Nicole Croisille s’éteint à 88 ans, laissant derrière elle une carrière marquée par la scène et la chanson. Figure emblématique des années 1970, elle a su imposer une voix singulière dans la variété française. Ce que révèle son parcours, entre succès internationaux et choix artistiques, éclaire une trajectoire peu connue du grand public. La vérité surprenante derrière ses dernières années mérite d’être explorée.
La Disparition D’Une Icône De La Chanson Française
Après plusieurs semaines de lutte contre une longue maladie, Nicole Croisille s’est éteinte dans la nuit du mardi 3 au mercredi 4 juin à Paris, à l’âge de 88 ans. L’annonce de son décès a été faite par son agent, Jacques Metges, qui a salué « sa force et son courage jusqu’au bout ». Ces quelques mots résument l’attitude d’une artiste qui, tout au long de sa vie, a su conjuguer ténacité et passion pour la scène.
Figure majeure de la chanson française, Nicole Croisille laisse derrière elle un héritage artistique riche et diversifié. Son parcours, étroitement lié à l’évolution de la musique populaire des années 1960 à 1980, témoigne d’une carrière marquée par une constante recherche d’expression et d’authenticité. Chanteuse, comédienne et danseuse, elle a su imposer sa voix singulière et son style unique, contribuant ainsi à façonner le paysage culturel de son époque.
Si elle est notamment reconnue pour des titres emblématiques tels que Parlez-moi de lui ou Téléphone-moi, sa renommée s’est également construite autour de collaborations artistiques majeures, notamment avec le réalisateur Claude Lelouch et le compositeur Francis Lai. La chanson _Dabadabada_, extraite du film _Un homme et une femme_, demeure un jalon important de sa carrière, symbolisant son rayonnement au-delà des frontières nationales.
Au-delà de ses succès, cette disparition rappelle aussi l’engagement personnel de Nicole Croisille face à la maladie. Son agent souligne qu’elle a « jusqu’au bout, se battue avec beaucoup de force et de courage », une dimension humaine qui a marqué son entourage et ses admirateurs. Cette détermination, visible dans sa vie comme dans son art, éclaire le parcours d’une artiste qui n’a jamais renoncé à sa vocation.
Ainsi, le décès de Nicole Croisille invite à revisiter l’œuvre d’une femme dont la voix a accompagné plusieurs générations et dont l’influence perdure dans la mémoire collective. Quel regard porter désormais sur cette carrière exceptionnelle, qui a su allier rigueur artistique et succès populaire ?
Des Débuts Sur Scène Malgré Les Obstacles
Née le 9 octobre 1936 à Neuilly-sur-Seine, Nicole Croisille s’est très tôt tournée vers les arts de la scène, bien que son parcours ait été freiné par les réticences familiales. Son père, soucieux de lui éviter une carrière de danseuse classique, lui interdit de devenir petit rat de l’Opéra, malgré sa passion manifeste. Résignée mais déterminée, elle suit alors des cours de dactylographie tout en poursuivant assidûment la danse au sein des classes de la Comédie-Française.
À seulement 17 ans, elle intègre le ballet de la prestigieuse compagnie, participant à des productions telles que _L’amour médecin_ ou _Le Bourgeois gentilhomme_. De cette époque, elle gardera un souvenir contrasté, évoquant dans une interview de 1983 avec Philippe Bouvard : « J’apparaissais dans ‘L’amour médecin’, ‘Le Bourgeois gentilhomme’ (…) L’ambiance était bonne mais les sociétaires avaient les mains baladeuses. » Cette remarque illustre les difficultés inhérentes à un milieu artistique encore largement dominé par des rapports de pouvoir inégalitaires.
Son chemin croise ensuite celui de figures emblématiques du spectacle. En 1958, elle rejoint la troupe de Joséphine Baker, une rencontre déterminante qui lui ouvre les portes d’une carrière internationale. Puis, elle collabore avec Marcel Marceau, dont la renommée mondiale lui permet de partir en tournée aux États-Unis. Là, elle approfondit sa passion pour le jazz, prêtant sa voix de soprano dans des lieux prestigieux comme le Playboy Club de Chicago.
Cette période américaine marque une double évolution : elle consolide ses compétences artistiques tout en s’ouvrant à de nouvelles influences musicales. Son premier 45 tours, sorti en 1961, est une adaptation d’un morceau de Ray Charles, symbole de son ancrage dans le jazz et la soul. Malgré un premier passage à l’Olympia en première partie de Jacques Brel la même année, elle peine à s’imposer dans un paysage dominé par la vague yéyé.
