Des centaines de familles expulsées pour l’A69 apprennent que le chantier est… abandonné. Une décision judiciaire récente transforme leurs sacrifices en cauchemar. Derrière les 820 expropriés du Tarn, des vies déracinées et des maisons détruites à 70% des travaux. Mais pourquoi leurs témoignages glaçants remettent-ils en cause tout le projet ? Comment justifier un tel gâchis humain et environnemental ?
Un projet autoroutier qui tourne au cauchemar
820 propriétaires et locataires du Sud-Ouest voient leur vie basculer dès 2023 avec le lancement des travaux de l’A69 reliant Castres à Toulouse. Leur crime ? Habiter sur le tracé d’une autoroute jugée prioritaire par les autorités. En quelques mois, les expulsions s’enchaînent et 40 habitations sont rasées, dont celle d’Alexandra à Verfeil.
Cette mère de famille, locataire depuis onze ans, quitte son logement le 16 septembre 2024. « On a détruit sa maison pour une autoroute qui ne va pas se faire », confie-t-elle au Parisien, évoquant les questions déchirantes de son fils de 4 ans. Les communes de Verfeil et Saïx deviennent les symboles d’un déracinement organisé.
Derrière les procédures administratives se cache une réalité implacable : des familles jetées à la rue, des fermes historiques démolies, des vies réduites en miettes. Un sacrifice collectif pour un projet dont personne n’imagine encore l’issue scandaleuse.
La décision judiciaire qui change la donne
Le 27 février 2025, le tribunal administratif de Toulouse donne raison aux associations environnementales : l’A69 perd soudain toute légitimité. Les juges annulent l’arrêté préfectoral de 2023, gelant un chantier déjà achevé à 70%. Motif invoqué ? L’absence d’« intérêt public majeur » pour cette liaison Castres-Toulouse.
Une victoire écologique qui se transforme en coup de massue pour les expulsés. Les pelleteuses s’immobilisent alors que des kilomètres de bitume sont déjà posés, que les échangeurs sortent de terre. Deux années de procédures aboutissent à un arrêt brutal qui laisse les 820 familles sans recours.
Le paradoxe est cruel : la même justice qui protège l’environnement entérine l’irréversibilité des démolitions. Les promoteurs du projet arguaient pourtant d’une « avancée significative des travaux » pour justifier leur poursuite. Le tribunal, lui, balaie cet argument d’un revers de main.
Témoignages déchirants des victimes
Alexandra, dernière locataire à avoir quitté son logement de Verfeil en septembre 2024, incarne ce désarroi collectif. « Mon fils de 4 ans me demande tous les jours quand on remettra ses jeux dans le jardin », raconte cette mère de famille, voix tremblante. Elle habitait pourtant les lieux depuis onze ans avant la démolition.
À Saïx, Rémi Niel, 80 ans, contemple les ruines de sa ferme familiale. L’octogénaire y vivait depuis l’âge de 9 ans avant son expulsion en 2022. Des décennies d’histoire réduites à des « vieux murs tagués et abîmés ». Son verdict est sans appel : « C’est un sacré gâchis ».
Les riverains encore présents dénoncent eux aussi un paysage défiguré. Routes inachevées, terre retournée et chantiers abandonnés : chaque recoin porte désormais les stigmates d’un projet fantôme. Leur colère grandit face à ces cicatrices environnementales et émotionnelles.
Une situation ubuesque sans issue
Deux ans de bataille juridique aboutissent à un chaos administratif sans précédent. Alors que le chantier s’arrête net, aucune solution n’est proposée pour réparer les préjudices subis. Le coût des travaux déjà réalisés reste soigneusement tus, tout comme l’avenir des terrains saccagés.
Rémi Niel résume l’impuissance générale : « Je suis ni pour ni contre l’autoroute, mais maintenant, cela me semble difficile de faire marche arrière ». Les murs de son ancienne ferme, couverts de graffitis, deviennent le symbole d’un gâchis humain et environnemental.
Les autorités restent muettes sur la réhabilitation des zones détruites. Les 820 expulsés, eux, errent entre espoir de compensation et réalité amère : leurs anciennes vies ne sont plus que gravats sous un bitume inutile. Le dossier A69 s’enfonce dans une impasse dont personne ne sortira gagnant.