Gabriel Attal veut vous laisser choisir où va votre argent : « Possibilité de flécher une partie de son impôt… »

Marie Q.
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France's Prime Minister Gabriel Attal arrives prior to the closing ceremony of the Paris 2024 Olympic Games at the Stade de France, in Saint-Denis, in the outskirts of Paris, on August 11, 2024. (Photo by Franck FIFE / AFP)

Dans une démarche audacieuse visant à redéfinir le rapport entre les citoyens et l’impôt, Gabriel Attal, l’ancien Premier ministre français, propose une idée novatrice : permettre aux contribuables de choisir l’affectation d’une partie de leurs impôts. Cette proposition, qui s’inscrit dans un effort plus large de réforme fiscale, pourrait marquer un tournant dans la manière dont les Français perçoivent et interagissent avec le système fiscal national.

Révélée dans le cadre du « pacte d’action pour les Français », cette initiative vise à donner aux citoyens un rôle plus actif dans la gestion des finances publiques. En suggérant que chaque contribuable puisse « flécher une partie de son impôt sur le revenu ou une contribution additionnelle sur une mission du budget de l’État librement choisie », Attal espère non seulement accroître la transparence du processus fiscal, mais aussi renforcer l’engagement citoyen dans les affaires publiques.

Un pacte pour une fiscalité participative

Le « pacte d’action pour les Français », présenté par Gabriel Attal le 12 août aux présidents des groupes parlementaires, s’inscrit dans une stratégie visant à surmonter l’absence de majorité à l’Assemblée nationale. Ce document, conçu comme une base de discussion pour « bâtir des compromis législatifs », place la réforme fiscale au cœur des priorités gouvernementales. L’objectif est clair : réconcilier les Français avec l’impôt en leur donnant un pouvoir de décision direct sur son utilisation.

Cette proposition d’impôt participatif n’est pas sans rappeler certaines expériences historiques. En 1789, les révolutionnaires français avaient instauré une « contribution patriotique » censée être versée volontairement. Bien que cette tentative se soit soldée par un échec, l’idée d’un impôt volontaire ou participatif a continué à séduire certains penseurs libéraux au fil des siècles.

L’inspiration italienne : le « huit pour mille »

Le modèle proposé par Gabriel Attal semble s’inspirer en partie du système italien du « huit pour mille » (otto per mille), en place depuis 1986. Ce dispositif permet à chaque contribuable italien de désigner le bénéficiaire de 0,8% de son impôt sur le revenu, choisissant entre des actions sociales ou humanitaires menées par l’État ou l’une des religions ayant conclu un accord avec les autorités.

L’expérience italienne a montré que ce type de système peut avoir un impact significatif sur le financement de certains secteurs. En Italie, le « huit pour mille » est devenu la principale source de financement des cultes et des activités humanitaires. Cependant, il soulève aussi des questions sur l’équilibre entre les choix individuels des contribuables et les besoins globaux de l’État en matière de budget.

Le « huit pour mille » en Italie
Instauré en 1986, ce système permet aux contribuables italiens d’allouer 0,8% de leur impôt sur le revenu à l’État ou à une confession religieuse reconnue. Il a profondément modifié le financement des cultes et des actions humanitaires en Italie, devenant leur principale source de revenus.

Les défis d’une fiscalité à la carte

Si l’idée d’un impôt participatif peut sembler séduisante en théorie, sa mise en œuvre soulève de nombreuses questions pratiques. Comment garantir que les choix individuels des contribuables ne compromettent pas le financement de services publics essentiels ? Quelle proportion de l’impôt pourrait être ainsi « fléchée » sans déséquilibrer le budget de l’État ? Ces interrogations devront être soigneusement examinées avant toute mise en œuvre concrète.

Par ailleurs, cette proposition s’inscrit dans un débat plus large sur la nature même de l’impôt et le rôle de l’État dans la redistribution des richesses. Certains y voient une opportunité de renforcer la démocratie participative, tandis que d’autres craignent une fragmentation des ressources publiques qui pourrait nuire à la cohésion sociale.

Un accueil mitigé dans la classe politique

La proposition de Gabriel Attal a suscité des réactions variées au sein de la classe politique française. Si certains, comme Philippe Juvin, député des Hauts-de-Seine, y voient une idée intéressante déjà défendue par le passé, d’autres se montrent plus sceptiques. Les partisans de cette mesure arguent qu’elle pourrait renforcer la confiance des citoyens dans le système fiscal, tandis que ses détracteurs s’inquiètent des risques de déséquilibre budgétaire et de complexification administrative.

Le débat est désormais lancé, et il appartiendra aux législateurs de déterminer si cette proposition d’impôt participatif peut trouver sa place dans le système fiscal français. Les prochains mois seront cruciaux pour évaluer la faisabilité technique, l’impact budgétaire et l’acceptabilité sociale d’une telle réforme. Une chose est sûre : cette initiative a le mérite de relancer la réflexion sur le rôle du citoyen dans la gestion des finances publiques et pourrait bien marquer un tournant dans la relation entre les Français et leur impôt.

L’impôt volontaire : une idée ancienne
L’idée d’un impôt volontaire remonte à la Révolution française avec la « contribution patriotique » de 1789. Bien que cette tentative ait échoué, le concept continue de fasciner certains économistes et politiques, voyant dans la participation volontaire une manière de renforcer l’adhésion citoyenne aux dépenses publiques.