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Elisabeth Borne adopte une série Netflix dans les collèges : La méthode inédite pour lutter contre le masculinisme toxique

Julie K.
11 Min de lecture

La série britannique Adolescence s’apprête à entrer dans les classes de 4ᵉ en France. Ce programme, qui explore la misogynie et le masculinisme à travers le parcours d’un adolescent accusé de meurtre, suscite un débat inédit. Pourquoi cette initiative éducative soulève-t-elle autant d’interrogations ? Ce que révèle cette démarche dépasse le simple cadre scolaire.

Le Succès Inattendu D’adolescence Sur Netflix

Après avoir été évoquée dans les prémices de cette actualité, la série britannique Adolescence s’impose aujourd’hui comme un phénomène culturel majeur. En mars dernier, cette mini-série a atteint la deuxième place du classement des programmes les plus regardés sur Netflix, devançant des titres à forte notoriété comme Stranger Things et ne cédant sa position qu’à Mercredi. Ce classement inattendu témoigne de l’impact profond qu’a su générer cette œuvre sur un large public.

L’intrigue d’Adolescence se concentre sur Jamie Miller, un adolescent de 13 ans accusé du meurtre brutal de sa camarade Katie Leonard. La série suit, avec une précision remarquable, les 13 mois qui suivent cette arrestation. Ce choix narratif, renforcé par une réalisation en plan-séquence, confère une immersion totale dans le quotidien de Jamie et dans les mécanismes psychologiques qui traversent cette période difficile. Cette technique cinématographique rare dans les productions télévisuelles amplifie l’intensité dramatique et l’authenticité du récit.

Au-delà du simple fait divers, la série explore des thématiques lourdes de sens, notamment la misogynie et le masculinisme. Elle met en lumière des comportements et des discours qui traversent l’adolescence et qui résonnent avec des problématiques sociales actuelles. L’approche adoptée ne se limite pas à une dénonciation, mais cherche à comprendre les racines et les conséquences de ces phénomènes. Cette posture analytique contribue à expliquer pourquoi Adolescence a su toucher un public nombreux, en particulier parmi les jeunes générations.

Ce succès souligne également une évolution dans les modes de consommation des séries, où la qualité narrative et la profondeur des sujets abordés deviennent des critères essentiels. En offrant une représentation réaliste et sans concession des défis vécus à l’adolescence, la série invite à une réflexion collective sur les enjeux éducatifs et sociaux contemporains. Cette dynamique ouvre la voie à une utilisation plus large des contenus audiovisuels comme supports d’éducation et de sensibilisation.

Une Initiative Éducative Transposée En France

Fort du succès rencontré outre-Manche, le choix de diffuser la série Adolescence dans les établissements scolaires britanniques a rapidement suscité un intérêt similaire en France. Cette décision s’inscrit dans une volonté claire d’utiliser l’audiovisuel comme levier pédagogique pour aborder des thématiques complexes auprès des jeunes.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer a souligné l’importance de cette démarche en déclarant : « C’est une initiative importante pour encourager le plus grand nombre possible d’élèves à regarder le programme ». Cette phrase met en lumière l’ambition d’élargir la portée de la série au-delà d’un simple divertissement. Elle vise à engager une réflexion collective autour des problématiques sociales soulevées par la série, notamment la misogynie et le masculinisme, dans un cadre éducatif sécurisé.

En France, cette approche a été reprise avec une attention particulière. Le samedi 8 juin 2025, Élisabeth Borne a annoncé que la mini-série serait prochainement intégrée dans les collèges, spécifiquement dès la classe de 4ᵉ. L’objectif est d’exploiter l’impact narratif d’Adolescence pour sensibiliser les jeunes à ces enjeux délicats, tout en leur offrant des outils pour mieux comprendre et déconstruire certains discours toxiques.

Pour ce faire, le ministère de l’Éducation nationale a conclu un accord avec le producteur de la série diffusée sur Netflix. Cet accord permet d’utiliser légalement cinq extraits clés choisis pour leur pertinence pédagogique. Ces séquences serviront de supports à un programme structuré de prévention et de sensibilisation. Elles seront accompagnées de ressources éducatives destinées à encadrer le débat en classe, favorisant ainsi un dialogue réfléchi et encadré entre élèves et enseignants.

Cette initiative traduit une stratégie éducative innovante, qui s’appuie sur la puissance des images et de la narration pour toucher un public jeune souvent difficile à mobiliser sur ces sujets. En intégrant des contenus culturels contemporains dans les programmes scolaires, l’Éducation nationale cherche à renforcer l’efficacité des actions de prévention, en rendant les messages plus accessibles et impactants.

