Des pompiers sanctionnés pour avoir trop crié leur colère : dans la Marne, une amende inédite fait gronder les casernes. Leur arme de protestation ? Un système sonore customisé qui a dépassé les bornes… tandis que le syndicat dénonce une « anomalie » dans la procédure. Entre baisse budgétaire historique et tensions institutionnelles, cette sanction de 150€ révèle bien plus qu’un simple tapage.
Une amende historique pour les soldats du feu
150 euros : c’est le montant inédit de l’amende infligée aux pompiers de la Marne pour « bruit ou tapage injurieux troublant la tranquillité publique ». Une sanction administrative rare contre des sapeurs-pompiers, habituellement perçus comme des garants de l’ordre public.
La verbalisation fait suite à leur manifestation du 21 mars 2024, organisée pour protester contre une coupe budgétaire de 440 000 euros sur les 20 millions alloués aux effectifs. « La plus grosse coupe observée depuis 7 ans », précise Mario Santin, secrétaire général CGT du SDIS de la Marne.
Ce rassemblement syndical encadré prend un tour inhabituel lorsque les autorités décident de sanctionner les participants un mois après les faits. Un paradoxe pour ces professionnels du secours, dont l’action militante bascule ici en infraction administrative.
Le « système Tonnefort », arme sonore des pompiers en colère
Au cœur de la polémique, un objet insolite : le « système Tonnefort customisé ». Derrière ce nom technique se cache un effaroucheur d’oiseaux modifié, normalement utilisé dans les champs pour protéger les cultures. Son principe ? Produire « des petites explosions plus ou moins fortes » grâce à une cartouche de gaz, générant un vacarme strident.
Les pompiers détournent cet outil agricole pour amplifier leur mécontentement lors de la manifestation du 21 mars. Un choix qui surprend les riverains, pourtant habitués aux sirènes des casernes. « On a toujours fait du bruit lors de nos manifestations. La musique, les sifflets, les pétards… », défend le syndicaliste Mario Santin auprès de France Info.
L’engin, capable de projeter des détonations jusqu’à 120 décibels – soit l’équivalent d’un avion au décollage –, transforme la protestation sociale en nuisance sonore urbaine. Un paradoxe quand ces soldats du feu interviennent habituellement… pour stopper les accidents industriels bruyants.
Le malaise autour d’une dénonciation interne
La procédure d’identification du responsable divise les institutions. Alors que Mario Santin avait déclaré le rassemblement en son nom, c’est un autre pompier – chargé du « système Tonnefort » – qui reçoit l’amende. « Ils ont retrouvé son nom alors qu’il n’y avait que le mien sur la déclaration […] Il a donc été dénoncé par quelqu’un », révèle le syndicaliste à France 3.
Cette divergence nourrit les suspicions d’un signalement ciblé, possiblement interne. Le SDIS de la Marne découvre la sanction un mois après les faits, sans dialogue préalable avec le commissariat. Un « excès de zèle » selon la CGT, qui y voit une entrave à leur combat pour les dotations. La faille administrative soulève une question troublante : qui a alerté les autorités sur l’identité du manipulateur de l’effaroucheur ?
« Excès de zèle » ou nécessaire régulation ?
La CGT dénonce un « deux poids deux mesures » dans l’application de la loi. « Bizarrement, la manifestation des agriculteurs plusieurs semaines avant, ce n’était pas fort », relève Mario Santin, pointant du doigt un traitement différencié des forces de l’ordre.
Le syndicat défend l’usage contrôlé du bruit comme outil de revendication légitime. « C’est justement lors des rassemblements qu’il est permis de faire entendre son mécontentement », argue le secrétaire général, pour qui cette sanction entrave le dialogue social.
Malgré les 150€ d’amende et les tensions institutionnelles, les pompiers maintiennent leur position. La dernière phrase de Mario Santin sonne comme un défi : « On fera toujours du bruit ». Une déclaration qui résume leur détermination à continuer la lutte contre les coupes budgétaires.