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« Nous refusons d’être complices » – Les dockers de Marseille-Fos bloquent des tubes de canons destinés à Israël

Julie K.
13 Min de lecture

Le port de Marseille-Fos est au cœur d’un nouveau bras de fer. Des dockers ont bloqué la sortie de tubes de canon destinés à Israël, suscitant un débat sur le rôle du port dans le transit d’armements. Ce que révèle cette action soulève des questions majeures sur les circuits d’exportation et les responsabilités engagées. Pourquoi cet élément change les équilibres habituels reste à découvrir.

Blocage De Composants Militaires Au Port De Marseille-Fos : Un Acte Dénonciateur De La CGT

Dans la continuité des actions menées par les dockers du port de Marseille-Fos, un nouveau blocage a été opéré jeudi 5 juin, portant cette fois-ci sur deux conteneurs contenant des tubes de canons fabriqués par la société Aubert & Duval, basée à Firminy. Ces composants, essentiels à la fabrication d’armes, devaient transiter vers Israël, avant une réexportation vers d’autres pays, selon les précisions du ministère des Armées. Cette opération s’inscrit dans une série d’actions visant à empêcher l’expédition de matériel militaire, après le blocage récent de palettes chargées de pièces détachées destinées à des fusils-mitrailleurs produits par Eurolinks, une entreprise locale.

La CGT des dockers, à l’initiative de cette mobilisation, a publié un communiqué exprimant son profond désaccord face à l’utilisation de leur port pour le transit de matériel militaire. Le syndicat affirme clairement : « Les travailleurs du port ne veulent pas être complices de massacres, de pertes de vies humaines ». Ce message souligne la portée symbolique et éthique de leur action, qui dépasse le simple cadre professionnel pour toucher à des questions de responsabilité morale.

Les deux conteneurs bloqués contenaient au total cinq colis, selon le média d’investigation Disclose, qui précise que les tubes de canons sont destinés au fabricant d’armes israélien Elbit Systems, déjà impliqué dans les livraisons précédentes stoppées par les dockers. Cette information établit un lien direct entre les différents épisodes de blocage et met en lumière la continuité des flux de composants militaires passant par le port de Marseille-Fos.

Par ailleurs, il est important de noter que ces cargaisons, bien que destinées à Israël, ne devaient pas y être utilisées directement. Le ministère des Armées insiste sur le fait qu’il s’agit d’exportations encadrées, avec une obligation de réexportation vers des pays tiers, ce qui complexifie la chaîne logistique mais ne fait pas pour autant disparaître les inquiétudes exprimées par les dockers.

Ce nouvel épisode illustre la détermination des travailleurs portuaires à contrôler les marchandises transitant par leur lieu de travail, en s’appuyant sur des réseaux d’information syndicaux qui leur permettent de détecter ces cargaisons sensibles. Il soulève également des questions sur la transparence et le contrôle des exportations d’armement en France, ainsi que sur la responsabilité des acteurs économiques et politiques dans ce domaine.

Prise De Position Des Dockers : Refus De Contribuer Aux Conflits Armés

Cette mobilisation des dockers du port de Marseille-Fos s’enracine dans une opposition profonde à l’expédition d’armes, portée par des convictions éthiques fortes. Informés par des réseaux syndicaux spécialisés, les travailleurs ont agi avec détermination pour empêcher le transit de ces cargaisons sensibles. Leur refus ne se limite pas à un simple geste professionnel, mais s’inscrit dans une volonté claire de ne pas être associés à des conflits armés, quelle que soit leur nature.

Le syndicat CGT a exprimé cette position en des termes explicites : « Le port de Fos ne doit pas servir à expédier des munitions pour n’importe quelle guerre ». Cette déclaration souligne la responsabilité morale que les dockers s’assignent dans la chaîne logistique, refusant de devenir des maillons passifs dans la circulation d’armes susceptibles d’alimenter des violences. Leur action s’appuie sur une conscience collective qui dépasse les enjeux économiques immédiats pour questionner le rôle social des travailleurs portuaires.

Par ailleurs, le lien établi entre les tubes de canons bloqués et le fabricant israélien Elbit Systems donne une dimension supplémentaire à ce refus. Elbit Systems est un acteur majeur de l’industrie militaire israélienne, souvent critiqué pour son implication dans des conflits controversés. Le fait que ces composants soient destinés à ce groupe renforce l’opposition des dockers, qui perçoivent cette expédition comme une contribution indirecte à des opérations militaires contestées.

Cette dynamique syndicale illustre également l’efficacité des réseaux d’information internes, qui permettent aux dockers d’identifier rapidement les cargaisons à risque. Ces mécanismes de veille renforcent leur capacité à agir en connaissance de cause, dans un contexte où la transparence sur les flux d’armement reste limitée. Ils témoignent d’une mobilisation collective qui dépasse le simple blocage matériel, pour devenir une prise de position éthique et politique.

