L’inquiétante disparition de certains prénoms traditionnels français des registres d’état civil

Jeremie B.
4 Min de lecture

Dans les maternités françaises, une révolution silencieuse s’opère depuis plusieurs années. Alors que certains prénoms traditionnels reviennent en force, d’autres s’effacent inexorablement des registres d’état civil, témoignant d’une mutation profonde de notre patrimoine onomastique. Ce phénomène, loin d’être anodin, révèle les transformations sociétales et culturelles de notre époque.

Les chiffres sont éloquents : des prénoms autrefois populaires comme Corine, Brigitte ou Hervé disparaissent progressivement des actes de naissance. Une tendance qui s’accélère depuis le début des années 2000, marquant la fin d’une époque et l’émergence de nouvelles préférences dans le choix des prénoms.

La valse des prénoms : un cycle perpétuel

Le choix d’un prénom suit une logique cyclique bien définie. D’après les spécialistes, notamment Stéphanie Rapoport et Claire Tabarly Perrin, auteures de L’Officiel des prénoms, ce phénomène obéit à un schéma précis : engouement, pic de popularité, déclin progressif, période d’oubli, puis potentielle renaissance. Certains prénoms parviennent à traverser les époques, tandis que d’autres tombent définitivement dans l’oubli.


La règle des 100 ans
Un prénom connaît généralement un regain de popularité environ un siècle après son apogée. Cette théorie explique le retour en grâce actuel de prénoms comme Louise, Marcel ou Léontine, très populaires au début du XXe siècle.

Les prénoms en voie d’extinction

Chez les femmes, la situation est particulièrement marquante. Les prénoms Corine, Brigitte, Véronique et Dominique sont les premiers à disparaître des registres. Plus précisément, aucune petite fille n’a été prénommée Corine depuis 2019. Brigitte, qui avait atteint son apogée en 1959 avec 18 163 naissances, n’a été donné que neuf fois en 2023.

Le phénomène touche également les prénoms masculins de l’après-guerre. Hervé, Didier, Gérard, Jérôme, Bernard, Guy, Roger, Gilles, Pascal, Patrice, Claude et René deviennent rarissimes. Ces prénoms, symboles du baby-boom, ne trouvent plus grâce aux yeux des jeunes parents.

L’empreinte sociologique d’une époque

Cette disparition progressive reflète les mutations profondes de notre société. Les prénoms « anticote », comme les qualifient les expertes, sont victimes d’une image datée, associée à une période historique spécifique – notamment les années 1950-1970 – dont les nouvelles générations souhaitent se détacher.


Le cas Martine
L’exemple de Martine illustre parfaitement l’influence de la culture populaire sur les prénoms. Indissociable de la célèbre collection de livres jeunesse, ce prénom peine à se réinventer malgré la célébration de ses 70 ans en 2024 avec un ouvrage spécial « Martine, l’éternelle jeunesse d’une icône ».

Les survivants de la tradition

Certains prénoms traditionnels résistent pourtant à l’épreuve du temps. Louise et François, par exemple, maintiennent leur popularité à travers les décennies. Leur persistance s’explique par leur caractère intemporel et leur capacité à transcender les modes. D’autres, comme Adèle ou Lucien, connaissent même un regain d’intérêt, portés par un effet de mode vintage qui valorise le charme d’antan.