Marine Le Pen, entre compromis et radicalité : le délicat équilibre pour satisfaire son électorat

Quentin M.
3 Min de lecture
Paris le 13 Juin 2024. Ambiances devant le QG du RN, alors qu'un déjeuner entre Eric Ciotti et Jordan Bardella doit avoir lieu // Arrivée de Marine Le Pen, qui regarde les journalistes essayer d’interviewer Jordan Bardella quelques mètres plus loin Législatives 2024

Dans le paysage politique français, un vent de changement souffle sur l’extrême droite. Le Rassemblement national, héritier du Front national, semble amorcer un virage stratégique à l’approche des élections législatives. Marine Le Pen, figure de proue du parti, affiche désormais une volonté de dialogue et de compromis, tranchant avec un demi-siècle de confrontation.

Cette évolution surprenante intervient alors que le pouvoir n’a jamais semblé aussi proche pour le RN. Face à une France qui lui a toujours fait barrage, Marine Le Pen cherche à rassurer en adoucissant sa méthode. Un changement de cap qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir du parti et son positionnement sur l’échiquier politique français.

Une xénophobie toujours présente

Malgré cette apparente ouverture, le RN ne renie pas ses fondamentaux. Le parti continue de pointer du doigt les étrangers comme source des maux du pays. La rhétorique d’exclusion reste présente, avec une volonté affichée de limiter l’accès des étrangers au système de solidarité et à la citoyenneté française.

Cependant, des signes d’évolution se font sentir dans le discours de Marine Le Pen. Le revirement spectaculaire sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie en est l’exemple le plus frappant. La promesse d’un nouveau référendum dans quarante ans marque une rupture avec la position historique du parti sur ce sujet sensible.

Une nouvelle approche européenne

L’Union européenne, longtemps diabolisée par le FN puis le RN, fait également l’objet d’une approche plus nuancée. Marine Le Pen affirme désormais vouloir négocier plutôt que s’opposer frontalement à Bruxelles. Cette stratégie se manifeste notamment sur deux dossiers clés : la réforme du règlement de l’espace Schengen et la baisse de la TVA sur l’essence.

Cette volonté de dialogue avec les institutions européennes contraste fortement avec le discours traditionnel du parti. Pendant des décennies, l’UE a été présentée comme un adversaire avec lequel toute discussion était impossible. Ce changement de ton pourrait marquer un tournant dans la stratégie du RN à l’échelle européenne.

Un manichéisme persistant

Malgré ces évolutions, le RN peine encore à se défaire de sa vision binaire du monde politique. Comme l’a analysé la chercheuse Cécile Alduy, le parti a longtemps divisé la société en « deux camps antagonistes irréconciliables ». Cette approche manichéenne, opposant « patriotes » et « mondialistes », a longtemps été au cœur de la rhétorique du RN.

Cette vision du monde politique comme un champ de bataille entre le bien et le mal laisse peu de place au débat constructif et au compromis. Elle pose la question de la capacité réelle du RN à s’engager dans un véritable dialogue avec ses adversaires politiques, malgré les récentes déclarations d’ouverture de Marine Le Pen.