Une affaire judiciaire qui secoue l’Éducation nationale. Alors que la relaxe d’une enseignante dans le suicide d’Evaëlle, 11 ans, provoque l’incompréhension des parents, la version de la professeure perce enfin au grand jour. Entre exercice pédagogique controversé et larmes d’élève, comment une séquence sur le harcèlement scolaire a-t-elle pu mener au drame ? L’analyse des débats révèle un choc frontal entre deux visions de la responsabilité éducative.
Le verdict qui divise : relaxe malgré les réquisitions sévères
Le tribunal correctionnel de Pontoise rend son verdict ce 10 avril : Pascale B., enseignante de 62 ans, est relaxée des accusations de harcèlement moral ayant conduit au suicide d’Evaëlle. La présidente du tribunal motive cette décision par des éléments à charge jugés « discordants, indirects, peu circonstanciés », invoquant l’exercice légitime de l’autorité enseignante.
Ce verdict clément contraste pourtant avec les réquisitions du parquet. En mars, la procureure réclamait 18 mois de prison avec sursis et une interdiction définitive d’enseigner, dénonçant une professeure ayant jeté l’adolescente « en pâture au collectif ». La justice tranche en soulignant que « le harcèlement involontaire n’existant pas », aucune condamnation ne peut être prononcée.
La décision s’appuie sur un raisonnement juridique strict : « Elle n’a pas cherché volontairement une dégradation des conditions de vie d’Évaelle », conclut la magistrate. Un argument qui laisse perplexe la famille, alors que s’ouvre déjà le volet civil de l’affaire.
« Je n’ai pas humilié Evaëlle » : la plaidoirie choc de l’enseignante
Pascale B. oppose une défense frontale aux accusations pendant le procès. « Ce qui me blesse, c’est qu’on me dise que je suis responsable de la mort d’Evaëlle », lance-t-elle à la barre, martelant à plusieurs reprises son credo : « Je n’ai pas humilié Evaëlle ». Une position constante depuis le début de l’affaire.
L’analyse des pratiques professionnelles de l’enseignante révèle des contradictions. Ses collègues décrivent tantôt une collègue « autoritaire et cassante », tantôt une pédagogue « bienveillante et aidante ». Ce double regard complique l’établissement d’un profil clair.
Face aux critiques sur l’exercice litigieux, Pascale B. maintient ses explications. « Ce n’était pas dans le but de la mettre en difficulté », insiste-t-elle en évoquant la séance où Evaëlle dut répondre aux reproches de ses camarades. Une méthode présentée comme une tentative de résolution collective, mais dont les conséquences dépasseront toutes les attentes.
L’enquête révèle le jour qui a tout basculé
Tout se joue lors d’une séance pédagogique dédiée à la lutte contre le harcèlement scolaire. En 2019, Pascale B. demande à ses élèves d’exprimer leurs griefs envers Evaëlle, contrainte de répondre publiquement aux critiques. Un exercice qui vire au cauchemar lorsque la collégienne éclate en sanglots, selon les témoignages des élèves.
Face à cette détresse, l’enseignante aurait perdu patience. « Elle s’est énervée et lui a intimé de répondre aux questions », rapportent les élèves. Une scène dont Evaëlle confiera à sa mère qu’il s’agissait de « la pire journée de toute ma vie ».
Le changement d’établissement qui suit n’apporte qu’un répit éphémère. Malgré une amélioration initiale, l’adolescente affronte de nouvelles difficultés avec un camarade. Un enchaînement fatal que son père analyse avec amertume : « Elle n’a pas eu le temps de travailler le harcèlement subi » dans son ancien collège.
Le combat inachevé des parents : entre deuil et appel civil
La relaxe de Pascale B. ne marque pas la fin du combat judiciaire pour les parents d’Evaëlle. Leur avocate annonce immédiatement un recours sur le volet civil, refusant de laisser le verdict pénal clore le dossier. Une détermination nourrie par l’échec du changement d’établissement à protéger leur fille.
Malgré un départ prometteur dans son nouveau collège, Evaëlle se heurte à de nouvelles difficultés avec un camarade. Son père décrypte amèrement cette spirale : « Elle n’a pas eu le temps de travailler le harcèlement subi » dans l’ancienne école. Un constat qui résonne avec le dernier mot du procès, jeté comme une épitaphe : « Elle n’a trouvé qu’une solution pour s’échapper ».
L’appel civil devient l’ultime recours pour obtenir reconnaissance des faits, alors que s’effiloche l’espoir de voir la justice scolaire réformée. Les parents maintiennent leur quête de vérité, entre mémoire d’une enfant disparue et exigence de responsabilités.