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Nicole Croisille l’interprète du mythique « dabadabada » s’éteint à 88 ans après une carrière sans frontières

Julie K.
12 Min de lecture

Nicole Croisille s’est éteinte à 88 ans, laissant derrière elle une carrière marquée par des succès incontournables. Interprète emblématique du célèbre « dabadabada », elle a traversé plusieurs décennies avec une voix singulière et un parcours artistique hors du commun. Ce que révèle son itinéraire entre scène française et internationale offre un éclairage inédit. La vérité surprenante derrière son influence dans la musique et le théâtre mérite d’être explorée.

La Disparition D’Une Icône Musicale Et Scénique

La nuit de mardi à mercredi a marqué la fin d’une époque avec la disparition de Nicole Croisille, à l’âge de 88 ans. L’annonce de son décès a été confirmée par l’AFP et France Télévisions, précisant qu’elle s’est éteinte des suites d’une longue maladie. Cette nouvelle a suscité une vive émotion dans le monde artistique, tant la chanteuse incarnait une figure majeure de la chanson française et du spectacle.

Nicole Croisille reste notamment célèbre pour son interprétation du motif musical emblématique d’Un homme et une femme, œuvre du compositeur Francis Lai. Ce thème, initialement instrumental, s’est progressivement transformé dans la mémoire collective en un refrain chantonné, le fameux « chabada-bada », qui a traversé les générations et les frontières. Ce simple motif a contribué à ancrer durablement son nom dans l’histoire de la musique populaire.

Au-delà de ce rôle emblématique, sa carrière s’est étendue bien au-delà des frontières hexagonales. À partir de 1966, elle connaît un succès planétaire, devenant une voix incontournable de la variété française. Ses tubes comme Parlez-moi de lui et Téléphone-moi dans les années 1970 ont largement contribué à asseoir sa renommée internationale. Son talent ne se limitait pas à la chanson : Nicole Croisille était aussi comédienne et danseuse, ce qui lui conférait une polyvalence rare dans le paysage artistique de son époque.

Cette polyvalence et cette longévité artistique font de Nicole Croisille une personnalité singulière, dont l’héritage musical et scénique demeure profondément enraciné dans la culture française. Si son départ laisse un vide, il offre aussi l’occasion de revisiter une œuvre riche et diverse, reflet d’une époque à la fois exigeante et créative. Son parcours invite naturellement à s’interroger sur les racines et les influences qui ont façonné cette artiste d’exception.

Les Fondations D’Une Carrière Polyvalente

Derrière le succès international et la renommée scénique de Nicole Croisille se dessine un parcours façonné par une formation artistique éclectique et rigoureuse. Née à Neuilly-sur-Seine en 1936, elle grandit dans un environnement où la discipline et l’exigence intellectuelle prennent une place centrale. Son père, qui lui inculque l’anglais en écoutant la BBC, lui interdit cependant de suivre la voie traditionnelle des petits rats de l’Opéra. Ce refus parental n’entrave pas sa détermination, bien au contraire : Nicole Croisille développe alors un profil artistique singulier, mêlant théâtre, mime, chant et danse.

Elle suit ainsi des cours à la Comédie-Française, où elle apprend le jeu dramatique aux côtés du sociétaire Jean Hervé, tout en explorant le mime avec Marcel Marceau, figure emblématique de cette discipline. Parallèlement, elle perfectionne sa voix au Conservatoire de l’Opéra et s’initie à la danse dans un cadre familial, puisque sa mère joue du piano et travaille comme habilleuse aux Folies Bergères. Cette polyvalence précoce témoigne d’une volonté de maîtriser plusieurs formes d’expression, lui conférant une souplesse artistique rare.

À 17 ans, Nicole intègre le ballet de la Comédie-Française, avant d’obtenir le premier rôle dans la comédie musicale L’Apprenti fakir de Jean Marais, à seulement 20 ans. Cette expérience sur scène marque ses premiers pas dans le spectacle vivant, qu’elle enrichira par la suite lors de sa tournée américaine avec Marcel Marceau. Aux États-Unis, elle approfondit sa passion pour le jazz et prête sa voix de soprano au prestigieux Playboy Club de Chicago, un lieu emblématique de la scène musicale nocturne.

Son premier 45 tours, sorti en 1961, est une adaptation de Ray Charles, symbole de son ouverture vers des répertoires internationaux. Malgré une première partie à l’Olympia aux côtés de Jacques Brel et des rencontres avec des artistes comme Claude Nougaro, elle peine à s’imposer dans une scène française alors dominée par la vague yéyé. Cette situation la pousse à s’exiler temporairement à New York, où elle devient meneuse de revue pour deux spectacles des Folies Bergères à Broadway, renforçant encore son expérience scénique.

Ce parcours pluriel, entre disciplines et continents, jette les bases d’une carrière artistique riche et diversifiée. C’est cette capacité à naviguer entre les mondes du théâtre, de la danse et de la musique qui préparera Nicole Croisille à incarner, quelques années plus tard, une voix unique au sein de la variété française. Cette période formatrice révèle aussi l’étendue de ses influences, avant que ne s’amorce son ascension vers une reconnaissance plus large.

