Papy Gaston, 85 ans, expulsé de sa cabane à Arcachon : « Il veut mourir en paix »

Vladimir P.
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Dans un coin paisible du bassin d’Arcachon, une bataille silencieuse se joue pour préserver un morceau d’histoire et une vie entière. Jean-Claude, affectueusement surnommé « Papy Gaston » par ses voisins, se trouve au cœur d’une lutte contre le temps et les institutions. À 85 ans, cet homme au visage buriné par les années fait face à une menace qui ébranle son existence : l’expulsion de la cabane de résinier qu’il habite depuis 74 ans.

Cette modeste demeure aux tuiles orangées, nichée à la Teste-de-Buch en Gironde, est bien plus qu’un simple toit pour Jean-Claude. C’est le théâtre de sa vie, le gardien de ses souvenirs, le refuge de son âme. Pourtant, le Conservatoire du littoral, propriétaire des lieux, lui a signifié son congé pour le 1er octobre prochain. Une nouvelle qui a fait vaciller le vieil homme, tant physiquement qu’émotionnellement. « Je me suis évanoui dès que j’ai pris connaissance de la demande d’expulsion », confie-t-il, la voix tremblante d’émotion.

Un héritage familial menacé

La cabane de résinier, à peine visible de la route départementale, abrite une histoire riche et complexe. Composée de trois pièces d’une dizaine de mètres carrés chacune, avec des toilettes dans le jardin et une cuisine encore équipée d’une cuisinière à bois, elle respire l’authenticité. C’est ici que Jean-Claude a posé ses valises en 1950, à l’âge de onze ans, lorsque son père, résinier de profession, y a installé sa famille.

Au fil des décennies, la propriété de la cabane a changé de mains. D’abord acquise par l’État dans les années 1980, elle a ensuite été cédée au Conservatoire du littoral. Un accord tacite a permis à Jean-Claude de continuer à y vivre, même après le décès de sa mère en 2008. Mais aujourd’hui, cet arrangement est remis en question, menaçant de déraciner un homme pour qui cette cabane représente l’essence même de son existence.

Un combat fraternel face à l’adversité

Jean-Pierre, le frère de Jean-Claude, s’est érigé en défenseur acharné de cette cause familiale. Depuis l’accident survenu en 2020, où un grand chêne a endommagé la toiture et la charpente de la cabane, les deux frères luttent contre vents et marées pour préserver ce lieu de vie. Malgré la déclaration d’insalubrité et de dangerosité émise par des experts, Jean-Pierre reste convaincu que son frère ne peut être déraciné sans conséquences graves.

« Si on le sort de là, il va être déraciné », s’inquiète Jean-Pierre. Cette préoccupation fraternelle témoigne de l’importance vitale que revêt cette cabane pour Jean-Claude. Plus qu’un simple logement, c’est un sanctuaire de souvenirs, un refuge contre les assauts du temps, un lien tangible avec son passé et son identité.

Une mobilisation locale face à l’inflexibilité institutionnelle

Face à cette situation, la solidarité locale s’est manifestée. Antoine Rechagneux, un exploitant agricole voisin, a pris l’initiative de lancer une cagnotte en ligne pour financer la remise aux normes de la cabane. Son objectif : permettre à Jean-Claude de rester dans son foyer sans que le Conservatoire n’ait à débourser d’argent. Cette démarche altruiste a suscité un élan de générosité, avec des promesses de dons s’élevant à 6 000 euros.

Cependant, le Conservatoire du littoral reste inflexible. L’institution argue de problèmes de responsabilité et rappelle que sa mission n’est pas d’héberger des particuliers, mais d’ouvrir ses terrains au public. « C’est une situation exceptionnelle. Nous n’avons jamais été confrontés à ce problème », déclare un membre du Conservatoire, soulignant la complexité de la situation.

L’incertitude d’un avenir déraciné

Alors que l’échéance du 1er octobre approche à grands pas, Jean-Pierre tente désespérément de trouver une solution de relogement pour son frère. Les démarches auprès du Centre communal d’action sociale de la Teste-de-Buch n’ont pour l’instant pas abouti, avec une liste d’attente de trois ans pour un logement adapté. Cette situation précaire plonge les deux frères dans une angoisse croissante.

Pour Jean-Claude, l’avenir s’annonce incertain et douloureux. « J’ai plein de fleurs à planter, mais où vais-je les mettre si je dois partir ? », s’interroge-t-il, illustrant par cette simple question toute la détresse d’un homme arraché à sa terre. Antoine Rechagneux résume avec justesse : « La dignité n’est pas de vivre dans un logement décent. C’est de vivre là où l’on a envie d’être ». Une vérité qui résonne comme un plaidoyer pour le droit de Jean-Claude à finir ses jours dans le seul endroit qu’il ait jamais appelé « maison ».