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Être remboursé à 100 % quand on est riche ? La proposition de la Cour des comptes qui fracture l’Assurance maladie

Julie K.
5 Min de lecture

Une réforme santé secoue la France. Alors que la Cour des comptes propose de réinventer les remboursements médicaux pour économiser 20 milliards d’euros, un modèle allemand fait polémique. Ce que révèle ce rapport explosif sur l’avenir de notre système universel, et pourquoi cette idée fracture déjà le paysage politique.

La bombe financière de la Cour des comptes

La Cour des comptes jette un pavé dans le système de santé français. Ses magistrats proposent un remboursement différencié des soins selon les revenus, s’inspirant du modèle allemand. Objectif affiché : économiser 20 milliards d’euros d’ici 2029 pour combler le déficit de l’Assurance maladie.

Le mécanisme suggéré repose sur une contribution proportionnelle aux ressources. « Chacun contribue ainsi à ses frais de santé, à proportion de ses revenus, dans la limite d’un plafond », détaille le rapport. Une révolution pour la Sécu, fondée depuis 1945 sur le principe d’égal accès aux soins.

Cette mesure choc s’inscrit dans un plan plus large pour contenir les dépenses de santé. Les sages de la rue de Cambon ciblent notamment l’Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam), dont ils veulent limiter la progression. Un calcul économique qui pourrait redéfinir les fondamentaux de notre protection sociale.

Le ministre et les labos vent debout

La proposition enflamme les débats jusqu’au sommet de l’État. « Être remboursé à 100% des médicaments quand on a des revenus supérieurs, est-ce vraiment indispensable ? », interpellait déjà Éric Lombard en janvier. Le ministre de l’Économie semblait anticiper la controverse actuelle, sans toutefois trancher.

Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques, contre-attaque. « Les plus riches payent déjà davantage via les impôts », rappelle-t-il, défendant une justice sociale par les recettes plutôt que par les dépenses. Un argument-massue contre ce qu’il perçoit comme une double peine pour les hauts revenus.

Cette opposition frontale révèle un clivage profond. D’un côté, les partisans d’une rationalisation des dépenses, de l’autre, les gardiens du modèle solidaire historique. La bataille des chiffres cache en réalité une guerre idéologique sur l’avenir de la protection sociale.

Le panier de mesures polémiques

La Cour des comptes élargit son champ de réformes au-delà des remboursements. Son rapport préconise quatre mesures chocs : une baisse des prix des médicaments, un rôle accru des mutuelles, des regroupements hospitaliers et la remise en cause des cures thermales.

C’est sur ces dernières que le ton se fait le plus incisif. Les magistrats assènent : « Le service médical n’a pas été démontré » pour les cures thermales, jetant un pavé dans la mare des stations thermales historiquement subventionnées. Une critique sans précédent qui menace un pan entier de l’offre de soins.

Ces propositions secondaires révèlent une logique implacable. Chaque piste, de la réduction des tarifs pharmaceutiques aux fusions d’établissements, sert un unique objectif : économiser 20 milliards d’euros d’ici 2029. Un calcul économique qui se heurte déjà à des réalités médicales et sociales complexes.

L’égalité républicaine en sursis ?

La proposition de la Cour des comptes frappe au cœur du modèle français. En suggérant de conditionner les remboursements aux revenus, elle remet en cause l’universalité de la Sécurité sociale, principe intangible depuis 1945. Un tabou qui cristallise les craintes d’une rupture du pacte social.

« Il serait possible de repenser le champ des soins remboursés par l’assurance maladie obligatoire en fonction du niveau de revenus », justifient les magistrats. Une formulation technique qui masque une révolution culturelle : l’abandon progressif du dogme « un même taux pour tous », au profit d’un système inspiré de l’Allemagne.

Les défenseurs du modèle historique s’alarment. Ils y voient une première brèche dans l’édifice républicain, où la solidarité nationale pourrait progressivement laisser place à une logique individualiste. La polémique dépasse les simples enjeux budgétaires : c’est l’identité même du système de santé français qui se joue dans ce débat.