Procès historique à Bordeaux : l’ex-mari de Chahinez Daoud comparaît pour l’assassinat atroce de cette mère de famille brûlée vive en pleine rue à Mérignac en 2021. Préméditation, guet dans un fourgon aménagé et défaillances institutionnelles rythment un dossier qui symbolise les lacunes face aux violences conjugales.
Le drame de mai 2021 : une scène de crime insoutenable
Le 4 mai 2021, Chahinez Daoud, 31 ans, quitte son pavillon de Mérignac pour chercher ses enfants à l’école. À 18 heures, des coups de feu éclatent avenue de Carnot : son ex-mari, Mounir B., lui tire une balle dans chaque jambe avant de l’arroser d’essence et de l’enflammer. « Elle implorait du regard », raconte Gérard, un voisin ayant tenté d’éteindre les flammes avec des couvertures. La mère de famille meurt brûlée vive sous les yeux de témoins impuissants.
L’agresseur prend la fuite après avoir incendié le domicile de la victime, où se trouve l’un de leurs fils endormi. Interpellé 30 minutes plus tard à Saint-Jean-d’Illac, il porte un fusil de chasse, un pistolet automatique et une cartouchière. Ce drame survient alors que Mounir B., déjà condamné pour violences conjugales en 2020, avait été remis en liberté sans bracelet anti-rapprochement malgré ses 36 appels menaçants depuis sa cellule.
Un guet-apens méthodique dans un fourgon aux vitres teintées
Mounir B. a préparé son crime avec une précision glaçante. Il acquiert un fourgon aménagé avec des vitres permettant de voir l’extérieur sans être vu, et y passe 12 heures le 4 mai 2021, posté près du domicile de Chahinez. « Il voulait l’annihiler, la punir dans sa chair », analyse Maître Julien Plouton, avocat des parties civiles, soulignant les achats d’essence et d’armes préalables.
L’enquête révèle que l’ex-mari, condamné à 7 reprises dont pour violences sur deux conjointes, avait violé son interdiction de contact en adressant 36 appels menaçants depuis sa cellule en 2020. Pourtant libéré en décembre sans bracelet électronique – le dispositif jugé « non effectif » –, il échappe à une interpellation malgré la plainte de Chahinez pour étranglement déposée le 15 mars 2021, mal enregistrée par la police de Mérignac.
Des dysfonctionnements institutionnels aux conséquences fatales
Mounir B., déjà condamné 7 fois dont pour violences sur une ex-compagne et Chahinez Daoud, bénéficie d’une libération anticipée en décembre 2020 sans dispositif de suivi adapté. Les autorités invoquent alors l’« absence d’effectivité » du bracelet anti-rapprochement. Pourtant, le 15 mars 2021, la victime dépose une plainte pour violences et tentative d’étranglement qui ne déclenche aucune interpellation.
Une mission interministérielle révèle en 2021 des erreurs d’appréciation policières et un « défaut de prise en compte du danger ». Cinq fonctionnaires dont le directeur départemental de la police et l’ex-commissaire de Mérignac écopent de sanctions. L’IGPN pointe aussi le classement abusif de 39 plaintes pour violences conjugales dans cette juridiction entre 2019 et 2021.