Un geste solidaire transformé en cauchemar professionnel. À Marseille, quatre employés d’un aéroport payent cher leur combat contre le gaspillage alimentaire. Starbucks et Prêt à Manger dans le viseur après des licenciements brutaux fin mars, quand la direction évoque un « trafic ». Mais pourquoi ces salariés ont-risqué leur emploi pour des invendus ? L’affaire, devenue virale, révèle un choc entre logique managériale et précarité.
Un geste solidaire puni par la loi ? Les faits qui ont conduit au licenciement
Quatre employés des enseignes Starbucks et Prêt à Manger, basées dans le terminal 1 de l’aéroport Marseille-Provence, perdent brutalement leur emploi fin mars 2024. Leur crime ? Avoir distribué des invendus alimentaires à 80 sans-abri dormant sur place, mais aussi à des femmes de ménage et agents de sécurité en situation précaire.
La direction du groupe Select Service Partner, leur employeur, invoque une « faute grave » pour justifier ce licenciement. Elle accuse les salariés d’avoir « volontairement produit plus de sandwiches » pour alimenter un prétendu « trafic d’articles ». Une pratique que l’entreprise dit combattre au nom de la « lutte contre le gaspillage », paradoxalement.
Interrogée par BFMTV, la direction de l’aéroport se dit « soucieuse de l’application des règles du droit du travail ». Sans prendre position, elle réclame que « toute la lumière soit faite » sur ces licenciements qui divisent jusqu’aux réseaux sociaux.
Traumatisme et incompréhension : le ras-le-bol des employés sacrifiés
Les licenciements laissent des traces profondes chez les quatre anciens salariés. « On vous pousse dans le vide et on vous salit pour des articles qui sont destinés à la poubelle », dénonce l’un d’eux au micro de BFM Marseille Provence. Un autre confie son état de détresse : « Je ne m’en relève pas, je suis traumatisé. Je ne sors plus, je ne fais plus rien ».
Leur initiative visait pourtant à soulager des travailleurs précaires de l’aéroport. Femmes de ménage et agents de sécurité, parfois plus anciens dans l’établissement qu’eux-mêmes, comptaient parmi les bénéficiaires. « Ils dorment sur la plateforme, y en a ils sont plus anciens que moi », souligne un employé, insistant sur l’urgence sociale rencontrée.
La brutalité de la sanction interroge jusqu’aux concernés. « Est-ce que ça mérite un licenciement brutal, du jour au lendemain ? », s’insurge un troisième salarié. Une question qui résonne au-delà des murs de l’aéroport, alimentant le débat sur la proportionnalité des mesures disciplinaires.
La défense des entreprises mises en cause : sécurité alimentaire vs gaspillage
Le groupe Select Service Partner se défend en brandissant son engagement historique contre le gaspillage. « Depuis plusieurs années en faveur du don alimentaire », affirme-t-il, tout en justifiant les licenciements par la nécessité de « pratiques encadrées ». « Il est de notre entière responsabilité de veiller à ce qu’en aucun cas, les dons ne soient distribués de manière informelle, non encadrée et opaque », insiste la direction.
L’aéroport Marseille-Provence adopte une position plus neutre, soulignant son attachement au « droit du travail » pour tous ses partenaires. Sans prendre parti, il demande que « toute la lumière soit faite » sur cette affaire délicate.
Un paradoxe émerge pourtant : comment concilier lutte anti-gaspi affichée et sanction d’initiatives solidaires ? La société SSP ne répond pas à cette contradiction, préférant marteler son exigence de « responsabilité » organisationnelle.
Une affaire qui dépasse l’aéroport : mobilisations et suites judiciaires
L’indignation gagne la sphère politique. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, monte au créneau sur X en exigeant la réintégration des salariés, qualifiant leur licenciement d’acte « doublement inhumain ». Son intervention relance le débat sur la précarité dans les zones aéroportuaires.
Les quatre anciens employés portent désormais l’affaire devant les prud’hommes, selon France 3. « On ne va pas se laisser faire », martèle l’un d’eux, déterminé à obtenir justice. Cette procédure pourrait établir un précédent sur la légalité des licenciements pour cause de solidarité en milieu professionnel.
Sur les réseaux sociaux, l’histoire devient virale, des milliers d’internautes dénonçant un « paradoxe absurde » entre gaspillage alimentaire autorisé et générosité sanctionnée. Une mobilisation qui transforme un conflit local en symbole national des tensions entre éthique sociale et logique managériale.