Une figure controversée se profile au Vatican. Robert Sarah, cardinal guinéen de 79 ans, émerge comme le champion inattendu des catholiques traditionalistes pour succéder au pape François. Aux antipodes de la vision progressiste portée par le pontife argentin, cet ultra-conservateur nommé cardinal par Benoît XVI s’est illustré par des positions radicales sur l’homosexualité, l’immigration et l’avortement. Que révèle cette candidature sur les profondes divisions qui traversent aujourd’hui l’Église catholique?
Robert Sarah : une figure emblématique du courant ultra-conservateur
Au sein de l’Église catholique, le cardinal Robert Sarah s’est imposé comme une figure centrale et un porte-étendard du courant le plus traditionaliste. À 79 ans, cet évêque guinéen incarne une vision du catholicisme qui contraste fortement avec celle portée par le pape François. Nommé cardinal en 2010 par Benoît XVI, dont il se revendique admirateur, Robert Sarah a su acquérir une influence notable au cours de la dernière décennie. Son parcours l’a mené aux plus hautes sphères du Vatican.
De 2014 à 2021, le cardinal Sarah a occupé un poste stratégique au sein de la curie romaine : il fut préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. En d’autres termes, il agissait comme l’un des « ministres » directs du pape, chargé de veiller à la protection de la liturgie et des sacrements de l’Église. Cette fonction lui a conféré une plateforme importante pour défendre ses positions, souvent perçues comme aux antipodes de la ligne plus ouverte et réformatrice du pontificat actuel. Mais cette position de premier plan ne fut pas exempte de turbulences, le menant à affronter des controverses qui allaient marquer sa carrière.
Polémiques et prises de position : entre fidélité à la tradition et contestation
Au-delà de ses fonctions officielles, la carrière du cardinal Robert Sarah a été marquée par plusieurs polémiques qui ont mis en lumière ses positions traditionalistes et, parfois, son opposition implicite à la ligne pontificale. L’une des plus notables survient en 2020, avec la publication d’un livre combattant l’idée d’ordonner des diacres mariés en Amazonie. L’ouvrage prend une dimension controversée lorsqu’il est présenté comme coécrit avec le pape émérite Benoît XVI. Face au scandale naissant, Benoît XVI demande le retrait de son nom et de sa signature de certains passages, créant un malaise. Peu après, le cardinal Sarah démissionne de son poste de préfet. Interrogé sur cet événement, il déclare simplement : « Je suis entre les mains de Dieu ».
Ces controverses spécifiques s’inscrivent dans un ensemble plus large de prises de position très traditionnelles sur de nombreux sujets de société, souvent en décalage avec les évolutions ou les ouvertures promues par le pape François. Le cardinal Sarah a ainsi qualifié la décision d’autoriser la bénédiction des personnes homosexuelles d’ « une hérésie ». Ses critiques s’étendent à l’avortement et au rapport à l’islam, adoptant parfois un ton très ferme. Lors d’un synode en 2015, il avait formulé une comparaison marquante : « Ce que le nazisme et le communisme étaient au XXe siècle, l’homosexualité occidentale, les idéologies abortives et le fanatisme islamique le sont aujourd’hui ». Il a également dénoncé à plusieurs reprises l’arrivée de migrants en Europe, s’opposant là encore à la position du souverain pontife. Ces déclarations publiques, souvent relayées, contribuent à forger son image de figure de proue d’un catholicisme intransigeant, ce qui lui attire des soutiens fervents.
Soutiens et relais : l’ancrage d’un candidat dans la sphère conservatrice
Le profil traditionaliste et les prises de position tranchées du cardinal Robert Sarah lui valent un soutien marqué au sein de certaines sphères, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église catholique. Cité comme un « papabile » par la presse italienne, c’est-à-dire un cardinal potentiellement éligible à la papauté, il est clairement identifié comme le favori d’une frange conservatrice, voire d’extrême-droite, qui voit en lui l’homme capable de restaurer une certaine orthodoxie face aux évolutions actuelles.
Ces appuis se manifestent de diverses manières et dans plusieurs pays. En France, l’ancien député du Rassemblement National, Gilbert Collard, a publiquement exprimé son souhait de voir Robert Sarah accéder au Saint-Siège. Outre-Atlantique, dans la sphère d’influence trumpiste, plusieurs personnalités publiques lui apportent également leur soutien. À l’intérieur même de l’Église, le cardinal guinéen n’est pas isolé. Il compte des fidèles parmi ses pairs. En 2023, quatre autres cardinaux ont cosigné avec lui une tribune demandant au pape François de clarifier la position du Saint-Siège sur plusieurs sujets. Plusieurs de ses confrères ont également exprimé leur appréciation à son égard en vue du conclave à venir. Ce réseau de soutiens, bien que minoritaire, confère à Robert Sarah une visibilité et une légitimité auprès de ceux qui aspirent à un retour à des pratiques et des doctrines plus traditionnelles, un positionnement qui contraste fortement avec la vision du pape François.
Un profil en rupture avec les orientations du pape François
Le cardinal Robert Sarah incarne une vision de l’Église catholique résolument différente, voire diamétralement opposée, à celle promue par le pape François depuis son élection en 2013. Cette divergence idéologique profonde constitue l’un des éléments centraux de son positionnement et explique en grande partie le soutien qu’il reçoit des milieux traditionalistes. Tandis que le pontife argentin a initié une dynamique perçue comme plus ouverte et réformatrice, abordant des sujets de société avec une approche pastorale renouvelée, le cardinal guinéen défend avec ferveur une stricte orthodoxie doctrinale et liturgique, refusant toute adaptation qu’il jugerait contraire à la tradition séculaire.
Cette volonté de préserver l’héritage catholique dans sa forme la plus traditionnelle se manifeste notamment dans son attachement à la liturgie. Ancien préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, il a toujours mis l’accent sur la nécessité de protéger les rituels. Ses critiques portent ainsi sur l’adaptation des pratiques religieuses à certaines coutumes locales, notamment en Afrique et en Asie, y voyant un risque de dilution de la foi. Lors d’une messe célébrée en partie en latin à Dakar en décembre 2023, il a clairement exprimé ses préoccupations face aux évolutions qu’il observe. Il a alors déploré : « Nous assistons aujourd’hui, surtout en Occident, à un démantèlement des valeurs de la foi et de la piété… et à une destruction des formes de la messe ». Ce discours illustre parfaitement le fossé qui sépare sa vision conservatrice des orientations plus progressistes du pape François et soulève la question de l’avenir de l’Église face à ces courants contraires.