Un risque judiciaire pourrait-il barrer la route de l’Élysée à Marine Le Pen ? Alors que la décision d’appel sur son inéligibilité se profile pour 2026, la révélation de contrats d’assistants parlementaires jusqu’en 2022 fragilise sa défense. « Si on continue à nier en bloc… », murmure un proche, trahissant les tensions internes. Entre le retour des fidèles historiques et les appels à revoir la stratégie judiciaire, la cheffe du RN affronte une crise dont l’issue pourrait redéfinir son avenir politique. Voici ce que révèlent les débats clés qui agitent son cercle restreint.
L’épée de Damoclès judiciaire : un risque d’inéligibilité qui se précise
L’avenir politique de Marine Le Pen se joue désormais sur le terrain judiciaire. La Cour d’appel doit rendre sa décision à l’été 2026 sur son éligibilité à la présidentielle, après un jugement en première instance qui l’avait frappée d’une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. Un verdict qui repose notamment sur l’argument d’un risque de récidive, mentionné à sept reprises dans la motivation du tribunal correctionnel de Paris.
La révélation par Médiapart du cas d’Andréa Kotarac, porte-parole de la dirigeante RN en 2022, vient compliquer sa défense. L’article du 14 avril atteste que le système des assistants parlementaires contesté aurait perduré jusqu’en décembre 2022, bien après la date de 2016 avancée par le parti. « Ça vient renforcer l’idée que la récidive est possible », reconnaît un cadre du RN sous couvert d’anonymat.
Cette nouvelle pièce à conviction donne du poids à l’argumentaire des juges, qui s’appuient sur l’absence de reconnaissance des faits et une impunité revendiquée pour justifier la sanction. Le tribunal relève aussi que la stratégie de défense inchangée depuis 2017 participe à ce risque de répétition des infractions. Un raisonnement juridique qui pourrait sceller le sort de la candidate potentielle à l’Élysée.
Le retour des fidèles : l’état-major historique remobilisé
Face à la tourmente judiciaire, Marine Le Pen resserre les rangs autour de sa vieille garde. La réapparition médiatique de Steeve Briois fin mars, après une longue absence, agit comme un signal fort pour les initiés. Le maire d’Hénin-Beaumont, ami de trente ans de la dirigeante, avait déjà été déployé en 2022 lors de la crise des parrainages présidentiels. « La dernière fois qu’il était ressorti, c’était […] quand on était vraiment dans la m**de », rappelle un député sous anonymat.
Aux côtés de Bruno Bilde, ces figures du Nord symbolisent la colonne vertébrale historique du Rassemblement National. Mais c’est vers Philippe Olivier, son beau-frère et conseiller juridique, et Louis Aliot, son ancien compagnon resté proche, que Marine Le Pen s’est particulièrement tournée après le jugement de première instance.
Ce retour aux fondamentaux relationnels s’appuie sur un principe immuable : « Les coups de froid, c’est normal, ce qui compte c’est la solidité ». Un credo qui explique la résilience d’un réseau forgé dans les épreuves, où la loyauté prime sur les divergences tactiques. Une force dont la dirigeante aura besoin pour traverser la tempête judiciaire qui s’annonce.
La bataille des stratégies : entre déni persistant et nécessité de revirement
La ligne de défense officielle du Rassemblement National, gravée dans le marbre depuis 2017, montre ses limites. Tout en maintenant la thèse d’une différence d’interprétation sur le rôle des assistants parlementaires entre la France et l’Europe, certains conseillers pressent Marine Le Pen de revoir sa copie. « Attention, la même stratégie donnera lieu au même résultat », ont-ils averti la dirigeante, selon des propos rapportés par son entourage.
Les critiques fusent contre l’équipe juridique en place, jugée responsable de ne pas avoir anticipé les implications de la loi Sapin II. « Ils ont été incapables de prévoir la loi Sapin et se sont plantés sur toute la ligne », s’emporte un conseiller. À l’inverse, d’autres défendent le maintien des avocats historiques, arguant que « la qualité des avocats n’est pas le sujet ».
Cette division tactique se cristallise autour d’une proposition paradoxale : conserver le noyau dur des loyalistes tout en intégrant de nouveaux juristes. Une approche en miroir de la méthode Le Pen, qui « frotte son cerveau à celui des autres » selon l’expression d’un proche, sans trancher clairement. Le parti navigue ainsi entre réaffirmation doctrinale et tentatives discrètes d’ajustements.
La course contre la montre : ultimatum interne pour une décision clé
Le temps presse dans l’entourage de Marine Le Pen. « On a suffisamment laissé retomber la poussière, il faut prendre une décision maintenant », insiste un conseiller, résumant l’état d’urgence qui prévaut depuis les vacances de Pâques. Le branle-bas de combat stratégique se heurte cependant à l’indécision chronique de la dirigeante, réputée pour « frotter son cerveau à celui des autres » avant de trancher.
Deux options divisent son équipe : poursuivre le combat juridique en appel – ce qui équivaudrait à « un nouveau procès » selon un expert – ou modifier radicalement la ligne de défense. Les partisans d’un revirement tactique misent sur une réunion d’ampleur prévue à la rentrée, bien qu’aucune date officielle n’ait été annoncée.
Dans ce climat de tensions, chaque camp campe sur ses positions. Les loyalistes défendent la continuité, quand les réformateurs plaident pour un changement de cadre juridique. Une certitude s’impose : le compte à rebours est enclenché. La décision finale, quelle qu’elle soit, devra intervenir avant l’échéance de 2026, date à laquelle la justice dira si Marine Le Pen pourra briguer l’Élysée.