Imaginez-vous un matin, vous réveillez et apprenez que vous êtes officiellement décédé depuis plusieurs années. C’est le cauchemar kafkaïen qu’a vécu Augusto Gomes, un agent de sécurité installé en France depuis 2002. Victime d’une erreur administrative surréaliste, cet homme bien vivant s’est retrouvé du jour au lendemain sans emploi et dans l’incapacité de prouver son existence.
Cette histoire ubuesque, qui pourrait prêter à sourire si elle n’avait pas des conséquences aussi dramatiques, met en lumière les dérives potentielles de notre société hyper-administrée. Elle soulève également des questions cruciales sur la fiabilité des systèmes informatiques et la responsabilité des administrations dans la gestion des données personnelles.
Quand un bug informatique vous déclare mort
Tout a commencé en début d’année 2024, lorsqu’Augusto Gomes a voulu renouveler sa carte professionnelle auprès du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Une formalité qu’il pensait accomplir sans difficulté, comme tous les cinq ans. C’est alors qu’il a appris avec stupéfaction que sa demande était rejetée pour un motif pour le moins inattendu : il était considéré comme décédé depuis 2016.
L’origine de cette erreur kafkaïenne ? Un simple bug informatique, une erreur de traitement des données qui a suffi à effacer administrativement l’existence d’Augusto Gomes. Cette méprise, aussi absurde soit-elle, a eu des conséquences immédiates et dévastatrices sur la vie de cet homme.
Un licenciement sans préavis
Incapable de justifier son identité auprès de son employeur, Augusto s’est vu notifier son licenciement sans délai. Le directeur de l’entreprise de sécurité qui l’employait explique au Parisien : « Dès lors que le Cnaps refuse la carte professionnelle d’un agent de sécurité, nous sommes contraints de mettre un terme à son contrat de travail ». Une décision brutale, mais légale, qui plonge Augusto dans une situation précaire et angoissante.
Du jour au lendemain, cet homme se retrouve sans revenus, sans possibilité de travailler, et confronté à une administration qui le considère comme n’existant plus. Une situation kafkaïenne qui illustre la vulnérabilité des citoyens face aux erreurs administratives et l’importance cruciale des données personnelles dans notre société moderne.
Le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Il est chargé de la régulation du secteur de la sécurité privée en France, notamment en délivrant les autorisations et agréments nécessaires pour exercer dans ce domaine.
Le combat pour prouver son existence
Face à cette situation absurde, Augusto Gomes n’a pas baissé les bras. Il s’est lancé dans une véritable course d’obstacles administratifs pour prouver qu’il était bel et bien vivant. « J’ai tout de suite envoyé à la préfecture une soixantaine de documents, bulletins de salaire, avis d’imposition pour justifier de mon identité et dire que j’étais bien vivant », raconte-t-il au Parisien.
Malgré ses efforts, ses nombreux courriers sont restés sans réponse pendant des mois. Désespéré, Augusto a décidé de médiatiser son histoire, dans l’espoir de faire bouger les choses. « Je veux juste retrouver mon travail », plaide-t-il, résumant ainsi la simplicité de sa demande face à la complexité de la situation administrative dans laquelle il se trouve plongé.
Une lueur d’espoir
Heureusement, la médiatisation de l’affaire semble avoir porté ses fruits. Le 19 août 2024, Augusto a enfin été reçu par le service des titres de séjour de la préfecture de l’Oise. Cette entrevue lui a permis d’obtenir un récépissé qui lui permettra de reprendre son activité d’agent de sécurité. Une première victoire dans son combat pour retrouver son existence administrative et sa vie normale.
Le directeur de son ancienne entreprise de sécurité a d’ailleurs déclaré : « Si le Cnaps réexamine sa situation, nous le reprendrons sans problème ». Une lueur d’espoir pour Augusto, qui peut enfin entrevoir la fin de ce cauchemar administratif.
Les leçons d’une erreur administrative
Cette histoire rocambolesque soulève de nombreuses questions sur la fiabilité de nos systèmes administratifs et la gestion des données personnelles. Comment une simple erreur informatique peut-elle avoir des conséquences aussi dramatiques sur la vie d’un individu ? Quels sont les garde-fous mis en place pour éviter ce type de situations ?
L’affaire d’Augusto Gomes met en lumière l’importance de contester systématiquement les informations erronées dans les fichiers administratifs. Un récent jugement du Tribunal administratif de Pau, rendu le 23 décembre 2023, va dans ce sens en soulignant la responsabilité des administrations dans la vérification des informations qu’elles détiennent.
Le Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) est un fichier de police qui recense les personnes mises en cause dans des affaires pénales. Très controversé, il peut contenir des informations erronées ou obsolètes, pouvant avoir des conséquences graves sur la vie des personnes concernées. Le jugement du Tribunal administratif de Pau rappelle l’importance de pouvoir contester ces informations.
Vers une meilleure protection des citoyens ?
L’histoire d’Augusto Gomes et le jugement du Tribunal administratif de Pau mettent en évidence la nécessité de renforcer les droits des citoyens face aux erreurs administratives. Il apparaît crucial de faciliter les procédures de contestation et de correction des informations erronées dans les fichiers administratifs.
Cette affaire rappelle également l’importance d’une gestion rigoureuse et transparente des données personnelles par les administrations. À l’heure où le numérique prend une place croissante dans nos vies et dans le fonctionnement de l’État, il est essentiel de mettre en place des garde-fous efficaces pour protéger les citoyens contre les bugs informatiques et les erreurs administratives.