Ainsi, les dockers affirment leur rôle non seulement comme acteurs économiques, mais aussi comme gardiens d’une certaine éthique professionnelle. Leur engagement révèle une tension fondamentale entre les exigences du commerce international d’armement et les principes de responsabilité sociale, une tension qui s’exprime avec acuité dans ce contexte particulier. Cette posture ouvre des interrogations légitimes sur la place des travailleurs dans les débats autour de la paix et du droit international.

Réponse Du Ministère Des Armées : Des Exportations Encadrées

Poursuivant le débat suscité par le blocage des cargaisons au port de Marseille-Fos, la réaction du ministère des Armées apporte un éclairage sur le cadre légal qui régit ces exportations. Face aux critiques et à la mobilisation des dockers, l’institution insiste sur le respect strict des procédures françaises et internationales encadrant la livraison de composants militaires.

Le ministère affirme que « la France ne fournit pas d’armes à Israël », mais qu’elle « exporte » des éléments sous conditions précises. Ces composants, tels que les tubes de canons fabriqués par Aubert & Duval, sont destinés à un assemblage final en Israël, avant une réexportation vers des pays tiers. Cette distinction est essentielle dans la politique française d’exportation d’armement, qui repose sur des licences délivrées au cas par cas, avec un suivi rigoureux des destinataires ultimes.

Selon les informations communiquées, la cargaison bloquée jeudi 5 juin comprenait « cinq colis », dont deux conteneurs contenant des tubes de canons. Le ministère souligne que ces livraisons sont assorties d’une « obligation de réexportation », visant à garantir que ces matériels ne soient pas utilisés directement par les forces armées israéliennes, notamment dans les zones de conflit comme Gaza.

Cette position officielle vise à dissiper les malentendus liés à la nature et à l’usage des composants concernés. Elle rappelle que la chaîne logistique comprend plusieurs étapes, et que l’exportation française s’inscrit dans un cadre réglementaire strict. En ce sens, la France entend respecter ses engagements internationaux tout en maintenant une activité industrielle stratégique.

Cependant, cette explication ne répond pas entièrement aux préoccupations exprimées par les dockers et leurs soutiens. Ces derniers questionnent la fiabilité des garanties de réexportation et dénoncent un flou persistant dans le suivi effectif des matériels. Le ministère, de son côté, maintient que les licences et contrôles sont conçus pour prévenir toute utilisation inappropriée.

Cette situation met en lumière les tensions entre exigences économiques, impératifs de sécurité nationale et enjeux éthiques. La complexité des circuits d’exportation, conjuguée à la sensibilité politique des conflits concernés, alimente un débat où la transparence et la responsabilité restent au cœur des interrogations. Le rôle des acteurs portuaires, conscients des implications de leur travail, amplifie cette dynamique et pose la question du contrôle démocratique sur le commerce des armes.

Menaces De Mobilisation Et Enjeux Géopolitiques

Dans la continuité des échanges tendus autour des exportations de composants militaires, la CGT du golfe de Fos intensifie sa pression face aux livraisons en direction d’Israël. Après le blocage de plusieurs cargaisons, le syndicat annonce une possible montée en puissance de ses actions. Dans un communiqué, il prévient qu’il « répondra autrement dans les jours et semaines à venir en mobilisant l’ensemble des dockers et portuaires » si la circulation de ces marchandises se poursuit.

Cette détermination illustre l’ampleur des tensions au sein du port de Marseille-Fos, où la conscience collective des travailleurs s’oppose désormais frontalement à la participation involontaire à un commerce d’armement perçu comme controversé. La mobilisation trouve un écho notable avec le soutien apporté par Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, qui a appelé le gouvernement à « bloquer immédiatement » toute livraison d’armes à destination de l’État hébreu.

Ce positionnement syndical dépasse le simple cadre local pour s’inscrire dans un débat plus large, mêlant considérations éthiques, responsabilités industrielles et enjeux géopolitiques majeurs. La France, en tant qu’acteur important du commerce international d’armement, est ainsi confrontée à un dilemme complexe : comment concilier ses engagements internationaux, ses intérêts stratégiques et les revendications citoyennes exprimées par ses propres travailleurs ?

Au cœur de cette controverse, la question du contrôle effectif des flux d’armement devient cruciale. Si le ministère des Armées insiste sur « l’obligation de réexportation » et les garanties juridiques qui encadrent ces opérations, la défiance des dockers souligne une méfiance vis-à-vis des mécanismes de suivi et de transparence. Cette situation alimente un climat d’incertitude qui pourrait avoir des répercussions sur la fluidité des échanges commerciaux et la réputation de la France sur la scène internationale.

Par ailleurs, cette mobilisation syndicale rappelle que les enjeux liés à l’armement ne se limitent pas aux sphères gouvernementales ou industrielles. Ils impliquent également des acteurs économiques et sociaux qui, par leur rôle quotidien, participent à la chaîne logistique mondiale. Leur prise de position met en lumière la nécessité d’une réflexion approfondie sur la dimension morale et politique du commerce des armes.

Alors que les dockers restent vigilants et prêts à renforcer leur action, la question du positionnement de la France dans ce contexte international sensible demeure plus que jamais d’actualité, appelant à un équilibre délicat entre impératifs sécuritaires et exigences éthiques.