
Une Proposition Inédite Pour Désengorger Les Prisons
La question de la surpopulation carcérale demeure l’un des défis majeurs du système pénitentiaire français. Dans ce contexte, une nouvelle proposition suscite l’attention et interroge. Le 30 juin 2025, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a évoqué sur le plateau de RTL une solution pour le moins originale : la transformation d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) fermés en prisons.
« Tout ce qui pourra permettre de réquisitionner ou faire des travaux pour des places de prison, je le ferai », a-t-il affirmé, soulignant ainsi sa détermination à multiplier les capacités d’accueil pour les détenus. Cette initiative vise à répondre à l’urgence d’un manque de places dans les établissements pénitentiaires, qui conduit à une surpopulation chronique dans de nombreuses prisons françaises.
Le ministre de la Justice a précisé qu’il était actuellement « en train de regarder en ce moment des Ehpad qui sont fermés, que je pourrais modifier pour pouvoir très rapidement y mettre des détenus ». Ce projet s’inscrit dans une logique pragmatique, cherchant à mobiliser des infrastructures existantes plutôt qu’à se limiter à la construction de nouvelles prisons, souvent longues et coûteuses à réaliser.
Cette proposition s’inscrit dans un débat plus large sur les moyens à mettre en œuvre pour désengorger les prisons, qui souffrent d’un taux d’occupation dépassant régulièrement leur capacité officielle. Elle soulève néanmoins des questions quant à l’adéquation des lieux et aux conditions d’accueil qui seront offertes aux détenus, ainsi qu’aux implications juridiques et humaines d’un tel transfert.
En dépit de ces interrogations, cette idée témoigne d’une volonté politique claire de trouver des solutions innovantes face à un problème persistant. Elle illustre également une évolution dans la gestion des infrastructures pénitentiaires, où la réaffectation de bâtiments inutilisés pourrait devenir un levier important.
Cette réflexion ouvre la voie à une analyse plus approfondie des conditions actuelles de détention et des réformes envisagées pour mieux organiser le parc carcéral français.

La Nécessité D’une Catégorisation Des Détenus
La proposition de transformer des Ehpad fermés en prisons s’inscrit dans une réflexion plus large sur la gestion des populations carcérales. Gérald Darmanin dénonce en effet la pratique française actuelle qui consiste à regrouper, sans distinction, des détenus aux profils très différents au sein des mêmes établissements.
« Nous sommes les seuls à faire ça », affirme-t-il, soulignant l’originalité — et selon lui, l’inefficacité — du système français. Contrairement à d’autres pays européens, la France ne segmente pas suffisamment les détenus en fonction de leur dangerosité ou de la nature de leurs infractions. Cette situation contribue à une dynamique délétère, où terroristes, narcotrafiquants et auteurs d’infractions moins graves partagent les mêmes espaces de détention.
Cette absence de catégorisation a des conséquences directes sur la sécurité, la gestion des établissements et la réinsertion des détenus. Elle aggrave également la surpopulation carcérale en empêchant une organisation adaptée des lieux, qui pourrait optimiser l’usage des places disponibles selon les profils des détenus. Le ministre de la Justice évoque ainsi un projet de différenciation claire, visant à créer des prisons « à taille humaine » pour les détenus ne présentant pas de dangerosité significative pour l’extérieur.
Par ailleurs, cette segmentation se veut une réponse aux critiques formulées par des acteurs institutionnels et associatifs à propos des conditions de détention. Elle pourrait permettre de mieux cibler les mesures de réhabilitation et de sécurisation, tout en réduisant les tensions internes aux établissements.
En ce sens, la réforme envisagée s’appuie sur une double logique : limiter les risques liés à la promiscuité entre profils hétérogènes et améliorer la gestion des flux de détenus. Cela suppose cependant une refonte profonde des pratiques pénitentiaires ainsi qu’une adaptation des infrastructures, ce qui explique en partie l’intérêt porté aux solutions innovantes telles que la reconversion d’Ehpad.
La question reste néanmoins ouverte sur la manière dont cette catégorisation sera mise en œuvre concrètement, notamment face aux contraintes juridiques et à la nécessité de respecter les droits fondamentaux des détenus. Le débat sur cette organisation interne aux prisons illustre les défis auxquels fait face le système pénitentiaire français, confronté à la fois à la surpopulation et à la complexité des profils à gérer.
Cette évolution envisagée dans le traitement des détenus s’accompagne d’autres pistes, notamment sur le plan international, qui pourraient compléter la stratégie nationale de désengorgement.

