant.

L’annonce du rapatriement : une décision officielle attendue

Le gouvernement français s’apprête à procéder au rapatriement de plusieurs djihadistes français actuellement détenus en Irak. Cette information majeure a été confirmée par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, lors d’un entretien avec des lecteurs du quotidien régional La Voix du Nord. Ces ressortissants français, condamnés par la justice irakienne, sollicitaient depuis longtemps leur transfert en France afin de purger le reste de leur peine sur le territoire national.

Interrogé spécifiquement sur le sort de trois Nordistes détenus en Irak, M. Darmanin a donné une réponse sans équivoque. Il a indiqué que leur rapatriement aurait bien lieu, inscrivant cette démarche dans une politique plus globale de gestion des ressortissants français incarcérés à l’étranger. Le ministre a ainsi déclaré : « Oui, comme c’est le cas pour beaucoup de détenus français dans le monde, en Iran ou ailleurs. » Cette prise de position officielle marque un tournant dans la gestion de ce dossier sensible, replaçant la situation de ces détenus dans le contexte des pratiques internationales et des précédents impliquant des ressortissants français incarcérés hors des frontières.

Mais sur quels principes le gouvernement fonde-t-il cette décision et quelles justifications avance-t-il pour un tel rapatriement ?

Les justifications avancées par le gouvernement

Cette décision de rapatrier les djihadistes français détenus en Irak repose, selon le ministre de la Justice, sur plusieurs principes fondamentaux de la politique pénale et des relations internationales. Gérald Darmanin a notamment mis en avant le principe d’égalité de traitement des ressortissants nationaux, quelle que soit leur localisation. Pour lui, il est cohérent d’appliquer à ces détenus la même règle que celle demandée à d’autres pays concernant leurs propres citoyens présents en France.

Le ministre a ainsi déclaré : « Les nationaux doivent terminer leur peine de prison en France. J’estime qu’on ne peut pas demander à l’Algérie, au Maroc ou aux États-Unis de reprendre leurs nationaux touchés par une OQTF et refuser de faire revenir les Français détenus à l’étranger ». Cette position s’inscrit dans une logique de réciprocité et de responsabilité de l’État envers ses citoyens, même ceux condamnés à l’étranger. Cependant, M. Darmanin n’a pas fourni de précisions sur les modalités concrètes de ces rapatriements, laissant de nombreuses questions en suspens quant à leur mise en œuvre pratique.

Face à cette annonce, les réactions ne se sont pas fait attendre, particulièrement de la part des avocats représentant les détenus concernés.

Les réactions des avocats et des familles concernées

L’annonce du ministre de la Justice, bien qu’accueillie favorablement par les défenseurs des détenus, suscite également une attente palpable. Les avocats représentant ces ressortissants français en Irak soulignent l’urgence d’une concrétisation rapide des paroles en actes. Pour Me Marie Dosé, avocate de Djamila Boutoutaou, condamnée à 20 ans de réclusion en 2018, « Les propos du garde des Sceaux vont dans le bon sens mais il reste à les transformer en actes, et vite ». Cette réaction prudente met en lumière la nécessité d’une action gouvernementale rapide après des années de démarches infructueuses.

Me Dosé insiste particulièrement sur la situation de sa cliente, dont l’état de santé serait critique. Elle affirme que Djamila Boutoutaou « est gravement malade et doit être rapatriée de toute urgence ». L’avocate rappelle avoir « sollicité son transfert à maintes reprises, en vain », soulignant ainsi le caractère pressant de cet appel pour raisons médicales. Au-delà de ce cas précis, d’autres avocats mettent en avant les bénéfices d’un rapatriement pour la réinsertion et le suivi judiciaire.

Me Richard Sédillot, qui défend notamment le Nordiste Vianney Ouraghi, voit également de « nombreux motifs » justifiant le transfert de ses clients. Il avance que leur « réinsertion » est « beaucoup plus simple à organiser » en France, notamment grâce à la possibilité pour leurs proches de leur rendre visite. Par ailleurs, la présence des détenus sur le territoire national faciliterait grandement le travail de la justice française. Me Sédillot précise que « Leur présence en France permet aussi aux magistrats français de les entendre », ce qui est crucial dans le cadre d’autres enquêtes en cours à Paris les concernant.

Ces arguments soulevés par la défense ne sont pas les seuls à plaider en faveur d’un retour en France ; les conditions de détention en Irak et les enquêtes sur d’éventuelles tortures constituent un autre volet important de ce dossier complexe.

Conditions de détention et enquêtes en cours

Au-delà des arguments liés à la réinsertion et au suivi judiciaire, la décision de rapatrier les détenus français d’Irak est également motivée par de vives préoccupations concernant leurs conditions de détention et les procédures légales en cours. Les avocats des ressortissants français incarcérés à Bagdad dénoncent depuis longtemps un environnement carcéral difficile et potentiellement dangereux. Me Richard Sédillot, qui représente plusieurs de ces djihadistes, a notamment souligné les « conditions indignes » dans lesquelles ses clients sont actuellement retenus en Irak.

Ces allégations prennent d’autant plus de poids qu’une enquête judiciaire est actuellement menée en France sur des faits potentiellement graves. Une juge d’instruction parisienne travaille activement sur des soupçons de tortures qui auraient été infligées à six Français condamnés et détenus à Bagdad. Cette procédure, menée depuis Paris, souligne l’importance pour la justice française d’avoir un accès direct aux personnes concernées afin de faire la lumière sur ces accusations, de vérifier les faits et de garantir le respect des droits fondamentaux, même pour des individus condamnés pour des actes de terrorisme.

La présence des détenus sur le territoire national simplifierait considérablement le travail des magistrats instructeurs français. Me Sédillot a insisté sur ce point, expliquant que « Leur présence en France permet aussi aux magistrats français de les entendre ». Cette proximité est essentielle non seulement dans le cadre de l’enquête sur les conditions de détention et les allégations de torture, mais aussi pour d’autres investigations en cours à Paris visant ces mêmes individus. Le rapatriement permettrait ainsi de centraliser les procédures judiciaires, d’accélérer les auditions et d’assurer un suivi plus efficace des dossiers complexes.

Ces éléments, qu’il s’agisse des conditions de détention dénoncées ou des enquêtes judiciaires en cours sur le territoire français, constituent des facteurs importants qui plaident en faveur d’un retour des détenus sur le territoire national.