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Livret A : « Mes parents mettaient 15€ par mois… » elle perd 6000 euros, la banque refuse de rembourser

Julie K.
11 Min de lecture

La fraude bancaire par téléphone frappe sans distinction. Iris, étudiante en graphisme de 20 ans, vient d’en faire la douloureuse expérience. Un appel d’un prétendu « service antifraude » a suffi pour déclencher une cascade d’événements qui l’a privée de 6000 euros d’économies patiemment constituées depuis sa naissance. Comment une jeune femme habituellement méfiante a-t-elle pu livrer ses codes confidentiels, sa carte bancaire et l’accès complet à ses comptes en quelques heures seulement? Ce que révèle cette histoire met en lumière les techniques redoutables employées par ces escrocs dont les signalements ont triplé entre 2022 et 2023.

Une escroquerie en expansion : le piège du faux conseiller bancaire

Les fraudes bancaires par manipulation connaissent une recrudescence alarmante, touchant des milliers de particuliers chaque année. Ce phénomène, décrit par Jean-Jacques Latour, responsable de l’expertise en cybersécurité de Cybermalveillance.gouv.fr, comme étant « en pleine explosion », s’appuie sur des méthodes de plus en plus sophistiquées pour déjouer la vigilance des victimes. Une tendance confirmée par les chiffres : entre 2022 et 2023, les signalements de ce type d’escroquerie ont plus que triplé, témoignant de l’ampleur croissante du problème.

Parmi les victimes de ces attaques, Iris, une étudiante parisienne de 20 ans, incarne la vulnérabilité face à ces nouvelles formes de criminalité. Elle n’avait jamais entendu parler de ces fraudes par manipulation avant d’y être confrontée directement. Son histoire commence par un appel téléphonique apparemment anodin en octobre 2023, où l’interlocuteur se présente comme étant du service antifraude de sa banque.

Le scénario est rodé : l’escroc prétend vouloir l’avertir de tentatives de prélèvements frauduleux, évoquant un montant précis de 700 euros. Cette usurpation de l’identité bancaire, associée à la mention d’une menace financière imminente, crée immédiatement un climat de peur et d’urgence. Comme le raconte Iris au Point, la voix posée de l’appelant et la panique soudaine ont balayé ses réflexes de méfiance : « Quand il m’a raconté cela, je n’ai pas réfléchi. Je me suis tout de suite dit : « Oh, mon Dieu, quelqu’un essaye de me voler. » Immédiatement, j’ai vu rouge, j’ai commencé à paniquer. » Le piège était déjà refermé.

Comment, sous l’effet de cette peur savamment orchestrée, la jeune femme a-t-elle pu livrer les clés de ses comptes ?

Une manipulation psychologique redoutable : comment la confiance d’Iris a été détournée

Au-delà de la simple usurpation d’identité, l’efficacité de ces escroqueries repose sur une fine manipulation psychologique. Une fois le climat de peur installé par la mention de prélèvements frauduleux, le faux conseiller met en œuvre un scénario bien rodé pour désarmer la victime. Il prétend devoir vérifier des informations personnelles non pas pour les voler, mais pour « sécuriser » le compte, invoquant par exemple une fuite de données lors d’un achat en ligne. Cette démarche, présentée comme une mesure de protection, ancre davantage la confiance et légitime les demandes de l’escroc.

C’est dans ce contexte de panique et de fausse sécurité qu’Iris a franchi des limites qu’elle n’aurait jamais imaginé dépasser. Le fraudeur, prétextant l’urgence et la fermeture de l’agence bancaire, lui a demandé son code confidentiel pour, disait-il, accéder à son espace client via l’application. Sous l’effet du stress provoqué par la menace sur ses économies, Iris a cédé. « En temps normal, je n’aurais jamais donné mon mot de passe à un inconnu. Mais là, j’étais paniquée », confie-t-elle. Quelques instants plus tard, elle livrait également le code d’authentification, la clé ultime donnant accès à l’ensemble de ses comptes, y compris son livret A où étaient précieusement gardées les économies que ses parents mettaient « 15 euros par mois depuis [sa] naissance ».

Cette combinaison d’un discours rassurant et d’une pression temporelle intense a eu raison de sa vigilance. Le sentiment d’urgence, savamment entretenu, court-circuitait sa capacité de réflexion critique. Convaincue d’agir pour se protéger, Iris a livré les clés de son patrimoine à celui qui se présentait comme son sauveur.

Mais l’emprise du faux conseiller ne s’arrête pas là ; elle va se matérialiser par des actions concrètes et dévastatrices.