Ce dispositif pose néanmoins la question de son appropriation dans le cadre scolaire, et de la manière dont les enseignants pourront accompagner ces échanges sensibles, afin d’éviter toute forme de stigmatisation ou de malentendu. L’enjeu est donc double : informer et prévenir, tout en respectant la complexité des parcours adolescents.

Les Dérives Du Masculinisme À L’adolescence, Miroir D’une Société

Poursuivant cette réflexion sur l’intégration d’Adolescence dans les cursus scolaires, la série éclaire de manière saisissante les mécanismes par lesquels le masculinisme s’installe chez certains adolescents. À travers le personnage de Jamie Miller, elle met en lumière l’influence croissante de discours haineux véhiculés principalement sur les réseaux sociaux, où la virilité toxique est souvent valorisée au sein de communautés en ligne fermées.

Ces espaces numériques deviennent des vecteurs puissants de radicalisation, exposant des jeunes vulnérables à des idéologies qui dénigrent les femmes et renforcent des stéréotypes dangereux. La série interroge ainsi la manière dont ces messages parviennent à toucher des adolescents en quête de repères, souvent dans un contexte d’isolement social et familial. Elle souligne l’absence fréquente de dialogue parental ou éducatif, un vide que ces discours extrêmes viennent combler, parfois au détriment d’une construction identitaire saine.

Cette exploration soulève des questions plus larges sur les failles des systèmes éducatifs et sociaux. Comment expliquer cette adhésion précoce à des pensées radicales ? La série suggère que le manque de repères, combiné à une exposition non encadrée aux contenus numériques, fragilise la capacité des jeunes à prendre du recul. Elle invite à une analyse approfondie des conditions qui favorisent cette dérive, sans pour autant se limiter à une condamnation simpliste.

Au-delà de la simple dénonciation, Adolescence propose une lecture empathique des enjeux impliqués, cherchant à comprendre plutôt qu’à juger. Ce regard nuance l’appréhension du masculinisme en tant que symptôme d’un malaise adolescent plus global, qui questionne aussi bien les normes sociales que les dynamiques familiales et scolaires.

En mettant en exergue ces tensions, la série agit comme un miroir de la société contemporaine, révélant des problématiques qui dépassent largement le cadre individuel pour toucher à des questions collectives. Elle interpelle ainsi les éducateurs, les familles et les institutions sur la nécessité d’un accompagnement renforcé et d’une prévention adaptée, afin d’éviter que ces dérives ne s’enracinent durablement chez les jeunes générations.

Mise En Œuvre Concrète Dans Les Classes De 4ème

Dans la continuité des constats dressés par la série, l’intégration d’Adolescence dans les collèges français s’appuie sur une démarche pédagogique rigoureuse. L’objectif est clair : proposer aux élèves de 4ᵉ un cadre sécurisé pour aborder des thématiques complexes telles que la misogynie et le masculinisme, déjà mises en lumière à travers le personnage de Jamie Miller.

Le ministère de l’Éducation nationale a ainsi obtenu, grâce à un accord avec le producteur de la série, la possibilité d’utiliser cinq extraits clés. Ces séquences, soigneusement sélectionnées, seront accompagnées de supports pédagogiques conçus pour faciliter la compréhension et encourager la réflexion. Élisabeth Borne a souligné cette avancée en déclarant sur Twitter : « On va proposer 5 séquences pédagogiques de la série Adolescence aux jeunes dès la classe de 4ème ». Cette annonce marque un engagement concret en faveur d’une prévention précoce.

Ces ressources permettront d’aborder en classe les mécanismes à l’œuvre dans la radicalisation des discours de haine, tout en ouvrant un espace de dialogue encadré. Les enseignants bénéficieront d’outils adaptés pour guider les échanges, prévenir les malentendus et répondre aux questions sensibles que peuvent susciter les images et les propos diffusés.

La démarche vise également à renforcer le rôle de l’école comme lieu d’éveil critique, en confrontant les élèves à des réalités souvent méconnues ou minimisées. L’exploitation de la série, par son réalisme et son approche immersive, facilite l’identification des jeunes à des situations proches de leur vécu, ce qui peut favoriser une meilleure compréhension des enjeux et un questionnement personnel.

Toutefois, la mise en œuvre de ce projet pédagogique soulève des défis pratiques : comment garantir que ces discussions se déroulent dans un climat de respect et d’ouverture ? Comment éviter que l’exposition à ces contenus ne génère anxiété ou stigmatisation ? Ces interrogations appellent à une formation adaptée des enseignants et à un accompagnement continu des élèves.

En intégrant Adolescence dans les programmes scolaires, le ministère entend répondre à ces enjeux par une approche équilibrée, fondée sur l’écoute et le dialogue. Ce dispositif traduit une volonté d’agir en amont des phénomènes observés, pour outiller les jeunes face aux discours extrémistes et promouvoir une culture du respect et de l’égalité.