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Michel Fayad alerte : « Si le régime tombe, cette fracture ethnique pourrait déclencher… »

Julie K.
11 Min de lecture

L’Iran fait face à une série de frappes israéliennes sans précédent. Ce que révèle cette offensive sur la stabilité du régime et ses conséquences potentielles reste incertain. Michel Fayad, expert en géopolitique, souligne un risque majeur si le gouvernement venait à s’effondrer. La vérité surprenante derrière ce scénario pourrait redessiner durablement la région.

Les Frappes Israéliennes Et Leur Impact Immédiat Sur Le Régime Iranien

Les récents développements militaires dans la région trouvent leur origine dans l’opération « Rising Lion » lancée par Israël le 12 juin 2024. Cette campagne vise à freiner les ambitions nucléaires de l’Iran en ciblant des sites sensibles liés à son programme militaire et nucléaire. Depuis le début de ces frappes, plusieurs hauts responsables iraniens ont perdu la vie, parmi lesquels Hossein Salami, chef des Gardiens de la Révolution, une figure centrale du pouvoir à Téhéran.

Ces attaques ont eu un effet direct sur la dynamique du régime iranien. Michel Fayad, analyste politique et géopolitique, souligne cet affaiblissement : « Effectivement, il y a un affaiblissement du régime iranien, un affaiblissement des gardiens de la Révolution ». Cette déclaration met en lumière la gravité de la situation, tout en insistant sur le fait que cet affaiblissement ne signifie pas nécessairement un effondrement immédiat.

L’Iran, pays de 90 millions d’habitants, est marqué par une complexité sociale et politique qui rend toute évolution brutale incertaine. Le poids des Gardiens de la Révolution dans les structures étatiques et militaires reste considérable, et leur influence s’étend bien au-delà du seul secteur sécuritaire. La mort de Hossein Salami représente certes un coup dur pour le régime, mais ne suffit pas à déstabiliser entièrement un appareil étatique profondément enraciné.

Cette campagne israélienne traduit une volonté stratégique forte de limiter la capacité militaire iranienne, mais elle ouvre également de nombreuses interrogations sur la stabilité à court terme du pays. En effet, au-delà des pertes humaines et matérielles, c’est une remise en cause du rôle des Gardiens de la Révolution dans le contrôle politique et militaire qui est en jeu.

Dans ce contexte, le régime iranien apparaît affaibli mais résilient, ce qui invite à examiner plus précisément les mécanismes internes qui maintiennent son emprise sur la société et l’économie. Cette analyse est essentielle pour comprendre les perspectives d’évolution du pays face à ces pressions extérieures inédites.

La Structure Économique Et Sociale Des Gardiens De La Révolution

L’affaiblissement militaire souligné précédemment ne doit pas occulter la profondeur de l’enracinement des Gardiens de la Révolution dans la société iranienne. Leur influence dépasse largement le cadre strictement sécuritaire pour s’étendre à une part majeure de l’économie nationale. Michel Fayad rappelle à cet égard que « deux tiers de l’économie iranienne sont entre les mains des Gardiens de la Révolution », notamment dans des secteurs stratégiques comme le pétrole, le gaz et la construction industrielle.

Ce contrôle économique confère aux Gardiens une position quasi hégémonique, leur permettant de maintenir un réseau d’intérêts étroitement lié à leur pouvoir politique et militaire. Le pétrole et le gaz, ressources vitales pour l’Iran, restent sous leur domination exclusive, assurant ainsi une source de revenus conséquente et un levier de pression à la fois national et international.

Au-delà de l’économie, leur emprise sociale est tout aussi significative. Selon l’analyste, « il n’y a pas une seule famille iranienne qui n’a pas soit un combattant dans les Gardiens de la Révolution, soit quelqu’un qui travaille pour eux dans une société qui leur appartient ». Cette réalité traduit un maillage serré qui relie la population au pouvoir par des liens directs et indirects, consolidant ainsi une base sociale difficile à délier.

Cette omniprésence économique et sociale explique en partie la résilience du régime face aux pressions extérieures et aux opérations militaires israéliennes. Elle crée un équilibre où les Gardiens ne sont pas seulement des acteurs militaires, mais aussi des acteurs économiques majeurs, intégrés dans le tissu même de la société iranienne.

Ce modèle de pouvoir militaro-industriel ancré dans la vie quotidienne contribue à freiner toute contestation interne d’ampleur, en maintenant un contrôle étendu sur les ressources et les emplois. Cette situation complexifie considérablement toute perspective de changement rapide, même dans un contexte de crise aiguë.

L’analyse de cette structure éclaire ainsi les raisons pour lesquelles le régime iranien reste stable malgré les attaques ciblées. Elle invite à s’interroger sur les conséquences d’une éventuelle remise en cause de cet équilibre, notamment sur les dynamiques sociales et politiques internes.