Le déroulement de l’arnaque : prise de contrôle et pertes financières

Après avoir obtenu les codes d’accès, l’escroc ne s’arrête pas là. Pour asseoir son emprise et rendre la supercherie plus crédible encore, il pousse la manipulation jusqu’à orchestrer la remise physique de la carte bancaire. Prétextant des complications avec l’assurance, le faux conseiller convainc Iris qu’il est indispensable de remettre sa carte à un coursier de la banque. « Il m’a fait croire que pour éviter d’avoir des problèmes avec l’assurance, qui aurait pu me poursuivre pour tentative de fraude à l’assurance, il fallait que je remette ma carte bancaire à un coursier de la Société générale », explique la jeune femme. Quelques instants plus tard, un homme en costume, descendant d’une berline noire, se présente à son domicile, correspondant parfaitement à l’image du coursier VIP promis, et Iris lui remet sa carte, pensant qu’elle était mise en opposition.

Avec les codes d’accès et la carte physique en sa possession, le fraudeur a désormais un contrôle total. Il change le mot de passe de l’application bancaire d’Iris, lui assurant qu’un nouveau code et une nouvelle carte lui seront envoyés le lendemain. Épuisée par près de deux heures d’appel durant lesquelles elle estime avoir « réalisé 15 000 opérations », Iris raccroche, persuadée d’avoir échappé au pire. Son père, présent à ses côtés, n’a pas non plus décelé l’arnaque. Le piège s’est refermé, laissant l’escroc libre d’agir.

Le lendemain, le doute s’installe progressivement. L’absence de nouvelles de sa banque pousse Iris à reconstituer les événements. Un appel au numéro du faux conseiller, qui raccroche brutalement, confirme ses craintes. La réalité lui explose alors au visage lorsqu’elle se rend en urgence à son agence. « J’ai fondu en larmes devant l’hôtesse… », raconte-t-elle. La découverte est brutale : son compte épargne a été vidé en deux opérations, totalisant 5 890 euros envolés. Une plainte est déposée, mais l’espoir est mince. Le policier qui la reçoit confie enregistrer « une dizaine de plaintes du même genre chaque semaine » et que « la quasi-totalité était classée sans suite ».

Mais au-delà de la perte financière, les conséquences de cette arnaque vont bien au-delà pour la jeune victime.

Conséquences et recours limités : l’après-escroquerie pour Iris

Une fois la fraude découverte, le combat d’Iris ne s’arrête pas à la simple constatation de la perte financière. S’engage alors un parcours semé d’embûches pour tenter de récupérer les fonds volés. La première étape, souvent décevante pour les victimes, est la réaction de l’établissement bancaire. Dans le cas d’Iris, la banque a refusé de la rembourser, invoquant une « négligence grave » de sa part. Cette décision, basée sur le fait qu’elle a elle-même fourni ses informations confidentielles et sa carte, contredit l’assurance initiale que sa mère lui avait donnée : « Ne t’inquiète pas Iris, quand tu te fais arnaquer, la banque te rembourse. »

Face à ce refus, la famille d’Iris ne baisse pas les bras. Ils s’apprêtent à saisir le médiateur bancaire, une procédure qui constitue souvent l’ultime recours amiable avant une éventuelle action en justice. Cette démarche est réputée lourde et complexe, ajoutant une charge administrative et émotionnelle aux victimes. Parallèlement, la plainte déposée par Iris semble avoir peu de chances d’aboutir. Le policier qui l’a accueillie lui a confié enregistrer « une dizaine de plaintes du même genre chaque semaine » et que « la quasi-totalité était classée sans suite », illustrant la difficulté des enquêtes dans ce type d’affaires.

Au-delà des démarches administratives et de la perte économique de 5 890 euros, l’impact le plus profond est psychologique. Quatre mois après les faits, la blessure est toujours vive pour Iris. Elle décrit l’expérience comme « très violente » économiquement, mais surtout humainement. Le sentiment de culpabilité est omniprésent. « Très angoissée, je n’en dormais plus de la nuit, je pensais sans arrêt à cet appel téléphonique en me disant : « Mais comment j’ai pu être aussi bête ? » Je m’en veux toujours énormément… », confie-t-elle. Malgré le soutien de ses proches, qui l’ont aidée à réunir 1 000 euros, l’anxiété persiste, rappelant les séquelles invisibles de ces escroqueries.

L’histoire d’Iris met en lumière les conséquences dévastatrices de ces fraudes et soulève la question de la responsabilité et de la prévention.