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Priscilla Dray hospitalisée pour une IVG : Ils ont massacré une vie…

Julie K.
5 Min de lecture

Une intervention médicale de routine devenue cauchemar. En 2011 au CHU de Bordeaux, Priscilla Dray subit une IVG qui bascule en drame sanitaire. Quatorze ans plus tard, deux médecins écopent d’une condamnation historique. Ce que révèle l’enquête sur une cascade d’erreurs aux conséquences irréversibles – et pourquoi la victime parle aujourd’hui de « massacre ».

Une condamnation historique pour faute médicale

Le tribunal correctionnel frappe fort ce 17 avril 2025. Les docteurs Martial Dekhili et François Vandenbossche écopent respectivement de neuf et six mois de prison avec sursis, accompagnés d’une amende de 8 000 € chacun. La justice les reconnaît coupables de « blessures involontaires » après quatorze années de procédure.

Ce verdict marque un tournant dans les dossiers médicaux complexes. Les deux praticiens du CHU de Bordeaux comparaissaient depuis le 17 février pour leur gestion catastrophique du suivi post-opératoire de Priscilla Dray. Le tribunal souligne notamment « une faute qualifiée » dans la décision de renvoyer la patiente chez elle malgré une fièvre à 40°C.

« Il y a eu des condamnations lourdes, mais je trouve que ce n’est pas grand-chose », réagit amèrement Priscilla Dray. La quadragénaire dénonce un paradoxe glaçant : les médecins condamnés conservent leur droit d’exercer, malgré les conséquences irréversibles de leurs actes.

De l’IVG au drame sanitaire : l’engrenage infernal

Juillet 2011. Priscilla Dray, 36 ans et mère de trois enfants, se présente au CHU de Bordeaux pour une IVG sans complications. L’intervention se déroule normalement, mais le cauchemar débute quelques heures plus tard. La nuit suivant l’opération, sa température grimpe à 40°C. Malgré une visite aux urgences, aucun antibiotique ne lui est administré.

L’état de la patiente s’effondre en quelques jours. Placée en coma artificiel, elle affronte une infection foudroyante au streptocoque pyogène de type A, surnommé « bactérie mangeuse de chair ». « Mon corps était plein de trous. Elle rongeait les graisses et les tissus », décrit-elle avec une précision glaçante. Les médecins n’ont d’autre choix que d’amputer ses quatre membres pour stopper la progression de la nécrose.

Cette succession de drames médicaux transforme une procédure courante en parcours de survie extrême. En moins d’une semaine, Priscilla Dray bascule de la vie ordinaire d’une jeune mère à un combat contre la mort, marqué par des choix chirurgicaux radicaux.

Des erreurs en chaîne passées au crible

Le tribunal identifie deux niveaux de responsabilités dans cette affaire. Le Dr Martial Dekhili commet « une faute qualifiée » en juillet 2011 en autorisant le retour à domicile de Priscilla Dray malgré une fièvre à 40°C. Une décision jugée incompatible avec les protocoles médicaux pour un état post-opératoire.

Son confrère François Vandenbossche fait l’objet d’un double reproche. Le médecin n’aurait ni assuré la surveillance nocturne, ni encadré correctement l’interne de garde. Pire : il aurait négligé de vérifier la disponibilité d’un anesthésiste, retardant d’autant la prise en charge d’urgence.

Ces manquements individuels s’inscrivent dans un contexte global de défaillances. L’absence d’antibiotiques administrés aux urgences et le défaut de monitoring intensif créent une cascade d’erreurs. Le jugement souligne que chaque négligence a « préparé le terrain » pour la catastrophe sanitaire.

Vivre après l’irréparable : un corps et une vie reconstruits

92 interventions chirurgicales en quatorze ans : le chiffre résume l’ampleur du calvaire physique. Priscilla Dray subit amputations, greffes cutanées et interventions de reconstruction jusqu’en 2025. Sa rééducation aux États-Unis, non détaillée dans le dossier médical français, devient une lueur d’espoir dans ce parcours de survivante.

La mère de famille doit réapprendre chaque geste du quotidien. « Ils ont massacré une vie », lance-t-elle aujourd’hui encore, évoquant autant son corps meurtri que l’équilibre familial brisé. Ses trois enfants grandissent avec une mère transformée par quatre prothèses et des séquelles indélébiles.

Malgré les condamnations, la quadragénaire garde un goût amer. « Ils peuvent continuer à exercer et recommencer », déplore-t-elle. Un verdict qui sonne comme une victoire incomplète pour celle dont l’existence reste marquée par des opérations à répétition et le souvenir de la « bactérie mangeuse de chair ».