Face à ces obstacles, Nicole Croisille choisit de s’expatrier à New York, où elle devient meneuse de revue pour les Folies Bergères, une expérience qui renforce son aisance scénique et sa polyvalence artistique. Ce parcours initial, marqué par la persévérance et la diversité des expériences, pose les fondations d’une carrière qui trouvera son plein épanouissement dans les années suivantes, mêlant chanson, théâtre et cinéma.
Les Années 1970-80: Consécration Populaire
Après une décennie d’efforts et d’expériences diverses, Nicole Croisille atteint un tournant décisif avec sa participation à la bande originale du film _Un homme et une femme_ de Claude Lelouch en 1966. La chanson _Dabadabada_, qu’elle interprète, connaît un succès immédiat et s’inscrit durablement dans la mémoire collective, marquant le début d’une collaboration fructueuse avec le réalisateur et le compositeur Francis Lai.
Cette reconnaissance cinématographique ouvre la voie à une véritable consécration sur la scène musicale française au cours des années 1970. Entre 1973 et 1980, Nicole Croisille enchaîne les succès populaires avec des titres tels que _Parlez-moi de lui_, _Une femme avec toi_ ou encore _Téléphone-moi_, qui confirment sa place parmi les voix majeures de la variété française. Sa tessiture de soprano, sa capacité à transmettre des émotions intenses et sa maîtrise technique lui valent d’être qualifiée de « plus belle voix de 1975 », une distinction qui souligne son statut d’interprète à part entière.
Au-delà de ses propres succès, son influence se fait sentir sur une nouvelle génération d’artistes. Les chanteuses Patricia Kaas et Lara Fabian, qui émergent dans les années 1980 et 1990, s’inscrivent dans la lignée de cette « chanteuse à voix » dont Nicole Croisille a contribué à populariser le registre. Sa rigueur artistique et son engagement dans des chansons d’amour, souvent intimistes, ont durablement marqué le paysage musical.
En 2017, dans un entretien accordé à Paris Match, elle insistait sur sa dévotion exclusive à la chanson : « Je n’ai chanté que des chansons d’amour et je sais ce que j’ai apporté aux gens. » Cette déclaration reflète un parcours où la musique a toujours occupé la place centrale, au détriment d’une vie privée qu’elle a volontairement tenue à l’écart, préférant consacrer son énergie à son art et à ses passions, notamment ses lévriers.
Ainsi, ces années 1970-80 représentent pour Nicole Croisille une période d’affirmation complète, où elle conjugue reconnaissance critique et succès populaire, tout en façonnant une identité artistique singulière. Cette étape majeure prépare les évolutions ultérieures de sa carrière, qui la conduiront à explorer de nouveaux horizons tout en restant fidèle à son amour pour la scène.
Un Amour Inébranlable Pour La Scène
Fidèle à l’élan qui l’a portée tout au long de sa carrière, Nicole Croisille ne se contente pas de son succès dans les années 1970 et 1980. Après avoir connu son dernier grand triomphe populaire avec l’adaptation du _Blues du businessman_ en 1985, elle opère un retour marqué vers ses premières influences en renouant avec le jazz et la bossa nova. Les albums _Jazzille_ (1987), _Black et Blanche_ (1991) puis _Bossa d’hiver_ (2008) témoignent de cette volonté constante d’explorer et de diversifier son répertoire, tout en restant fidèle à une expression musicale raffinée et sensible.
Cette période de renouvellement artistique s’accompagne d’une transition progressive vers le théâtre, un domaine dans lequel elle investit toute son énergie et son talent. La scène devient alors son terrain d’expression privilégié, offrant une nouvelle dimension à son engagement artistique. En 1992, Nicole Croisille réalise « son rêve » en incarnant le rôle-titre de la comédie musicale américaine _Hello, Dolly!_, une expérience qu’elle évoque avec émotion et fierté.
Sa présence scénique ne faiblit pas avec l’âge. En 2019, à 83 ans, elle continue de se produire sur les planches, incarnant avec bonheur une ancienne maîtresse de Michel Sardou dans un vaudeville de Sacha Guitry. Elle confie alors : « Je m’amuse comme une petite folle ! À mon âge, je n’aime que les gageures. » Cette déclaration illustre parfaitement son amour intact pour la scène et son goût pour les défis artistiques, même dans les dernières années de sa vie.
Plus qu’une simple artiste polyvalente, Nicole Croisille apparaît comme une figure engagée qui a su, jusqu’à son dernier souffle, conjuguer passion et exigence. Sa trajectoire témoigne d’une fidélité rare à son art, qu’elle n’a jamais abandonné ni trahi, même lorsque le succès s’est fait plus discret. Son parcours exemplaire reste un modèle de persévérance et d’intégrité dans le paysage culturel français.
Ainsi, cet attachement profond à la scène et à la musique, qui l’a accompagnée dès ses débuts, a façonné une carrière riche et singulière, dont l’écho continue de résonner bien au-delà de sa disparition.