Ralentisseurs illégaux : cette ville forcée de ‘démolir’ le sien, un précédent qui pourrait tout changer

Quentin M.
7 Min de lecture

Les ralentisseurs, ces petites bosses sur nos routes censées nous faire lever le pied, sont au cœur d’une polémique grandissante. Alors que la France en compte plus de 450 000, bon nombre d’entre eux seraient en réalité illégaux. Une situation qui irrite les automobilistes et qui pourrait bientôt connaître un tournant majeur.

En effet, une récente décision de justice dans le Var vient de créer un précédent qui pourrait bien faire trembler les municipalités de l’Hexagone. La ville de Vinon-sur-Verdon a été contrainte de démolir l’un de ses ralentisseurs, jugé non conforme à la réglementation. Cette décision pourrait ouvrir la voie à une vague de contestations et de démolitions à travers le pays, remettant en question des années de politique de sécurité routière.

Quand les dos d’âne deviennent hors-la-loi

Le problème des ralentisseurs illégaux n’est pas nouveau, mais son ampleur est désormais mise en lumière. Selon Thierry Modolo, président de l’association Pour Une Mobilité Sûre et Durable, la grande majorité des installations ne serait pas conforme aux cahiers des charges. Les directives sont pourtant claires : un ralentisseur doit être présent sur une route limitée à 30 km/h, signalé par un panneau, et implanté sur une voie voyant passer plus de 3 000 véhicules par jour.

Mais les municipalités semblent avoir pris quelques libertés avec ces règles. Le magazine Auto Plus rapporte que les autorités auraient la mauvaise habitude de jouer sur les différentes appellations pour contourner les exigences du décret. Cette situation a conduit à une prolifération de dispositifs non conformes, source d’inconfort pour les usagers de la route et potentiellement dangereux.

Vinon-sur-Verdon : le cas qui pourrait tout changer

C’est dans ce contexte que le cas de Vinon-sur-Verdon prend toute son importance. Les habitants de cette commune varoise ne supportaient plus le bruit généré par un ralentisseur. Après vérification, il s’est avéré que la voie en question voyait passer moins de 3 000 véhicules par jour, contrevenant ainsi à l’une des conditions d’installation. Le 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulon a tranché : les autorités doivent démolir ce dos d’âne illégal.

Cette décision, bien qu’isolée pour le moment, pourrait avoir des répercussions considérables. Elle ouvre la porte à de potentielles contestations dans d’autres villes, où des citoyens pourraient s’appuyer sur ce précédent pour demander la suppression de ralentisseurs jugés non conformes ou gênants.

Qu’est-ce que le Cerema ?
Le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) est un établissement public qui accompagne l’État et les collectivités territoriales dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques d’aménagement et de transport. Il est notamment l’auteur du guide des coussins et plateaux, référence en matière d’installation de ralentisseurs.

Un effet domino en perspective ?

Les implications de cette décision pourraient être considérables pour les municipalités françaises. Non seulement elles risquent de devoir revoir leurs installations existantes, mais elles s’exposent également à des risques juridiques et financiers. La démolition de ralentisseurs illégaux pourrait en effet engendrer des coûts importants, sans parler des potentielles poursuites judiciaires de la part de citoyens mécontents.

Cette situation place les autorités locales face à un dilemme : comment concilier sécurité routière et respect de la légalité ? La suppression massive de ralentisseurs, bien que potentiellement nécessaire d’un point de vue légal, pourrait en effet soulever des inquiétudes quant à la sécurité des usagers de la route, notamment dans les zones sensibles comme les abords des écoles.

Vers de nouvelles solutions pour ralentir la circulation

Face à cette problématique, la recherche d’alternatives aux ralentisseurs traditionnels devient cruciale. Heureusement, la France ne manque pas d’options innovantes en matière de dispositifs de ralentissement. Les radars pédagogiques, qui affichent la vitesse des véhicules en temps réel, constituent une piste intéressante. De même, la mise en place de voies plus étroites ou ponctuées de chicanes peut s’avérer efficace pour faire lever le pied aux conducteurs pressés.

L’aménagement urbain offre également des solutions alternatives. La création de zones partagées entre piétons et véhicules, ou l’installation de mobilier urbain stratégiquement placé, peut naturellement inciter les automobilistes à réduire leur vitesse. Enfin, les nouvelles technologies apportent leur lot d’innovations, avec par exemple des plots routiers solaires qui s’illuminent au passage des véhicules, alertant ainsi les conducteurs de la présence de zones à risque.

Le coussin berlinois, une alternative légale ?
Le coussin berlinois est un dispositif de ralentissement qui se présente sous la forme d’un plateau surélevé ne couvrant qu’une partie de la chaussée. Il permet de ralentir les voitures tout en laissant passer les véhicules à plus grand empattement (bus, camions) sans gêne. Contrairement aux ralentisseurs traditionnels, les coussins berlinois ne sont pas soumis à la même réglementation stricte, ce qui en fait une alternative intéressante pour les municipalités.

Alors que la décision du tribunal administratif de Toulon fait figure de précédent, l’avenir des ralentisseurs en France semble plus incertain que jamais. Entre sécurité routière et respect de la loi, les municipalités vont devoir faire preuve d’imagination et d’innovation pour trouver le juste équilibre. Une chose est sûre : la route vers des dispositifs de ralentissement légaux et efficaces promet d’être longue et sinueuse.