Le cinéma espagnol s’apprête à vivre un moment historique avec la sortie en salles de « La Chambre d’à côté ». Pour la première fois de sa carrière, Pedro Almodóvar franchit la barrière de la langue en réalisant son premier long-métrage en anglais. Un pari audacieux qui s’est révélé gagnant puisque le film a décroché le prestigieux Lion d’or lors de la dernière Mostra de Venise.
Cette nouvelle œuvre marque également la rencontre inédite entre deux monuments du cinéma mondial : Julianne Moore et Tilda Swinton. Ces actrices d’exception, qui n’avaient encore jamais partagé l’écran, incarnent deux amies dont les destins s’entremêlent dans une histoire où l’art et l’amitié deviennent des bouées de sauvetage face aux tourments de l’existence.
Une amitié bouleversante au cœur du récit
L’histoire nous plonge dans la relation complexe entre Ingrid et Martha, deux femmes liées par leur passé au sein d’un même magazine. Leurs chemins se séparent lorsqu’Ingrid devient une romancière reconnue tandis que Martha s’engage dans une carrière de reporter de guerre. Le destin les réunit des années plus tard, dans des circonstances mystérieuses qui bouleverseront leur existence.
Cette trame narrative, typiquement almodvarienne, explore les thèmes chers au réalisateur : les relations humaines, la douleur, la mort, mais aussi la rédemption par l’art. Le cinéaste madrilène confirme d’ailleurs : « C’est une réflexion qui m’est propre sur la douleur, sur la mort et que je raconte en mes propres termes. »
Le saviez-vous ?
Pedro Almodóvar a refusé de nombreuses propositions hollywoodiennes au cours de sa carrière, dont la réalisation du film culte « Sister Act ». Son premier film en anglais reste ainsi une production 100% européenne, fidèle à ses principes artistiques.
Une production européenne aux accents américains
Bien que l’action se déroule à New York, le film a été entièrement tourné en Espagne. Produit par El Deseo, la société des frères Almodóvar, « La Chambre d’à côté » conserve l’ADN du cinéaste. La moitié de l’équipe technique est d’ailleurs composée de collaborateurs fidèles du réalisateur, garantissant cette signature visuelle si particulière qui a fait sa renommée.
L’utilisation de la langue anglaise n’altère en rien l’essence du cinéma d’Almodóvar. Au contraire, elle permet d’explorer de nouveaux territoires tout en restant fidèle à ses obsessions artistiques. Les décors somptueux et les couleurs éclatantes, marques de fabrique du réalisateur, sont toujours au rendez-vous.
L’art comme fil conducteur
Le film se révèle être une véritable déclaration d’amour à l’art sous toutes ses formes. Les références aux œuvres d’Edward Hopper, Virginia Woolf et Dora Carrington ponctuent le récit, créant un dialogue constant entre les personnages et la création artistique.
Julianne Moore souligne cette dimension : « C’est à travers l’art que l’on se découvre soi-même, que l’on découvre sa propre humanité et celle des autres ». Tilda Swinton complète cette réflexion en évoquant les quatre piliers qui structurent le film : « l’amitié, la camaraderie, l’art et la nature », éléments essentiels pour son personnage qui affronte les derniers moments de sa vie.
La Mostra de Venise
Le Lion d’or, remporté par « La Chambre d’à côté », est la plus haute distinction du Festival de Venise. Cette récompense vient s’ajouter au palmarès déjà impressionnant d’Almodóvar qui compte notamment deux Oscars, cinq BAFTA et deux Golden Globes.