L’Algérie affirme que le couscous, plat emblématique du Maghreb, lui a été « volé » par le Maroc. Cette accusation, portée par un ministre algérien, s’appuie sur une étude historique peu connue. Pourquoi cet élément change la perception de ce mets ancestral et quelles sont les implications culturelles et politiques derrière cette controverse ? La vérité surprenante derrière cette querelle reste à découvrir.
L’Algérie Relance La Polémique Sur L’Origine Du Couscous
La récente intervention du ministre algérien de la Communication, Mohamed Meziane, a ravivé une controverse ancienne autour de l’origine du couscous, alimentant les tensions déjà vives entre l’Algérie et le Maroc. Devant le Parlement algérien, il a affirmé avec assurance que « tous les anciens historiens disent que le couscous est apparu pour la première fois en Algérie ». Cette déclaration s’appuie sur une étude d’un historien français, réalisée au début du XXe siècle, dont il n’a toutefois pas précisé les références.
Cette prise de position s’inscrit dans un contexte régional marqué par des différends politiques persistants, notamment autour du Sahara occidental, et s’accompagne d’une accusation plus large d’« appropriation culturelle » dont le Maroc serait responsable. Pour le ministre, le couscous ne serait qu’un exemple parmi d’autres d’un patrimoine algérien récupéré par le royaume chérifien, notamment durant les années 1990, une période où l’Algérie traversait sa décennie noire.
Sur les réseaux sociaux, la vidéo de son intervention a rapidement circulé, suscitant à la fois l’amusement et la polémique. Cette viralité témoigne de l’importance symbolique du couscous dans les imaginaires nationaux des deux pays, mais aussi de la sensibilité accrue autour des questions d’identité culturelle dans la région.
L’accusation de « vol » culinaire dépasse ainsi le simple cadre gastronomique pour devenir un enjeu politique et diplomatique, révélateur des rivalités historiques entre les deux voisins. Cette polémique invite à s’interroger sur la manière dont les patrimoines culturels se construisent et se revendiquent dans un contexte de tensions géopolitiques, où chaque symbole peut devenir un levier d’affirmation nationale.
Au-delà des postures officielles, cette controverse souligne également la complexité des héritages culturels partagés au Maghreb, où les frontières culinaires ne coïncident pas toujours avec les frontières politiques. Le débat autour de l’origine du couscous illustre ainsi la difficulté de dissocier histoire, culture et diplomatie dans une région marquée par des rivalités anciennes et des identités imbriquées.
Le Maroc Refute Les Accusations Et Rappelle La Reconnaissance Internationale
Face aux affirmations algériennes, les autorités marocaines ont rapidement réagi en rejetant catégoriquement toute tentative d’appropriation unilatérale du couscous. Elles soulignent que les preuves avancées par Alger restent insuffisantes et manquent de rigueur historique. Plus encore, Rabat insiste sur la dimension partagée et plurinationale de ce patrimoine culinaire.
Cette position s’appuie notamment sur un fait diplomatique majeur : en décembre 2020, le couscous a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco à l’issue d’une candidature commune présentée par quatre pays du Maghreb, à savoir le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie. Ce classement officiel reconnaît explicitement la pluralité des origines et la richesse collective du plat, dépassant ainsi les revendications exclusives.
La démarche conjointe traduisait une volonté de valoriser un héritage commun, reflet des échanges historiques et culturels profonds entre ces nations. Plutôt que d’être un objet de conflit, le couscous est ainsi reconnu comme un bien partagé, ancré dans les traditions amazighes et maghrébines. Dans ce contexte, la lecture marocaine invite à dépasser les tensions pour privilégier la coopération et la mise en valeur collective.
Au-delà de la simple querelle d’attribution, cette reconnaissance multilatérale par l’Unesco illustre l’importance croissante accordée à la protection des patrimoines immatériels, notamment culinaires, dans le dialogue interculturel. Elle souligne aussi la difficulté de circonscrire un héritage culturel à une seule nation, surtout lorsque celui-ci s’est construit à travers des siècles d’échanges et de migrations.
Le refus marocain de la thèse algérienne s’inscrit donc dans une logique de défense d’une histoire partagée, où le couscous n’est pas un monopole, mais un symbole d’une identité maghrébine plurielle. Cette approche invite à reconsidérer les enjeux culturels à l’aune d’une dynamique régionale plus large, où la reconnaissance internationale joue un rôle clé dans la légitimation des patrimoines.
