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Le papillon violet sur un berceau : la réplique déchirante à l’origine du symbole « Tu as de la chance… »

Julie K.
7 Min de lecture

Un papillon violet discret collé sur un berceau devient aujourd’hui un symbole universel de deuil périnatal. Ce dispositif émouvant naît d’une tragédie vécue par Millie Smith, mère endeuillée après la perte d’une de ses jumelles, confrontée à une remarque blessante dans une maternité. De cette douleur émerge un langage silencieux désormais utilisé dans des centaines d’hôpitaux à travers le monde. Son objectif ? Protéger les parents ayant perdu un enfant lors d’une naissance multiple, en évitant les maladresses et en honorant une mémoire invisible. Décryptage d’une initiative née d’un choc… et devenue mouvement planétaire.

L’étincelle d’une mère en deuil : « Tu as de la chance… », la phrase qui a tout déclenché

Avril 2023, service de néonatalogie d’un hôpital britannique. Millie Smith, épuisée par un accouchement prématuré de jumelles, entend une phrase qui la transperce. Une mère voisine, ignorant sa tragédie, murmure : « Tu as de la chance de n’avoir qu’un seul bébé à gérer. ». Propos banals pour l’interlocutrice, mais déchirants pour Millie : Skye, l’une de ses filles, vient de mourir d’une anencéphalie après trois heures de vie.

Cette remarque apparemment anodine révèle un fossé invisible entre les apparences et la réalité des deuils périnatals. Tandis que Callie, la survivante, repose en couveuse, personne ne devine que Millie porte aussi le poids d’un berceau vide. « Les gens voyaient une mère, pas une moitié de cœur en miettes », confiera-t-elle plus tard. De ce contraste insoutenable naît une idée : créer un symbole universel pour alerter sans avoir à parler.

Anencéphalie : l’impensable diagnostic et le choix déchirant d’une famille

À 12 semaines de grossesse, le verdict tombe : Skye, l’un des deux fœtus, souffre d’anencéphalie, une malformation cérébrale congénitale « sans espoir de survie ». Les médecins informent Millie et Lewis : le cerveau et le crâne de l’enfant ne se sont pas formés. Une situation rédhibitoire, mais le couple refuse d’interrompre la grossesse. Leur raison ? Protéger Callie, la jumelle viable. « Si on arrêtait tout, on perdait nos deux filles », explique Millie.

Ce dilemme éthique reste une exception : 60 % des parents confrontés à ce diagnostic lors de grossesses gémellaires optent pour une interruption sélective*. Un choix souvent guidé par les risques pour le fœtus sain. « On nous a prévenus : chaque jour en plus augmentait les dangers pour Callie », confie la mère. Pourtant, Skye naît en mai 2023 — comme sa sœur — et vit trois heures, un répit miraculeux qui légitimera, pour ses parents, leur décision.

*Source : Étude de la Royal College of Obstetricians and Gynaecologists, 2022

Trois heures avec Skye : « Un adieu, un symbole et une sœur », l’héritage d’une courte vie

Le 20 mai 2023, Skye voit le jour aux côtés de Callie. Durant 180 minutes, elle crie, bouge et serre le doigt de ses parents. « On l’a déposée contre Callie. Elles se sont regardées, c’était… », raconte Millie, la voix nouée. Le personnel soignant immortalise ces instants : empreintes de pieds jumelles, mèches de cheveux croisées. Puis Skye s’éteint, blottie contre sa mère.

Dans la salle, les infirmières observent un deuil à double détente : Millie allaite Callie tout en tenant Skye. « Ces mères vivent une parentalité schizophrénique : joie et désespoir en même temps », analyse une sage-femme. Cette ambivalence inspire Millie : le papillon violet naît de cette impossibilité à “montrer les deux faces de notre histoire”. Un symbole qui, dès 2024, orne les berceaux de 14 pays.

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