Pourquoi Un Changement De Régime Semble Improbable ?

L’analyse de la structure économique et sociale des Gardiens de la Révolution éclaire les raisons pour lesquelles un changement de régime en Iran paraît aujourd’hui peu envisageable. Malgré les frappes israéliennes qui affaiblissent militairement le régime, cet affaiblissement ne se traduit pas par une instabilité politique immédiate. Michel Fayad souligne que, même si le régime est fragilisé, un changement ne surviendra pas avant « énormément de temps ». Cette temporalité longue s’explique par l’absence d’une alternative politique sérieuse capable de prendre le relais.

Cette situation contraste avec d’autres contextes régionaux où la chute d’un pouvoir central a rapidement entraîné un vide politique. En Iran, l’ampleur de l’emprise des Gardiens de la Révolution sur l’économie, mais aussi sur la société, crée un verrou difficile à contourner. Leur contrôle des ressources clés, notamment le pétrole et le gaz, ainsi que leur implantation dans de nombreuses entreprises, assure une stabilité relative malgré la pression extérieure.

En outre, le tissu social iranien, largement imbriqué avec les Gardiens, limite les possibilités d’une contestation organisée et efficace. L’absence d’une force politique unifiée et crédible pour défier le régime renforce cette pérennité. Michel Fayad évoque à ce propos un parallèle avec d’autres pays du Moyen-Orient en proie à des conflits prolongés : « je pense plutôt qu’on se dirigerait vers un scénario un peu à la libyenne, à l’irakienne, à la syrienne… de guerre civile ».

Cette comparaison met en lumière le risque d’un effondrement brutal suivi d’une période d’instabilité profonde, plutôt qu’une transition politique ordonnée. Dans ces pays, la chute des régimes a souvent débouché sur des conflits internes prolongés, marqués par des luttes de pouvoir et des divisions ethniques ou sectaires.

Ainsi, la stabilité apparente de l’Iran repose sur un équilibre complexe, fragile mais tenace, entre contrôle économique, influence sociale et absence d’alternatives politiques. Ce contexte invite à envisager les conséquences d’une éventuelle remise en cause de ce système non seulement sous l’angle militaire, mais aussi en termes de dynamique interne et régionale.

Cette perspective soulève des interrogations sur la capacité des acteurs internes et externes à imaginer un changement viable, sans précipiter le pays dans un cycle de violences et de désordres prolongés.

Les Risques De Fragmentation Ethnique En Cas De Chute Du Gouvernement

Poursuivant l’analyse des conséquences d’un effondrement du régime iranien, la diversité démographique du pays apparaît comme un facteur majeur de fragmentation potentielle. Loin d’être un État homogène, l’Iran rassemble une mosaïque de populations aux identités culturelles et ethniques distinctes, ce qui complexifie toute perspective d’unité politique en cas de vide du pouvoir central.

Sur une population de 90 millions d’habitants, un peu plus de la moitié sont Perses, tandis qu’environ un tiers sont Azéris, groupe auquel appartient d’ailleurs le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. À ces deux composantes principales s’ajoutent d’importantes minorités kurdes, arabes et baloutches. Cette pluralité ethnique confère à chaque communauté des revendications spécifiques, souvent liées à l’autonomie ou à l’indépendance.

Michel Fayad souligne que si le gouvernement venait à tomber, « tout ce monde-là va commencer à vouloir son autonomie, son indépendance, un peu comme on le voit donc en Irak, en Syrie et ailleurs ». Cette dynamique pourrait rapidement se traduire par une multiplication des foyers de tensions internes, exacerbant les divisions et fragilisant davantage la cohésion nationale.

La comparaison avec les situations irakienne ou syrienne illustre la gravité des risques encourus. Dans ces pays, la chute des régimes centraux a engendré des guerres civiles prolongées, où les conflits ethniques et sectaires ont souvent pris le pas sur toute unité politique. L’Iran, avec sa composition ethnique complexe, pourrait suivre une trajectoire similaire en l’absence d’un pouvoir central fort.

Cette perspective ne se limite pas aux seules frontières iraniennes. Une telle déflagration géopolitique aurait des répercussions régionales majeures, affectant la stabilité du Moyen-Orient tout entier. Les revendications autonomistes pourraient provoquer des remous dans les pays voisins, où vivent des populations partageant des affinités ethniques ou culturelles avec celles d’Iran.

Ainsi, la chute du régime ne signifierait pas seulement la fin d’un ordre politique, mais l’ouverture d’une période d’instabilité profonde, marquée par des affrontements internes et une recomposition géopolitique incertaine. Cette réalité souligne l’enjeu crucial que représente la préservation d’un équilibre fragile, malgré les pressions extérieures et les tensions internes persistantes.