Les Racines Berbères Du Couscous: Entre Histoire Et Mythes
Poursuivant cette exploration des origines du couscous, il convient de se pencher sur son histoire profondément ancrée dans les traditions berbères, bien avant les revendications nationales contemporaines. Comme le rappelle la plateforme Marmiton, le couscous est une invention amazighe née dans les zones semi-arides d’Afrique du Nord, avec des traces documentées qui remontent à l’Antiquité.
Cette origine ancienne souligne le rôle central des peuples amazighs dans la création et la transmission de ce plat. Ils ont perfectionné la méthode de roulage de la semoule, associée à une cuisson à la vapeur grâce au « couscoussier », une technique ingénieuse qui a traversé les siècles. Le couscous, appelé Seksu ou Ta’am dans certaines régions, illustre ainsi le savoir-faire culinaire ancestral des communautés berbères, bien avant qu’il ne devienne un symbole identitaire moderne.
La richesse du couscous réside aussi dans sa diversité régionale. Chaque territoire du Maghreb a développé des variantes spécifiques, intégrant des ingrédients locaux comme les légumes, pois chiches, agneau, poulet ou poisson, et même des versions sucrées. Cette multiplicité témoigne d’une adaptation constante aux ressources et aux goûts, mais aussi d’un héritage partagé qui dépasse les frontières actuelles.
L’Unesco a justement valorisé cette pluralité culturelle dans sa décision d’inscrire le couscous au patrimoine culturel immatériel en décembre 2020. Cette reconnaissance officielle confirme que le couscous ne saurait être réduit à une origine exclusive, mais doit être perçu comme un bien commun, fruit d’une histoire collective. Elle reflète l’importance de préserver des traditions qui, bien qu’ancrées dans des communautés spécifiques, participent à un patrimoine mondial.
Ainsi, au-delà des polémiques politiques, le couscous incarne un héritage vivant, chargé de significations multiples et d’une histoire complexe. Il rappelle que la culture alimentaire est souvent le reflet d’échanges continus et d’une coexistence plurielle. Ce regard historique et anthropologique invite à dépasser les querelles identitaires pour reconnaître la richesse d’un patrimoine partagé, qui continue de nourrir les peuples du Maghreb et bien au-delà.
Le Couscous, Miroir D’une Passion Culinaire Transnationale
Si l’Unesco souligne la pluralité culturelle du couscous, ce plat dépasse largement les frontières du Maghreb pour s’imposer comme une véritable institution gastronomique à l’échelle internationale, notamment en France. En effet, le couscous est aujourd’hui le plat préféré des Français, devant des classiques comme le bœuf bourguignon ou les lasagnes, selon plusieurs sondages récents.
Cette popularité ne date pas d’hier. Dès le XVIe siècle, le « coscosson » apparaissait déjà dans l’œuvre de François Rabelais, témoignant d’une présence ancienne et durable dans la culture culinaire européenne. Plus tard, au XIXe siècle, Alexandre Dumas consacrait dans son « Grand dictionnaire de cuisine » une place au couscous, preuve que ce mets avait conquis les palais bien avant les tensions diplomatiques actuelles.
Cette diffusion témoigne d’une appropriation culturelle complexe, où le couscous est autant un symbole d’identité qu’un vecteur d’échanges. Il illustre comment un plat à l’origine amazighe a pu s’intégrer et se réinventer dans des contextes très différents, témoignant d’une dynamique de partage et d’adaptation. En ce sens, le couscous incarne une réussite gastronomique universelle, capable de rassembler autour de saveurs communes malgré des divergences historiques ou politiques.
Par ailleurs, cette passion transnationale pour le couscous soulève une question essentielle : comment concilier fierté identitaire et ouverture culturelle dans un monde où les héritages culinaires se croisent et s’entrelacent ? La réponse réside sans doute dans la reconnaissance de cette richesse collective, qui dépasse les simples revendications nationales pour célébrer une tradition vivante et partagée.
Ainsi, au-delà de la polémique récente, le couscous demeure un miroir des histoires croisées et des interactions culturelles entre le Maghreb et l’Europe. Cette dimension socioculturelle invite à considérer ce plat non seulement comme un patrimoine à protéger, mais aussi comme un espace de dialogue et de convivialité, où les saveurs deviennent le langage commun d’une passion culinaire transnationale.