Des Solutions Complémentaires À L’International
Poursuivant cette volonté de désengorgement, les autorités françaises explorent également des options au-delà des frontières nationales. L’idée de louer des places de prison à l’étranger, évoquée par Emmanuel Macron, trouve un écho concret dans les déclarations récentes de Gérald Darmanin. Le ministre de la Justice a confirmé que plusieurs propositions ont été adressées à des pays voisins, notamment l’Espagne, afin d’« louer quelques centaines voire milliers de places de prison à la frontière ».
Cette démarche s’inscrit dans un contexte européen où la surpopulation carcérale varie fortement d’un pays à l’autre. Tandis que la France fait face à un déficit chronique de places, certains États, comme l’Allemagne, disposent d’une capacité d’accueil plus importante et moins saturée. C’est pourquoi les prisons allemandes figurent parmi les options envisagées par le ministère pour accueillir des détenus français, dans un cadre qui reste à définir juridiquement et administrativement.
Au-delà des frontières, cette stratégie soulève des questions pratiques et éthiques, notamment en matière de rapprochement familial et de respect des droits fondamentaux des détenus. Le ministre a d’ailleurs souligné la nécessité de lever certains obstacles juridiques, notamment européens, avant de pouvoir généraliser ce type de solution.
Parallèlement, la France mise sur la construction de nouvelles prisons modulaires, plus rapides et économiques à ériger. Le projet de prison modulaire de 80 places à Troyes, prévue pour octobre 2026, illustre cette approche pragmatique. Avec un coût estimé à 200 000 euros par place, cette construction revient à moitié moins cher que les standards habituels, souvent proches de 400 000 euros par place. Cette réduction des coûts pourrait accélérer le développement du parc pénitentiaire tout en répondant aux besoins spécifiques de certains profils de détenus.
Cette combinaison d’initiatives – externalisation partielle des places de prison et création d’infrastructures modulaires – témoigne d’une volonté d’adapter la réponse pénale aux contraintes actuelles. Elle traduit également une prise de conscience des limites du modèle traditionnel, qui peine à absorber la pression démographique et à garantir des conditions de détention conformes aux exigences légales.
Ainsi, la politique pénitentiaire française s’oriente vers une diversification des solutions, mêlant innovations nationales et recours à des partenaires internationaux, dans l’espoir de mieux gérer les flux et d’améliorer la qualité de vie carcérale. Cette dynamique s’accompagne d’un effort pour moderniser et spécialiser les établissements, répondant à la fois aux impératifs sécuritaires et aux attentes sociétales.

Vers Un Développement D’Infrastructures Spécialisées
Dans la continuité des solutions envisagées pour désengorger les prisons, le ministère de la Justice met également l’accent sur la modernisation et la spécialisation des établissements pénitentiaires. Cette démarche se concrétise par plusieurs projets d’ouverture imminente ou programmée, qui illustrent une volonté de mieux adapter les structures aux profils des détenus tout en maîtrisant les coûts.
Ainsi, une prison de haute sécurité destinée aux narcotrafiquants doit être inaugurée le 31 juillet 2025 à Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais. Ce nouvel établissement vise à isoler les détenus présentant une dangerosité élevée, conformément à la politique de catégorisation avancée par Gérald Darmanin. En séparant ces profils spécifiques, le ministère espère améliorer la gestion sécuritaire tout en réduisant les tensions au sein des autres prisons.
Par ailleurs, le projet de prison modulaire à Troyes, avec ses 80 places prévues pour octobre 2026, illustre une autre facette de cette modernisation. Construite hors site, cette structure se distingue par son coût nettement inférieur à la moyenne : environ 200 000 euros par place, contre 400 000 euros habituellement. Ce modèle modulaire, plus économique et rapide à mettre en œuvre, pourrait devenir un outil précieux pour répondre aux besoins immédiats tout en limitant la dépense publique.
Cette double approche – établissements spécialisés pour les détenus à haute dangerosité et infrastructures modulaires pour les profils moins risqués – marque un tournant dans la gestion du parc carcéral. Elle traduit une volonté de concilier efficacité, sécurité et rationalisation budgétaire. En ciblant précisément les différentes catégories de détenus, les autorités espèrent aussi améliorer les conditions de détention et favoriser une meilleure réinsertion.
Cependant, ces projets restent soumis à plusieurs défis, notamment la coordination avec les normes européennes et la prise en compte des enjeux liés au rapprochement familial. La question du respect des droits des détenus reste au cœur des arbitrages, tout comme la nécessité d’assurer une cohérence globale dans la politique pénitentiaire.
Au-delà des inaugurations et constructions, ces initiatives témoignent d’une évolution plus large vers une politique pénitentiaire agile, capable d’intégrer des solutions innovantes tout en répondant aux impératifs sécuritaires et sociaux. Elles posent les bases d’un cadre renouvelé, dans lequel la diversification des infrastructures joue un rôle central pour maîtriser durablement la surpopulation carcérale.