Une friandise TikTok déclenche une crise mondiale insoupçonnée. Alors que les stocks de pistaches s’évaporent, un dessert dubaiote créé en 2021 devient l’acteur improbable d’un bouleversement économique. Entre influenceuse star (120M de vues) et pénuries en magasins, l’effet domino d’une simple tablette chocolatée révèle la vulnérabilité des marchés globaux. Comment un phénomène viral a-t-il pu faire passer le prix du kilo de 15 à 20€ en un an ? Les réponses déroutantes d’une enquête au cœur des réseaux sociaux et des plantations californiennes.
De la folie TikTok à la pénurie mondiale : l’étincelle Dubaï
Tout commence par une vidéo TikTok devenue bombe économique. En 2023, l’influenceuse Maria Vehera publie une mise en scène culinaire aussi simple qu’efficace : elle savoure lentement une tablette de chocolat garnie de crème de pistache et de cheveux d’ange. 120 millions de vues plus tard, ce dessert créé à Dubaï en 2021 devient un phénomène planétaire.
Le produit combine audace et minimalisme : une base chocolatée enveloppant une pâte filante dorée, surmontée d’une couche de pistache onctueuse. Mais son véritable pouvoir réside dans l’effet viral incontrôlable des réseaux sociaux. Les partages exponentiels transforment cette friandise en objet de désir international, vidant les rayons de Dubaï à Paris en quelques semaines.
L’engrenage s’accélère quand Lindt et Lidl s’emparent du concept. Ces géants lancent leurs propres versions, multipliant par dix la pression sur les stocks de pistaches. « Le monde est presque à court de pistaches en ce moment », alerte Giles Hacking, expert du marché interrogé par le Financial Times.
Le cours du fruit sec bondit de 35% en un an, passant de 7,65 à 10,30 dollars la livre. Une flambée historique qui pousse déjà certains distributeurs à rationner les ventes à deux tablettes par client. Preuve que l’économie mondiale danse désormais au rythme des tendances TikTok.
L’envolée des prix qui fait trembler le marché
Le cours de la pistache s’emballe à un rythme inédit. En douze mois, son prix bondit de 35%, passant de 7,65 à 10,30 dollars la livre, soit une augmentation de 15 à 20 euros le kilo. Une progression vertigineuse qui répercute instantanément l’impact du phénomène viral sur l’économie réelle.
Cette flambée trouve ses racines dans un double effet ciseau. D’un côté, la demande explose sous la pression des géants du chocolat et des consommateurs addicts aux vidéos TikTok. De l’autre, les récoltes américaines – traditionnellement premier fournisseur mondial – connaissent une baisse historique de rendement, comme le relève RTL.
Résultat : les enseignes basculent en mode crise. Certaines grandes surfaces limitent déjà les ventes à « quelques unités par personne » pour éviter les ruptures totales. Les chocolatiers, submergés, peinent à honorer les commandes malgré des chaînes de production à flux tendu.
Le marché atteint un seuil critique où chaque gramme de pistache devient stratégique. Une tension inédite qui révèle la fragilité des filières agroalimentaires face aux caprices des réseaux sociaux.
La course contre la montre des producteurs californiens
Face à l’urgence, la Californie – principal bassin producteur américain – opère un virage agricole radical. Des exploitants arrachent leurs amandiers pour planter en masse des pistachiers, espérant surfer sur la flambée des cours. Une transformation lourde de risques : ces arbres exigent cinq ans minimum avant de donner leurs premières récoltes.
Ce pari audacieux bute sur un dilemme temporel. Les nouvelles plantations ne seront opérationnelles qu’à partir de 2024, selon les estimations des agronomes. Un délai qui laisse entier le problème des stocks actuels, alors que RTL relève une baisse historique de 20% des rendements sur les vergers existants.
Les agriculteurs naviguent à vue dans un marché imprévisible. Leur investissement coûteux – plusieurs milliers de dollars par hectare – pourrait se retourner contre eux si le buzz du « chocolat Dubaï » s’essouffle avant 2024. Un paradoxe cruel : l’agriculture, secteur aux cycles lents, se plie aux caprices éphémères des réseaux sociaux.
Une crise vouée à durer ? Les prédictions des experts
Les analystes anticipent un scénario en deux temps. À court terme, la pénurie devrait persister jusqu’en 2024, date des premières récoltes californiennes. Mais cette projection repose sur un pari risqué : que le buzz TikTok survive jusqu’à cette échéance.
La durabilité des changements agricoles pose question. Si les producteurs ont massivement investi dans les pistachiers, « les tendances réseaux sociaux ont une durée de vie imprévisible », rappelle un rapport du Financial Times. Les plantations pourraient se retrouver en surcapacité si la mode décline avant 2024.
Dernier paramètre clé : la baisse structurelle des rendements américains, soulignée par RTL. Même avec de nouveaux vergers, la production plafonnerait 15% sous les niveaux d’avant-crise. Un déséquilibre qui pourrait maintenir les prix élevés bien après la fin du phénomène viral, transformant une tempête médiatique en onde de choc économique durable.