« Ils vont venir ? » Ces trois mots prononcés d’une voix tremblante ont scellé le destin d’Anthony. Ce père de 36 ans alerte deux fois le SAMU un soir d’avril 2023, sa détresse respiratoire minimisée par une réponse médicale devenu symbole de dysfonctionnement. Ce que révèle l’enquête sur les 70% de responsabilité du CHU éclaire une vérité plus glaçante encore que les dernières paroles du jeune homme.
Un enchaînement tragique de négligences
Le 9 avril 2023, Anthony Queffelec compose le 15 depuis son domicile du Doubs. « Je panique un peu là », souffle le père de famille de 36 ans, la respiration courte. Au bout du fil, la médecin régulatrice du SAMU minimise pourtant ses symptômes : « Il va rien se passer », affirme-t-elle selon les transcriptions publiées par L’Est Républicain.
Cette première alerte cardiaque, survenue vers 22h30, ne déclenche aucune intervention urgente. Les minutes s’écoulent dans l’attente vaine des secours. Trente minutes plus tard, le jeune homme rappelle le SAMU d’une voix altérée : « Ils sont partis il y a longtemps ? », questionne-t-il avant de raccrocher.
Une commission d’expertise révélera plus tard que 70% des manquements impliquent directement le CHU de Besançon. Le premier appel aurait dû déclencher un protocole d’urgence immédiat selon les procédures médicales standards, un impératif ignoré ce soir-là.
Le second appel et l’insoutenable attente
Trente minutes s’écoulent dans l’angoisse. Anthony compose à nouveau le 15 vers 23h, la voix étouffée par la détresse respiratoire. « Ils sont partis il y a longtemps ? », murmure le trentenaire d’un ton qui alerterait tout professionnel formé aux urgences vitales.
Pendant ce temps, l’ambulance de la société Jussieu effectue un détour imprévu. Chargée de transporter un autre patient à domicile avant d’intervenir, elle perd un temps précieux. « Oui ne vous inquiétez pas, ils ont été déclenchés », répond pourtant l’interlocuteur du SAMU à Anthony, selon les enregistrements.
Ce décalage entre la réalité terrain et les assurances données au patient constituera l’un des principaux manquements retenus par les experts. La commission relèvera plus tard que 10% de responsabilité pèsent sur la société d’ambulances pour ce choix opérationnel fatal.
Une arrivée des secours trop tardive
L’équipe Smur atteint finalement le domicile d’Anthony vers 23h15. Le père de famille gît inconscient, ses respirations se limitant à des « râles d’agonie » selon le rapport médical. Les secours entament immédiatement une réanimation cardio-pulmonaire, mais l’état du patient s’avère irréversible.
Malgré trente minutes de manœuvres intensives, aucun signe de retour à la conscience n’est observé. Le trentenaire est transporté en urgence au CHU de Besançon où les médecins constatent un état de mort cérébrale. Il sera déclaré décédé le lendemain, 10 avril 2023 à 15h15.
La médecin régulatrice reconnaîtra plus tard lors de l’enquête : « J’avais l’impression au téléphone qu’il était hyper angoissé ». Une analyse a posteriori qui contraste cruellement avec l’absence de réaction appropriée lors des deux appels.
70% de responsabilité confirmée pour le CHU
La Commission régionale des conciliations et d’indemnisation rend son verdict en avril 2024. « Anthony Queffelec a été victime de manquements du CHU de Besançon, à hauteur de 70% des dommages subis », stipule le rapport obtenu par la compagne du défunt.
Les experts pointent une double faille institutionnelle : l’évaluation erronée de l’urgence par la médecin régulatrice et l’absence de protocole adapté. La société d’ambulances Jussieu écope de 10% de responsabilité pour son détour initial, tandis que 20% des dommages restent non imputables juridiquement.
Cette décision ouvre la voie à une indemnisation financière de la famille, mais soulève surtout des questions sur les procédures d’urgence dans le Doubs. Le CHU de Besançon, par la voix de sa direction, assure avoir « engagé des mesures correctives » depuis le drame.