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C’est n’importe quoi… : Le théâtre à la prison des Beaumettes fait exploser les syndicats, « 1 120 détenus pour 173 cellules ! »

Julie K.
7 Min de lecture

Un théâtre derrière les barreaux fait grincer les syndicats
À Marseille, le projet de théâtre carcéral des Beaumettes, lancé en 2019 pour favoriser la réinsertion professionnelle des détenus, crispe le personnel pénitentiaire. Alors que la prison compte 1 120 détenus pour 173 cellules, les syndicats dénoncent un « n’importe quoi », jugeant les priorités inversées entre initiatives culturelles et urgences structurelles. Entre espoirs éducatifs et réalité du terrain, le débat enfle.

Un projet culturel en plein chaos carcéral

Le théâtre des Beaumettes, imaginé en 2019 par l’ex-garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, devait incarner un outil novateur de réinsertion professionnelle. Objectif officiel : former les détenus aux métiers techniques du spectacle grâce à un plateau équipé. Mais cinq ans plus tard, le projet se heurte à une réalité implacable. La prison marseillaise, conçue pour 600 personnes, en entasse aujourd’hui 1 120, avec seulement 173 cellules opérationnelles. « C’est n’importe quoi », tonne Catherine Forzi, représentante FO, résumant l’exaspération du personnel face à cette initiative perçue comme un « coup de com’ politique ».

Pendant que l’administration vante une « révolution éducative », les syndicats pointent l’urgence des priorités : 4,3 hectares alloués au théâtre, contre des cellules insalubres et des effectifs en sous-effectif chronique. Malgré les assurances du ministère (« aucune place supprimée »), les agents dénoncent un décalage criant entre les discours et le quotidien des détenus, parfois contraints de dormir à même le sol.

Syndicats en colère : « Priorité aux urgences, pas au spectacle ! »

Florence Mendez (FO) et Marc Berkane (syndicat des surveillants) fustigent un « détournement de ressources » inacceptable. « L’argent du théâtre aurait dû servir à recruter 50 agents supplémentaires », clame Berkane, évoquant des équipes « à bout de souffle » face à la surpopulation. Les syndicats brandissent un paradoxe : 13 millions d’euros injectés dans le projet culturel, contre des cellules sans chauffage l’hiver et des toilettes hors service.

La colère monte aussi sur les conditions de travail. « Nos collègues font des gardes de 12 heures, sans équipements de sécurité. Et on nous parle de former des détenus à l’éclairage scénique ? », s’indigne Mendez. Les syndicalistes dénoncent une « logique de communication » du ministère, tandis que des détenus dorment à tour de rôle dans des matelas au sol, faute de lits suffisants.

L’administration défend le projet : « Une révolution éducative »

Le ministère de la Justice martèle que le théâtre des Beaumettes va « former des techniciens son, des régisseurs, pas des acteurs », via des partenariats avec des institutions culturelles marseillaises. « Ce plateau technique permettra aux détenus d’obtenir des certifications reconnues », insiste un porte-parole, évoquant des contrats en insertion déjà signés avec des entreprises du spectacle. L’ex-garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti reste cité en exemple : « Son idée précurseur va changer des vies ».

Face aux critiques sur la surpopulation, l’administration rétorque que « le projet n’enlève aucune cellule » et que les 4,3 hectares utilisés étaient inexploités. « Les ateliers de menuiserie ou de couture existent déjà, le théâtre est un outil complémentaire », argue-t-on Place Vendôme. Pourtant, aucun chiffre concret sur les embauches post-formation n’est fourni, alimentant les doutes des syndicats.