L’Apogée D’Une Voix Incontournable

Fortifiée par un parcours artistique éclectique, Nicole Croisille atteint un tournant décisif en 1966 grâce à sa rencontre avec le réalisateur Claude Lelouch et le compositeur Francis Lai. Cette collaboration inaugure une période de succès qui s’étend sur plus d’une décennie, ancrant la chanteuse au cœur de la variété française. Le motif entêtant de Un homme et une femme, devenu le fameux « dabadabada », illustre parfaitement cette alchimie entre voix et image, conférant à Nicole Croisille une notoriété durable, tant en France qu’à l’international.

Au cours des années 1970, sa voix devient une référence incontournable, saluée par la critique et le public. En 1975, elle est même désignée comme « la plus belle voix » de l’année, une reconnaissance qui souligne son statut d’icône de la chanson française. Son répertoire s’enrichit de tubes majeurs tels que Parlez-moi de lui et Téléphone-moi, titres emblématiques d’une époque où la variété française connaît un renouveau marqué par des interprètes capables de conjuguer émotion et virtuosité vocale.

En 1985, Nicole Croisille signe son dernier grand succès populaire avec l’adaptation du Blues du businessman, extrait de la comédie musicale Starmania, pour le film Itinéraire d’un enfant gâté. Ce choix témoigne de son aptitude à renouveler son répertoire tout en restant fidèle à une esthétique musicale sophistiquée. Par ailleurs, elle accompagne ce virage stylistique d’un retour aux sources du jazz et de la bossa nova, genres dans lesquels sa voix trouve une nouvelle expression, plus nuancée et empreinte d’une certaine maturité.

Cette période d’apogée illustre aussi la capacité de Nicole Croisille à s’adapter aux évolutions du paysage musical tout en conservant une identité artistique forte. Son parcours, marqué par une maîtrise technique et une sensibilité certaine, fait d’elle une figure majeure de la scène française des années 1970 et 1980. Comme elle l’exprime elle-même, ce retour au jazz est l’occasion de renouer avec une passion ancienne, une manière de « revenir à l’essentiel » après une décennie de succès dans la variété.

Ainsi, Nicole Croisille incarne pleinement cette génération d’artistes qui ont su conjuguer exigence vocale et popularité, inscrivant leur nom dans une histoire musicale riche et éclectique. Son influence dépasse le simple cadre de la chanson, témoignant d’une époque où la voix devenait un véritable instrument d’expression culturelle. Cette trajectoire ouvre la voie à une nouvelle étape, où l’artiste explore d’autres formes de créativité tout en poursuivant son engagement sur scène.

Une Scène Jusqu’Au Bout De La Vie

Poursuivant son parcours artistique avec la même détermination, Nicole Croisille ne cesse de démontrer son attachement profond à la scène, même lorsque son répertoire évolue vers des registres plus intimistes. En 1992, elle réalise l’un de ses rêves en incarnant le rôle-titre de la comédie musicale américaine Hello, Dolly !, une performance qui marque son retour au théâtre musical dans un registre exigeant. Cette étape confirme son désir constant de relever de nouveaux défis et d’explorer sans cesse les multiples facettes de son talent.

Son engagement sur scène ne faiblit pas avec le temps. En 2019, à l’âge de 83 ans, elle participe à un vaudeville de Sacha Guitry, incarnant une ancienne maîtresse de Michel Sardou. Cette dernière prestation témoigne d’une énergie intacte et d’une passion toujours vive pour le spectacle vivant, malgré les années qui passent. À cette occasion, elle confie : « Je m’amuse comme une petite folle ! A mon âge, je n’aime que les gageures. » Ces mots révèlent une philosophie artistique marquée par la volonté de continuer à se mesurer à des rôles exigeants, tout en savourant pleinement le plaisir de la scène.

Cette longévité artistique illustre aussi la capacité de Nicole Croisille à conjuguer expérience et vitalité, refusant de se laisser enfermer dans une image figée. Son parcours scénique tardif s’inscrit dans une démarche où chaque représentation devient une occasion de renouvellement et d’affirmation personnelle. Elle incarne ainsi l’exemple d’une artiste passionnée, pour qui la scène reste un espace d’expression privilégié, capable de transcender les contraintes liées à l’âge.

Par-delà ses succès musicaux, Nicole Croisille laisse le souvenir d’une femme de scène infatigable, animée par une curiosité insatiable et un amour sincère pour le spectacle. Cette dernière phase de sa carrière souligne combien le théâtre et la musique ont constitué des piliers indissociables de sa vie professionnelle, jusqu’à ses dernières années. Elle démontre ainsi que la créativité et la passion artistique peuvent perdurer, nourrissant sans cesse un lien intime avec le public et les œuvres.

Cette vitalité artistique, ancrée dans une expérience riche et diversifiée, éclaire d’un jour nouveau l’ensemble de sa trajectoire, où chaque étape s’inscrit dans une quête constante d’expression et d’authenticité.