Christian, 59 ans, infirmier pendant quatre décennies à l’AP-HP, lève le voile sur une réalité qui interpelle : sa pension de retraite s’élève à 2 000 € brut, mais il perd 650 € mensuels par rapport à son dernier salaire. Ce témoignage poignant illustre les défis financiers des soignants après une carrière marquée par la réforme des retraites de 2011 et un retour surprise pendant la pandémie. Derrière les chiffres se cachent des choix cruciaux, des sacrifices et une pénibilité du métier encore trop peu reconnue.
Une vocation précoce : 40 ans de carrière à l’AP-HP
Christian découvre le virus de l’hôpital public dès l’été 1977, à 17 ans, en nettoyant les plats dans les cuisines d’un établissement où travaille sa mère. Ce job étudiant marque le début d’une ascension atypique : plongeur, agent en salle, aide-soignant, puis infirmier diplômé après quatre concours successifs. Pendant 41 ans, il gravit tous les échelons au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, cumulant « les gardes de nuit et les dimanches travaillés ».
Le tournant arrive en 2011 avec la réforme du statut des infirmiers hospitaliers. Face au choix entre rester en catégorie B (active) pour une retraite anticipée ou basculer en catégorie A pour un meilleur salaire, Christian opte pour la première option : « Je voulais garder la possibilité de partir plus tôt. La pénibilité, elle, n’a pas disparu avec les nouveaux statuts ». Un calcul stratégique qui conditionnera toute sa fin de carrière.
Le dilemme des catégories A/B : un choix lourd de conséquences
La réforme de 2011 instaure un piège mathématique pour les infirmiers : la catégorie B (métier « actif ») permet un départ anticipé avec pension réduite, tandis que la catégorie A offre un meilleur salaire… mais repousse l’âge de la retraite. Christian refuse le mirage d’une rémunération plus attractive : « Rester en catégorie B était vital pour préserver ma santé. Nos nuits et nos week-ends travaillés, ça use », explique-t-il, dénonçant une pénibilité toujours invisible dans les calculs des pensions.
Ce choix se paie cash. Son dernier salaire indiciaire s’élève à 2 700 € brut, mais les primes (dont la prime Veil de 90 €) sont « mangées par les charges sociales », réduisant son net à 2 500 €. Résultat : sa retraite ne représente que 75 % de ce montant, mécanisme implacable de la fonction publique hospitalière. « On nous demande de choisir entre notre présent et notre avenir », résume l’ancien soignant.
2 000 € brut vs 650 € perdus : l’équation impossible
Le salaire indiciaire de Christian atteint 2 700 € brut en fin de carrière, mais son calcul de retraite n’en retient que 75 %, soit 2 025 €. Avec la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), il perçoit finalement 2 030 € brut. Un montant qui masque une réalité cruelle : « Je perds l’équivalent d’un treizième mois chaque année », confie-t-il, évoquant ses 650 € mensuels évaporés.
Le système des bonifications (portant la pension à 80 %) reste inaccessible sans tous les trimestres requis. Seule bouée : son épargne-temps, accumulée via des heures supplémentaires, qui lui permet de partir six mois plus tôt avec un salaire complet. « Sans ça, la chute aurait été plus brutale », admet l’ancien infirmier, révélant une faille béante dans le filet social des soignants.