Un théâtre derrière les barreaux fait grincer les syndicats
À Marseille, le projet de théâtre carcéral des Beaumettes, lancé en 2019 pour favoriser la réinsertion professionnelle des détenus, crispe le personnel pénitentiaire. Alors que la prison compte 1 120 détenus pour 173 cellules, les syndicats dénoncent un « n’importe quoi », jugeant les priorités inversées entre initiatives culturelles et urgences structurelles. Entre espoirs éducatifs et réalité du terrain, le débat enfle.
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Un projet culturel en plein chaos carcéral
Le théâtre des Beaumettes, imaginé en 2019 par l’ex-garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, devait incarner un outil novateur de réinsertion professionnelle. Objectif officiel : former les détenus aux métiers techniques du spectacle grâce à un plateau équipé. Mais cinq ans plus tard, le projet se heurte à une réalité implacable. La prison marseillaise, conçue pour 600 personnes, en entasse aujourd’hui 1 120, avec seulement 173 cellules opérationnelles. « C’est n’importe quoi », tonne Catherine Forzi, représentante FO, résumant l’exaspération du personnel face à cette initiative perçue comme un « coup de com’ politique ».
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Pendant que l’administration vante une « révolution éducative », les syndicats pointent l’urgence des priorités : 4,3 hectares alloués au théâtre, contre des cellules insalubres et des effectifs en sous-effectif chronique. Malgré les assurances du ministère (« aucune place supprimée »), les agents dénoncent un décalage criant entre les discours et le quotidien des détenus, parfois contraints de dormir à même le sol.
Syndicats en colère : « Priorité aux urgences, pas au spectacle ! »
Florence Mendez (FO) et Marc Berkane (syndicat des surveillants) fustigent un « détournement de ressources » inacceptable. « L’argent du théâtre aurait dû servir à recruter 50 agents supplémentaires », clame Berkane, évoquant des équipes « à bout de souffle » face à la surpopulation. Les syndicats brandissent un paradoxe : 13 millions d’euros injectés dans le projet culturel, contre des cellules sans chauffage l’hiver et des toilettes hors service.
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La colère monte aussi sur les conditions de travail. « Nos collègues font des gardes de 12 heures, sans équipements de sécurité. Et on nous parle de former des détenus à l’éclairage scénique ? », s’indigne Mendez. Les syndicalistes dénoncent une « logique de communication » du ministère, tandis que des détenus dorment à tour de rôle dans des matelas au sol, faute de lits suffisants.
L’administration défend le projet : « Une révolution éducative »
Le ministère de la Justice martèle que le théâtre des Beaumettes va « former des techniciens son, des régisseurs, pas des acteurs », via des partenariats avec des institutions culturelles marseillaises. « Ce plateau technique permettra aux détenus d’obtenir des certifications reconnues », insiste un porte-parole, évoquant des contrats en insertion déjà signés avec des entreprises du spectacle. L’ex-garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti reste cité en exemple : « Son idée précurseur va changer des vies ».
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Face aux critiques sur la surpopulation, l’administration rétorque que « le projet n’enlève aucune cellule » et que les 4,3 hectares utilisés étaient inexploités. « Les ateliers de menuiserie ou de couture existent déjà, le théâtre est un outil complémentaire », argue-t-on Place Vendôme. Pourtant, aucun chiffre concret sur les embauches post-formation n’est fourni, alimentant les doutes des syndicats.