En 2014, alors que personne ne l’attend sur ce terrain, Clint Eastwood surprend son monde en s’attaquant à un genre qu’il n’avait encore jamais exploré : la comédie musicale. Jersey Boys, adaptation de la célèbre production de Broadway, retrace l’histoire des Four Seasons, un groupe de rock’n’roll des années 50-60 dont l’ascension fulgurante cache des liens troublants avec la mafia italo-américaine.
Passé relativement inaperçu lors de sa sortie avec seulement 216 262 entrées en France, ce film mérite pourtant une seconde chance. À 84 ans, le réalisateur livre une œuvre qui mêle habilement show-business et crime organisé, tout en rendant hommage à une époque révolue de l’industrie musicale américaine.
Entre ombre et lumière : l’ascension des Four Seasons
Des rues modestes du New Jersey aux plus grandes scènes américaines, l’histoire des Four Seasons, menée par le charismatique Frankie Valli, est celle d’un rêve américain teinté de noir. Le film dépeint avec justesse cette traversée, où le talent musical côtoie les arrangements douteux avec la pègre locale.
John Lloyd Young, directement recruté de la production Broadway, incarne avec brio Frankie Valli. La décision d’Eastwood de faire chanter les acteurs en direct sur le tournage apporte une authenticité rare aux performances musicales, rappelant l’approche utilisée plus tard dans d’autres films musicaux.
Le saviez-vous ?
Le film était initialement prévu pour être réalisé par Jon Favreau, qui a finalement préféré se consacrer au film #Chef. Ce changement de réalisateur a donné une toute autre direction au projet, Eastwood apportant sa vision unique du genre musical.
Une réalisation qui flirte avec le style Scorsese
Eastwood surprend par une mise en scène dynamique qui n’est pas sans rappeler les œuvres de Martin Scorsese. La caméra virevolte dans les clubs enfumés du New Jersey, suit les personnages dans leurs ascensions et leurs chutes, créant une atmosphère électrique qui sert parfaitement le propos.
Christopher Walken apporte une gravité particulière au film dans le rôle d’Angelo « Gyp » DeCarlo, un véritable membre de la famille criminelle Genovese. Sa présence rappelle les liens historiques entre l’industrie du divertissement et le crime organisé, une connexion qui sera plus tard mise en lumière lors de l’arrestation de DeCarlo en 1970.
Focus historique
L’arrestation d’Angelo « Gyp » DeCarlo en 1970 a eu des répercussions bien au-delà des Four Seasons, menant le FBI à découvrir des liens entre Frank Sinatra et le crime organisé, révélant ainsi l’étendue de l’influence mafieuse dans l’industrie du divertissement.
Un bijou musical méconnu
Jersey Boys s’inscrit dans la lignée des films musicaux d’Eastwood, comme Honkytonk Man et Bird, prouvant une fois de plus sa profonde compréhension du monde musical. Le film réussit le pari difficile de capturer l’essence d’une époque tout en explorant les zones d’ombre du show-business américain.
La note de 3,8/5 sur AlloCiné ne reflète peut-être pas la véritable valeur de cette œuvre qui mérite d’être redécouverte. Entre biopic musical et film de gangsters, Jersey Boys représente une facette unique dans la filmographie du réalisateur, démontrant sa capacité à se réinventer et à surprendre son public, même après plus de 60 ans de carrière.