Le drame qui s’est déroulé dans le Pas-de-Calais ce 28 janvier 2024 illustre de manière tragique comment une simple arnaque sur internet peut basculer dans l’horreur. Alicia, 33e victime de féminicide de l’année, a perdu la vie sous les coups de son compagnon Nicolas, tombé dans le piège d’une escroquerie sentimentale en ligne.
Cette affaire, qui ébranle la petite commune du Pas-de-Calais, révèle la dangereuse intersection entre la cybercriminalité et les violences conjugales. Derrière ce qui semblait être un couple sans histoire se cache une manipulation virtuelle qui a conduit à un dénouement fatal, soulevant des questions cruciales sur la vulnérabilité face aux arnaques en ligne et leurs conséquences dévastatrices dans la vie réelle.
De la découverte macabre aux aveux troublants
C’est Gaël, un ami du couple, qui fait la macabre découverte le 28 janvier. Il trouve Nicolas en état de choc, évoquant un « cambriolage qui aurait mal tourné ». Le corps d’Alicia est retrouvé dans leur pavillon, marqué par des coups de couteau et de marteau. La mise en scène est grossière : quelques objets manquants, dont une tirelire contenant à peine 20 euros.
L’enquête prend rapidement une autre tournure lorsque les gendarmes relèvent plusieurs incohérences dans le récit de Nicolas. Le suspect reprend son travail mais s’éloigne étrangement des proches d’Alicia. Le 12 mars 2024, placé en garde à vue, il finit par avouer : il avait d’abord tenté d’empoisonner sa compagne avant de passer à l’acte fatal.
Dans les filets d’une arnaque sentimentale
Qu’est-ce qu’un « brouteur » ?
Terme désignant les escrocs, principalement basés en Afrique de l’Ouest, qui utilisent de faux profils sur les réseaux sociaux pour soutirer de l’argent à leurs victimes à travers des arnaques sentimentales.
Les investigations révèlent que Nicolas entretenait une relation virtuelle avec une certaine « Béatrice » quelques jours avant le drame. Cette liaison l’a conduit à verser près de 2 500 euros, prélevés sur le compte commun du couple. La réalité est plus sordide encore : « Béatrice » n’existe pas. Nicolas est tombé dans le piège d’un « brouteur », un escroc opérant depuis la Côte d’Ivoire.
L’arnaque a eu un impact dévastateur sur l’équilibre mental de Nicolas. Son avocate, Me Fabienne Roy-Nansion, décrit un homme simple, incapable d’imaginer qu’on puisse se faire passer pour quelqu’un d’autre sur internet. Sur les 2 500 euros versés, 2 200 ont été tracés vers un compte ivoirien.
Un couple apparemment sans histoire
Le contraste est saisissant entre l’image du couple avant le drame et la réalité qui émerge. Alicia, infirmière en Ehpad, et Nicolas, cantonnier, partageaient une passion pour la chasse et les rallyes. Ils venaient même de se fiancer à Noël, devant toute la famille, et Alicia parlait de son désir d’avoir un enfant.
Pourtant, l’enquête révèle une personnalité plus complexe chez Nicolas. Derrière son image de « gros nounours » se cachait un homme décrit comme « jaloux » et « possessif » par les enquêteurs. Toutefois, aucun antécédent de violence n’avait été signalé avant le drame.
Les dispositifs de lutte contre les arnaques en ligne
La plateforme THESEE (Traitement Harmonisé des Enquêtes et Signalements pour les E-Escroqueries) et le portail Pharos permettent de signaler les escroqueries en ligne et les contenus illicites sur internet.
Une affaire aux multiples implications judiciaires
Cette tragédie soulève des questions juridiques complexes. Si la responsabilité de l’escroc sera examinée lors du procès, elle ne peut en aucun cas justifier le passage à l’acte, comme le souligne Irina, la nièce d’Alicia : « Pourquoi n’a-t-il pas simplement quitté tata au lieu de faire ça ? »
L’instruction en cours devra démêler les fils d’une affaire qui mêle cybercriminalité et violence conjugale. Les proches d’Alicia attendent des réponses, conscients que certaines vérités seront difficiles à entendre, mais nécessaires pour comprendre comment une simple arnaque en ligne a pu conduire à un tel drame.